C’est un bâtiment qui détonne dans le paysage ultra-urbain d’Euroméditerranée. Juste derrière la très moderne skyline constituée notamment de la tour La Marseillaise et la tour CMA-CGM, se dresse l’église Saint-Martin d’Arenc. Edifiée en 1913, elle est l’ultime vestige de l’ancien visage de cette partie de Marseille. Mais les grilles sont fermées, cadenassées. Le côté gauche de l’édifice est recouvert de tags et le jardin, où seules quelques branches dégarnies subsistent, n’a visiblement pas été entretenu depuis longtemps.
Les anciens vitraux, disparus, ont été remplacés par des étais de bois. A droite, on peut voir un panneau sur lequel est inscrit sur fond bleu « Ici, le Département s’engage à investir pour le sauvetage de l’église Saint-Martin d’Arenc …» La fin du texte est cachée par les grilles enroulées de ronces. En effet, le Département, propriétaire depuis 2018 de l’église aujourd’hui désacralisée et rachetée au diocèse, lui cherche une nouvelle vocation. Pour cela, la collectivité a bloqué un montant de six millions d’euros. Mais au terme d’une récente réunion le 17 janvier dernier réunissant les comités d’intérêt de quartier (CIQ), le Département et Euroméditerranée, aucun consensus n’a été trouvé pour donner une nouvelle vie aux lieux.
Le Département a exposé lors de cette réunion l’hypothèse d’une destruction partielle, en s’appuyant sur une étude réalisée par les architectes du patrimoine. Or, c’est précisément cette destruction partielle qui fait hurler certains au blasphème. Sur son site, le CIQ Arenc-Villette relaie ainsi les échanges de la réunion du 17 janvier et s’insurge : « On nous explique que la raison de cette destruction partielle serait le manque de place à l’intérieur. À ce stade, on comprend qu’il faudrait abattre l’intérieur et par conséquent les murs latéraux. » Le CIQ invoque plusieurs arguments pour contredire ce scénario. « Le représentant d’Euromed nous fait remarquer que la clef de voûte est fendue et que la voûte risque de s’effondrer ! Or, il ne s’agit pas d’une clef de voûte, à proprement parler, mais d’un décor. En effet, la voûte est en briques creuses maçonnées […]. Pourquoi insister pour la destruction partielle ? Car, d’après les diverses études, et notamment celle de PR Optim, il était prévu une surface exploitable d’environ 3200 m², plus 500 m² à l’extérieur. Or ce n’est pas en abattant l’intérieur de St Martin d’Arenc que l’on pourra atteindre les près de 4000 m², car la surface hors tout du bâtiment est d’environ 1000 m² ! », peut-on ainsi lire sur le site. En plus de la destruction du patrimoine, le CIQ invoque également l’ensemble des financements apportés par le Département, mais aussi la Ville de Marseille, Euroméditerranée ou encore la Région, soit « 13 millions d’euros » affirme le CIQ.
Eglise Saint-Martin d’Arenc : « Des pièces menacent de s’effondrer »
Interrogée en marge de la présentation du bilan 2023 d’Euroméditerranée, sa présidente Laure-Agnès Caradec (LR) également conseillère départementale, précise : « Le CIQ voudrait qu’on refasse l’église à l’identique … Il n’est pas question de détruire l’église mais de faire évoluer le bâtiment pour installer un nouvel usage. Le lieu a été conçu pour accueillir des messes, il est très fermé, très sombre et certaines pièces majeures, comme le clocher, menacent de s’effondrer. Il nous faudra peut-être selon l’usage créer des ouvertures plus importantes pour faire entrer la lumière ou encore mettre aux normes d’accès pour les personnes à mobilité réduite … »
La présidente d’Euroméditerranée affirme qu’aucune date butoir n’est actuellement fixée pour l’émergence d’un nouveau projet et que « le sujet reste ouvert », mais elle précise les attentes du Département : « Le Département souhaite garder la propriété, mais ne pas en avoir la gestion. Cela pourrait se faire sous la forme d’une délégation de service public, par exemple. Ce peut-être un lieu culturel, de l’animation, en tout cas quelque chose qui génère de la vie. » Laure-Agnès Caradec assure qu’une nouvelle réunion doit intervenir prochainement, « peut-être après les vacances scolaires.»
CIQ Arenc-Villette : « Cela fait 24 ans que l’on nous promet une réhabilitation »
Egalement contacté, un représentant du CIQ Arenc-Villette – qui ne souhaite pas être cité – réagit aux propos de la présidente d’Euroméditerranée : « Contrairement à ce qui est dit, nous ne sommes fermés à aucun projet. La seule chose que nous demandons, c’est que l’infrastructure de l’église ne soit pas dénaturée.» Il pointe en revanche du doigt « la démultiplication des études financées par l’argent du contribuable » : « Cela fait 24 ans que l’on nous promet une réhabilitation, et ça fait six ans que nous envoyons des courriers. Nous avons dû saisir la Cada (commission d’accès aux documents administratifs) pour que les études nous soient transmises » s’agace-t-il.
Si le CIQ affirme ne pas être fermé sur les projets d’avenir de l’église St-Martin, il préfèrerait néanmoins y voir une initiative valorisant les vestiges de l’ancienne église du 12e siècle, par exemple, actuellement entreposés au musée d’Histoire de Marseille. L’église Saint-Martin d’Arenc n’est donc pas encore près de trouver la rédemption… En revanche, une procédure de classement au titre des monuments historiques, délicate vu l’intérêt faible de cette construction serait en cours, à l’initiative du CIQ, ce qui pourrait changer la donne.
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