Enogia annonce officiellement avoir franchi un grand pas pour son projet d’introduction en Bourse sur le marché Euronext Growth à Paris. Son document d’enregistrement a été approuvé par l’Autorité des marchés financiers ce qui devrait ouvrir les portes aux investisseurs cet été. Depuis 2009, Enogia développe, fabrique et commercialise une technologie brevetée de microturbines au service de la transition énergétique déclinée dans deux activités : la conversion de chaleur fatale en électricité grâce aux modules ORC (Organic Ranking Cycle) et le compresseur pour pile à combustible hydrogène. Une technologie qui a permis à Enogia de grandir beaucoup par l’export, d’avoir une unité industrielle dans les quartiers nord avec une cinquantaine de salariés et de s’imposer comme un acteur clé de la cleantech en France. L’hydrogène et ses perspectives donnent des ambitions aux fondateurs, deux gadzarts : Arthur Leroux, président directeur général, et Antonin Pauchet, directeur général délégué, le financier. Ils osent la bourse pour financer un projet de croissance ambitieux. Pour Gomet’ Arthur Leroux dévoile cette stratégie en dix questions.
1. Enogia, comme les autres entreprises industrielles, a subi la pandémie. Comment avez-vous été impacté ?
Arthur Leroux : La pandémie a frappé Enogia venant interrompre ponctuellement la dynamique de forte croissance historique que nous connaissons depuis 2014. Nous avons été affectés par la crise en 2020 avec deux phénomènes concomitants. Lorsqu’ils nous passent commande, nos clients font des investissements conséquents et nous avons souffert de la fermeture de leurs lignes d’investissements. L’arrêt du commerce international a aussi eu un impact sur notre activité. Notre chiffre d’affaires à l’export a chuté ; le marché national a mieux tenu. De plus notre supply-chain (chaîne de fournisseurs, NDLR) a été impactée : nos fournisseurs en Italie du Nord par exemple n’ont pas pu nous approvisionner en composants de nos machines.
Enogia a développé une technologie adaptée à l’hydrogène avec des compresseurs plus compacts, légers et performants que les standards du marché.
Arthur Leroux
2. Vous revendiquez de « concevoir, fabriquer et commercialiser des microturbomachines innovantes ». Pourquoi aujourd’hui privilégier l’hydrogène ?
A L : Notre technologie de micro-turbo-machine peut s’appliquer dans la cryogénie, dans la compression de gaz naturel. Nous avons identifié un besoin qui n’est pas couvert par le marché : la fonction compresseur dans les piles à combustible hydrogène. Ce besoin est mal servi par nos concurrents avec des solutions « sur étagère » qui ne correspondent pas aux attentes des clients.
Le marché de l’hydrogène est en croissance rapide, il est, dans l’ère “post pandémique”, soutenu par les plans de relance de la filière dans tous les grands pays : en France sept milliards, en Espagne plus de dix milliards, en Allemagne, neuf milliards etc. Plus de 30 pays d’Europe, d’Asie et d’Amérique ont publié, début 2021, des plans ambitieux pour le développement de l’hydrogène, tant au niveau de la production que de l’utilisation, de l’hydrogène décarboné. Il y a un besoin et un marché en fort développement, c’est une opportunité.
Enogia a développé une technologie adaptée à l’hydrogène avec des compresseurs plus compacts, légers et performants que les standards du marché.
3. Enogia, au-delà du concept, a-t-il convaincu des acheteurs de la pertinence de son offre « hydrogène » ?
A L : Il faut savoir que chaque pile à combustible (PAC) commercialisée est systématiquement dotée d’au moins un compresseur. Ce composant stratégique représente 15 à 20 % de la valeur de la PAC. En 2020, pour notre première année de commercialisation, deux contrats ont été signés avec des acteurs de référence de la pile à combustible hydrogène. Des unités supplémentaires ont été commandées. Des négociations sont en cours pour la signature de contrats relatifs aux phases suivantes du projet. Nous sommes également en cours de discussions avec une trentaine d’acteurs du secteur sur les trois marchés : stationnaires, mobilité lourde et mobilité légère.
4. Vous étiez engagé dans la géothermie. Vous abandonnez ce secteur ?
A. L. : La géothermie est un des secteurs sur lequel Enogia entend accélérer le déploiement des ORC surtout à l’export, au côté des secteurs maritime et industriel.
5. Pourquoi choisir la bourse pour financer ce développement, alors que d’autres ressources semblent très accessibles comme le crédit ou les fonds ?
L’introduction en bourse va nous aider à adresser efficacement le marché Asie
Arthur Leroux
A. L .: Trois facteurs ont joué dans notre choix :
- Nous avons été lauréats du programme Tech Share [1] d’Euronext qui nous a permis d’analyser les points forts et les points faibles de notre entreprise face à la bourse. Depuis, nous nous sommes structurés pour accompagner le développement de nos activités, en gardant toujours en tête l’option d’une introduction en bourse. Aujourd’hui après une analyse 360° sur l’état de notre société, nous pensons être suffisamment structurés pour y aller.
- Le marché de l’hydrogène est en croissance très forte. Avec l’accélération de la transition énergétique post-crise sanitaire, le lancement commercial en 2020 de notre activité hydrogène et les très bonnes perspectives de croissance de l’activité historique ORC, Enogia est dans une phase de fortes opportunités. Nous avons l’ambition de devenir un des principaux acteurs de la fourniture de compresseurs pour piles à combustible hydrogène.
- La bourse est en outre un vrai bonus dans notre approche commerciale notamment en Asie : une société cotée offre un certain niveau de confiance et de transparence, qui est très prisé par les clients asiatiques – peut-être plus que par les clients européens. L’introduction en bourse va nous aider à adresser efficacement le marché Asie, un grand réservoir de croissance pour nos deux activités.
La Bourse est pour nous la solution pertinente pour financer notre croissance, pour maintenir notre avance technologique en R & D, pour renforcer l’action commerciale afin de capter le potentiel de marché, pour adapter notre capacité de production à notre montée en puissance commerciale. Nous pourrions alors nous doter d’un nouvel outil de production adapté aux 200 salariés que nous prévoyons.
6. Qui vous accompagne dans ce développement ?
A. L. : La banque d’affaires est le CIC Market Solutions [2] ; au niveau juridique, le cabinet d’avocat lyonnais Lamy Lexel, nous conseille. Notre cabinet d’audit financier historique marseillais, le cabinet Astrée Syrec nous épaule, aux côtés de Mazars. Nous avons également fait appel à une agence de communication spécialisée. Ce sont des acteurs de référence que nous avons rencontrés lors du programme Tech Share et qui forment un team soudé et cohérent.
7. Faurecia Venture, le fonds de l’équipementier automobile est au capital d’Enogia [3]. Quelle est sa posture ?
A L : La présence de Faurecia au capital est un signe fort et durable pour valider notre approche technologique. Les fondateurs resteront majoritaires, ce qui garantit la pérennité du projet.