Présidé par Sophie Joissains, la maire d’Aix-en-Provence élue en septembre 2021, le conseil municipal du 10 février revient, avant même de commencer les délibérations,sur la loi 3DS votée définitivement le 9 février au Sénat. Les élus aixois ne cachent pas leur désaccord avec l’article 56 de cette loi qui acte la suppression des conseils de territoire le 1er juillet 2022 et un fléchage de certaines compétences métropolitaines vers les communes (gestion de la voirie, des espaces publics ou la promotion du tourisme…), mais il faut maintenant aller de l’avant et se préparer à cette réforme.
Consensus entre majorité et opposition contre la loi 3DS
« Que va devenir la gestion des déchets ? » questionne d’emblée Marc Pena, élu d’opposition (Aix en partage), à la suite à la présentation de Guy Barret, vice-président du conseil de territoire du Pays d’Aix et maire de Coudoux (13) relative au projet d’expansion de l’ISDND (Installation de stockage de déchets non dangereux) sur l’ancienne décharge de l’Arbois à l’horizon début 2025. La réforme prévoit que cette compétence continue d’être gérée au niveau métropolitain… sans passer par l’intermédiaire des conseils de territoire, relais de proximité de la Métropole. Mr. Pena interpelle Sophie Joissains sur la création potentielle d’une société ad hoc pour « remplacer » les conseils de territoire. « Entre la commune et la métropole, il y a besoin d’avoir un échelon intermédiaire. Il y aura un grand vide s’il n’y a rien du tout ! » prévient-il.
Les élus de la majorité et de l’opposition s’indignent à l’unisson du rôle de l’État qui centralise le pouvoir, notamment avec le groupement d’intérêt public (GIP) voté pour les transports métropolitains et doté d’un milliard d’euros voulu par Emmanuel Macron. Le premier adjoint, Gérard Bramoullé, martèle que les plans successifs du gouvernement (plan de relance et plan Marseille en Grand) sont une mainmise de l’État sur le pouvoir décisionnel des territoires. « Paris décide pour nous ! » s’indigne-t-il avant le soutien de Sophie Joissains qui dénonce « une verticalité absolue » entre l’État et les territoires.
« Il y a une stratégie parisienne de la technocratie d’en haut pour asphyxier les communes. »
Gérard Bramoullé
Son premier adjoint renchérit : « Dans les dix ans, les dotations de l’État faites pour remplir les missions de services, ont été réduites de 58%. Il y a une stratégie parisienne de la technocratie d’en haut pour asphyxier les communes. »
L’opposition passe au crible le budget primitif 2022
La réforme prochaine n’est pas sans conséquence sur l’établissement du budget 2022, autre point de tension au cours de ce conseil municipal. Il anime les va-et-vient entre l’économiste Bramoullé, le professeur Pena et l’avocate Béatrice Bendele (Aix au cœur, groupe qui soutient le parti politique LREM) pendant plus d’une heure. Avec un budget annuel de 200 millions d’euros en fonctionnement (personnel, reversement de la fiscalité…) et de 90 millions d’euros d’investissements, la ville d’Aix se félicite d’avoir une bonne capacité d’autofinancement et une dette par habitant peu élevée. Le premier adjoint, en charge de la stratégie budgétaire, annonce « 21 millions d’emprunts » pour « booster l’investissement » en 2022
Cependant, bien que l’avenir des attributions de compensations (AC) versées aux communes ne soit pas encore tranché, la municipalité anticipe leur suppression dans le budget 2022 et reste prudente sur les investissements. Gérard Bramoullé alerte sur les futures difficultés à affronter si les AC viennent à être supprimées par la loi. « Nous allons perdre 20 millions d’euros en frais de fonctionnement » assure l’élu qui ajoute : « Nous n’aurons pas d’autres choix que d’actionner le levier fiscal », donc augmenter les impôts des habitants. Ces impôts doivent déjà être « augmentés de 5% pour les Aixois » relève l’élue d’opposition Mme Bendele. Une hausse qui serait dûe en partie au choix de ne pas augmenter les taux de la taxe d’habitation (TH) pour les habitants qui la payent toujours. En effet, le gouvernement a supprimé cette taxe qui revient aux villes pour plus de 80% des ménages français.
Sur 27 millions d’euros de subvention versés, la ville d’Aix dédie « 56% de ses crédits à la culture, 23% au sport et à la jeunesse alors que la santé, les familles et le social ne reçoivent que 8% » attaque Béatrice Bendele. Selon l’élue, les causes sociales ne sont pas assez soutenues par ce nouveau budget. Sophie Joissains se défend en énumérant les projets en cours dans les quartiers prioritaires de la ville : « Le social est partout : dans la biennale avec la participation des centres sociaux, nous avons doublé la garantie jeune [Ndlr : passée de 300 000 à 600 000 euros], deux projets d’hébergements à Jas-de-Bouffan ont été mis en place dont un hébergement mixte et le premier centre d’hébergement pour femmes du département et nous avons aussi un théâtre gratuit dans ces quartiers… » Le budget primitif annonce donc le financement d’une biennale artistique et culturelle pour trois millions d’euros et la maire l’assume. Pour elle, « c’est une façon de relever le gant après la crise sanitaire ».
Et aussi… une charte du bien construire pour le logement
Les débats houleux sur la loi 3DS n’ont pas empêché le conseil municipal d’avancer sur d’autres dossiers, comme le logement, argument de taille pour accélérer l’attractivité de la ville d’Aix. Le logement aixois est, en effet, l’un des plus chers de la région. Selon le site Se loger, le prix moyen au mètre carré est de 5 100 euros/m2 contre 3 900 euros/m2 en région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Avant de présenter sa charte du bien construire, l’adjoint à l’urbanisme Jean-Louis Vincent remarque que « toutes les opérations immobilières ne s’inscrivent pas dans la ville avec une même harmonie » et que « certains promoteurs décident de construire à moindre coût ». Dans le cadre du plan local d’urbanisme intercommunal(PLUI) d’Aix, cette charte visera à « préserver le patrimoine végétal » ; « s’inspirer du patrimoine aixois » ; « proposer la mixité des programmes immobiliers » et « opter pour des matériaux pérennes et qualitatifs ».
L’élu d’opposition Cyril Di Meo (De l’air pour Aix), relève une nette amélioration de la gestion de l’urbanisme et salue la municipalité : « Après un certain nombre d’années de grand n’importe quoi, vous essayer d’encadrer la construction et c’est un point positif ». Néanmoins, l’élu évoque l’angle mort dela construction de bâtiments commerciaux que la charte n’encadre. Selon l’élu, ce sont les entreprises d’entrée de ville qui « défigurent la ville ». Il conseille d’ouvrir cette charte à « plus de créativité architecturale » pour éviter de ne faire que du « style néo-provençal » et achève son intervention en déplorant le « manque de concertation » avec les architectes pour l’élaboration de ce document.
Si les élus municipaux d’Aix appréhendent leur avenir avec la loi 3DS votée, Martine Vassal, la présidente de la Métropole Aix-Marseille-Provence, qui verse les allocations de compensations aux communes, se réjouit d’annoncer, lors d’une conférence de presse sur l’aménagement de la RD113 le même jour : « une conférence des maires avec Monsieur le Préfet le 22 février pour présenter aux 92 maires cette nouvelles loi ».
Martine Vassal s’exprime sur les prochaines étapes de la loi 3DS
Revoir le conseil municipal d’Aix du 10 février
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