Marseille vient de mener l’une des quatre premières expérimentations en France pour le règlement amiable des litiges, et les conclusions sont jugées très encourageantes par le ministre de la Justice, Eric Dupond Moretti.
Ce lundi 5 février à Aix-en-Provence, le garde des Sceaux, a rencontré les promoteurs de l’Audience de Règlement Amiable (ARA), mise en place le 1er novembre 2023. Une approche alternative de résolution des différends, où un juge est chargé de guider les parties vers une solution amiable dans un cadre confidentiel. Le modèle français de l’ARA s’inspire du système québécois, où 70 à 80% des affaires soumises à un juge se concluent par un règlement amiable. En France, « la mise en place de l’amiable est en marche » et sera effective avant 2027, selon le ministre de la Justice.
« Aix-en-Provence n’est pas un hasard », a souligné le ministre de la Justice pour justifier son déplacement dans la cité, où Renaud Le Breton de Vannoise, le premier président de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, a été parmi les premiers à soutenir et à promouvoir cette réforme.
Réduire les délais de justice et remettre le citoyen au cœur de la justice
En présence du ministre de la Justice, des fervents partisans de la procédure amiable ont exprimé leur conviction, parmi lesquels maître Odile Gagliano, avocate spécialisée en droit civil au barreau de Marseille. Lors d’une table ronde, celle-ci a exprimé son optimisme quant à la réussite de la réforme, soulignant qu’après « cinquante ans de carrière et quatre crises de la justice », c’est la première fois qu’elle entrevoit une possibilité d’éviter la surenchère des procédures judiciaires.
Pour initier ce processus, il s’agit d’élargir le recours aux procédures amiables en mobilisant l’ensemble des acteurs, des magistrats aux médiateurs, en passant par les chefs de juridiction. L’idée est d’évaluer, pour chaque dossier, la voie procédurale la plus adaptée. « L’amiable va irriguer tout le contentieux judiciaire et administratif », envisage Éric Dupond-Moretti, un modèle qu’il estime équitable pour tous. « Les avocats auront l’opportunité de développer un modèle économique pour leur cabinet, les magistrats pourront trouver un nouveau sens à leur fonction en quittant la robe, rendant ainsi la justice plus accessible. Surtout, cela permettra au justiciable de reprendre le contrôle de son procès, maîtrisant davantage sa durée et son coût », a plaidé le garde des Sceaux.
Justice amiable : un chantier conséquent pour 2024
Pour rendre effectif la procédure à l’amiable, Eric Dupond-Moretti a annoncé avoir mis en place un groupe de travail chargé de la diffusion de la « culture de l’amiable » dans les formations universitaires, présidé par Jean-Christophe Saint-Pau (université de Bordeaux), président de la conférence des doyens de droit et de science politique.
Au sein des tribunaux, le renforcement de l’amiable en amont de la saisine du juge est obligatoire et instantané depuis déjà quelques mois, pour certains types de litige comme les troubles de voisinage ou les demandes en justice relatives au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros. Le ministre de la Justice entend élargir le préalable à l’amiable obligatoire pour les litiges jusqu’à 10 000 euros. Durant les mois à venir, la culture de l’amiable sera étendue à d’autres juridictions. Enfin, le ministre de la Justice souhaite redonner du sens au métier de juge, « son office premier est de trancher les litiges » a t-il rappelé, déplorant l’aspect chronophage et non-maîtrisé de la gestion des affaires judiciaires.
Pour mettre en place la culture de l’amiable, le décret du 28 décembre 2023 relatif aux aides juridictionnelles vise à faciliter la mise en œuvre de l’amiable, en prévoyant la création d’une rémunération minimale pour les médiateurs intervenant dans le cadre de l’aide juridictionnelle, ainsi que la valorisation à hauteur de 50% de cette aide lorsque l’avocat parvient à aboutir à un accord complet entre les parties.
La France parviendra t-elle à rattraper le chemin de ses pays voisins ? « La justice française est une vieille dame qui n’aime pas être bousculée » a murmuré Eric Dupond-Moretti à l’oreille des ambassadeurs sudistes de l’amiable, soulignant la nécessité d’une mobilisation collective pour la mise en pratique d’une justice progressiste.
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