Top départ pour la mission « Gama Alpha ». La voile solaire développée par la start-up francilienne Gama vient de rallier le cosmos ce mardi 3 janvier 2023, empaquetée dans un petit satellite de 12 kg. Après deux ans de recherche et de conception, l’engin a décollé depuis Cap Canaveral (Floride), en début d’après-midi, embarqué sur une fusée Falcon 9 du géant américain SpaceX.
La voile solaire Gama mesure 73,3 m², pèse 400 grammes, mais elle est 50 fois moins épaisse qu’un cheveu (2,5 microns). Elle n’utilise pas le vent mais bien la lumière du Soleil pour se déplacer. De quoi faire une croix sur le carburant utilisé aujourd’hui par les vaisseaux, et réaliser quelques économies. Durant cette première mission, la voile doit d’abord se déployer correctement, puis elle servira de “moteur” à un petit satellite de type CubeSat. Tout l’enjeu de l’opération est de savoir si cet outil conçu par Gama, société fondée en 2020, représente un moyen de transport fiable, rapide et low cost afin d’explorer la voie lactée dans les prochaines décennies.
Si le concept de voile solaire est nouveau en Europe, il n’est toutefois pas inédit à l’échelle mondiale. En effet, le département scientifique de l’Agence d’exploration aérospatiale japonaise (Jaxa) a déployé la voile Ikaros en 2010. Neuf ans plus tard, aux États-Unis, le groupe Planetary Society a lui aussi expérimenté son propre modèle baptisé Lightsail 2.
La voile solaire se présente comme « l’infrastructure du transport spatial de demain ». Cette technologie s’appuie exclusivement sur le principe de propulsion photonique. Autrement dit, la voile solaire n’a besoin que des particules de lumière émises par le Soleil pour se déplacer dans l’espace. Quand les photons percutent la surface réfléchissante de la voile, la pression radiative permet de faire avancer l’objet. C’est ensuite la position de la voile par rapport aux rayons du Soleil qui détermine la trajectoire de l’engin.
Cette méthode « pourrait théoriquement accélérer à des vitesses jamais atteintes par des objets créés par l’humanité (60.000 km/s, ndlr) », explique Gama dans un communiqué. Les satellites étant de moins en moins volumineux, et de plus en plus légers, la voile solaire pourrait bien représenter, à l’avenir, le mode de transport idoine pour l’exploration spatiale.
Une levée de fonds à deux millions d’euros en mars 2022
La voile solaire serait, selon Andrew Nutter, directeur général et co-fondateur de Gama, « la seule alternative économiquement viable pour continuer à explorer le système solaire et réaliser des missions toujours plus complexes ». Grâce à la pression radiative, qui offre une accélération constante sans carburant, la voile solaire permettrait de casser les coûts, et d’initier des missions durables « 10 à 20 fois moins chères » par rapport aux solutions actuelles – une opération vers Vénus s’élève aujourd’hui à près de 200 millions de dollars.
Et l’argument séduit. Gama a en effet levé deux millions d’euros en mars dernier auprès du centre national d’études spatiales (CNES), de BPI France, d’investisseurs privés (Kima Ventures, Possible Ventures) et de business angels, dont Nicolas Pinto (Apple), Marie Outtier (Twitter) et Romain Afflelou (Cosmo Connected). Parmi les partenaires du projet Gama, on retrouve également des sociétés publiques, privées… et l’armateur marseillais CMA CGM, parrain de la mission lancée mardi à travers un soutien de sponsorship.
Le Marseillais CMA CGM en soutien du projet Gama
Le regard de plus en plus tourné vers « ce qui se passe là-haut », pour reprendre les mots de Rodolphe Saadé, patron du groupe, le transporteur maritime est sponsor de l’opération spatiale lancée par Gama. L’armateur suit de près les avancées du projet. Et pour cause, l’exploitation des informations satellitaires est une des nouvelles armes de CMA CGM. Elle permet d’optimiser les opérations de transport du groupe dans le monde entier. Notamment avec des données plus complètes sur la navigation et les conditions maritimes en temps réel. Le logisticien marseillais est également en discussion avec Gama concernant des « opportunités de transport et logistique dans l’espace pour le futur », nous confie Andrew Nutter.
Voilà plusieurs mois que Rodolphe Saadé affiche publiquement son ambition de se tourner vers l’industrie spatiale. CMA CGM travaille déjà avec des grands noms de l’aéronautique, comme le CNES, Thales Alenia Space, sur des projets de logistique orbitale, et Air France KLM dans lequel le groupe est entré en force au printemps 2022. En décembre dernier, le transporteur marseillais a franchi le seuil des 10% au capital d’Eutelsat, l’opérateur européen de communication par satellite.
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D’autres missions Gama dans les tuyaux
La mission Gama Alpha va permettre de tester, à environ 550 kilomètres de la Terre, la mise en service, le déploiement puis la désorbitation d’une voile solaire. Si l’expérimentation se déroule comme prévue, Gama poursuivra son projet sous les meilleures auspices. « C’est une étape déterminante pour la démocratisation de ce nouveau moyen de propulsion spatiale », indique l’entreprise dans un communiqué.
Cette première démonstration technique sera suivie, à horizon 2024, d’une deuxième mission, baptisée « Gama Beta ». Il s’agira cette fois, pour la spacetech francilienne, de prouver que la voile solaire, en plus de se déployer correctement, est aussi capable de se mouvoir avec précision dans l’espace, d’un point A à un point B. Une ultime navigation expérimentale, vers un corps céleste lointain, est prévue en 2025 au plus tôt. Gama envisage ensuite de commercialiser son produit, notamment auprès d’agences spatiales.
Just a few more hours to launch. This will be the sequence over the coming weeks.#space #solarsail #spacex #solarsailing #GamaAlpha@CNES @cmacgm @SpaceX pic.twitter.com/1GGhR1f86D
— Gama (@gamaspace) January 3, 2023
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