Lorsque la start-up industrielle Enogia a fait son entrée en Bourse, il y a maintenant une année en juin 2021, ses managers promettaient une croissance exponentielle avec un chiffre d’affaires supérieur à 95 millions d’euros en 2025. Rappelons qu’Enogia développe des technologies de rupture qui permettent de récupérer la chaleur des moteurs, dite chaleur fatale (1). Cette énergie, aujourd’hui perdue, voire polluante ou nuisible, constitue une ressource potentielle dans les usines de production, sur les navires, sur les véhicules et sur les sites de méthanisation. Enogia conçoit et fabrique des systèmes ORC (Organic rankine cycle), qui permettent de convertir la chaleur en électricité et des compresseurs d’air pour piles à combustible.
2021, année de transition
Dans l’interview qu’il accordait à Gomet’ en juin 2021, Arthur Leroux détaillait : « nous avons développé une gamme de microturbines qui permettent de valoriser la chaleur habituellement perdue. Installées dans des sites industriels, maritimes, géothermiques, agricoles comme les unités de méthanisation, ou encore sur des groupes électrogènes, nos microturbines permettent aux clients d’économiser sur leurs coûts d’énergie ou de revendre l’électricitéé produite, avec un retour sur investissement généralement inférieur à cinq ans. Nous sommes l’un des deux seuls acteurs mondiaux à proposer la conversion de chaleur fatale à très basse température, dès 70 °C, ce qui nous ouvre un vaste potentiel de marché.»
L’année 2021 fut une année de transition pour Enogia, qui a souffert des difficultés d’approvisionnement de son unité industrielle des quartiers nord et surtout de la fermeture du marché chinois suite à la pandémie du Covid.
L’entreprise phocéenne réalise toujours les 3/4 de son activité à l’international. Le chiffre d’affaires de l’exercice 2021 s’établit à 2,9 millions d’euros, en hausse de 51 % par rapport au 31 décembre 2020. L’Ebitda ressort à -2,2 millions. Le résultat d’exploitation s’établit à -2,9 millions d’euros avec une trésorerie financière nette fin 2021 à 2,6 millions d’euros contre un endettement financier net de 4,7 millions d’euros à fin 2020. La croissance annoncée de 50% est au rendez-vous, mais pas le résultat.
Le cours de Bourse a été chahuté, comme pour beaucoup de valeurs technologiques particulièrement dans le domaine des énergies renouvelables dont le marché est lié aux cours pétroliers, toujours chaotique. Arthur Leroux, fondateur et P.-D.G., s’il ne commente pas la Bourse, confirme que la trajectoire annoncée aux actionnaires est bien là. Pour Gomet’, depuis les Pays-Bas, il précise que « la conjoncture de l’énergie avec un baril à 120 $ offre de véritables possibilités de développement pour les énergies alternatives et pour les solutions de rupture que propose Enogia. Nous sommes confiants dans l’avenir : nos produits qui séduisent les industriels et nous sommes sur tous les secteurs en discussion avec des majors. »
Dans un communiqué officiel de début d’année Enogia confirme son ambition pour l’année 2022 d’un chiffre d’affaires « en croissance significative, avec un second semestre plus dynamique que le premier, compte tenu des délais naturels de génération de chiffre d’affaires par les nouveaux collaborateurs et par les accords de partenariat après signature. Les difficultés d’approvisionnement aujourd’hui résolues impactent également le chiffre d’affaires du 1er semestre. »
Des modes alternatifs à la vente sèche
Pour accélérer les démarches commerciales intensives conduites par ses équipes en Europe de l’Ouest et en Asie, Arthur Leroux veut ajouter à ses deux réseaux traditionnels de distribution, la vente directe et la vente indirecte, l’économie d’usage. Souvent, dit-il, « nos clients sont freinés pas des questions de trésorerie. L’énergie est une charge récurrente, en alléger le poids est devenu une évidence, mais le réflexe d’investissement sur les ENR n’est pas encore une évidence. Nous allons donc proposer à nos prospects des modes alternatifs à la vente sèche qui prendront différentes formes en cours d’élaboration : ce peut être une forme de leasing, de location, du partage de la ressource énergétique dégagé par l’équipement Enogia installé. »
Ce modèle permet de bénéficier des services rendus par l’installation d’un module ORC Enogia par exemple sur une centrale de production de biogaz (méthanisation, centres d’enfouissement) sans investissements, ni charges directes. Le client final enregistre des gains immédiats, dès la mise en service de son module, par la production d’électricité renouvelable, revendue ou consommée.
Pour mettre en place ces outils financiers important – un ORC coûte de 40 000 euros à plusieurs centaines de milliers d’euros – Enogia vient de signer des accords avec deux grands fonds de référence qui font confiance au développement de la société marseillaise: le fonds Eiffel Gaz Vert et Ademe Investissement.
Avec le gestionnaire d’actifs Eiffel Investment Group, à travers son fonds Eiffel gaz vert, une joint-venture dédiée à l’acquisition et l’installation de modules ORC à destination d’unités de méthanisation en cogénération a été créé fin 2021. Cet accord prend la forme d’une plateforme d’investissement commune “Enogia asset biogas” détenue à 60% par Enogia et 40% par Eiffel Gaz Vert. L’accord renouvelable conclu pour une période de trois ans couvre principalement la France et l’Allemagne, et pourra s’étendre à d’autres pays de l’Union européenne.
15 millions d’euros de financements disponibles
L’accord avec Ademe Investissement signé en juin 2022 vise à déployer les modules ORC d’Enogia par l’économie d’usage sur les segments de la géothermie, de la biomasse et de l’industrie, sur un périmètre couvrant près de 40 pays sauf ceux qui sont couverts par Eiffel gaz vert. Ademe Investissement est un outil public de financement en fonds propres de l’Ademe doté d’une enveloppe de 400 millions du Programme d’investissement d’avenir de l’État, désormais intégré à France 2030.
L’accord prévoit la création d’une joint-venture, Enogia Assets industry, détenue à 55% par Enogia et 45% par Ademe investissement. Le montant global potentiel d’investissements est fixé à 15 millions sur cinq ans. Enogia Assets Industry est donc un fonds qui mettra à disposition de ses clients des ORC Enogia dans le cadre de contrats de huit ans minima. Ils n’induisent pas d’investissements ni de charges directes pour les clients, ils bénéficieront, dès l’installation, de la valeur apportée par l’ORC, via l’électricité produite, qu’ils pourront consommer ou vendre. Porteur opérationnel du projet, Enogia vendra les ORC à Enogia Assets industry et en assurera l’installation, la mise en service et la maintenance. Le client final devra verser une redevance selon sa consommation selon les termes de chaque accord de financement.
Enogia créé donc avec Eiffel et l’Ademe, les outils de financement de ses futurs clients. « Nous sommes honorés, déclare Arthur Leroux, de nous associer avec l’Ademe qui partage avec nous l’ambition d’accompagner la transition énergétique et avec Eiffel Gaz Vert qui nous a accordé son soutien pour le déploiement de l’économie d’usage sur le secteur du biogaz en France et en Allemagne. Nous complétons la couverture géographique et sectorielle de notre modèle de distribution d’économie d’usage. » Enogia compte sur cette accélération des ventes, grâce à ces deux fonds, avec des outils financiers adaptés, pour atteindre les objectifs promis aux actionnaires boursiers l’an dernier.
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ORC: mode d’emploi
(1) Par chaleur fatale, on entend une production de chaleur dérivée d’un site de production, qui n’en constitue pas l’objet premier, et qui, de ce fait, n’est pas nécessairement récupérée.