Le projet HyVence a été présenté aux habitants de Fos-sur-Mer lors d’une réunion organisée par la commune mercredi 20 septembre. Un rendez-vous consacré aux grands projets industriels de la zone. HyVence est l’un des plus des originaux tant par son histoire, son ambition, les technologies mobilisées et son porteur, l’entreprise Géosel dont l’activité principale basée à Manosque est aussi stratégique que méconnue.
Il y d’abord l’emplacement du projet HyVence : les deux étangs de quelque 500 hectares (voir notre précédent article) de Lavalduc et l’Engrenier situés aux confins des communes de Fos, St Mitre, Martigues et Istres. Un site anthropisé depuis que ces salins exploités déjà dans l’Antiquité, ont servi de déversoir aux effluents des pionniers de la chimie au 19e siècle avec la production locale de soude.
Ces étangs, remplis aujourd’hui de saumure, liquide qui sert de vase communicante avec les hydrocarbures (lire notre article sur Géosel) depuis les réserves souterraines de Géosel dans le sous-sol de Manosque, sont spectaculaires par leur dimension et idéalement placés au coeur de la zone industrielle de Fos et Martigues. « Il suffit de tracer un rayon de 15 kilomètres autour et nous adressons avec des réseaux de pipeline déjà existants 95% de l’appareil industriel local » se réjouit François Billard, le patron de Géosel (détenu principalement aujourd’hui par le fonds d’investissement Ardian qui gère 150 milliards d’actifs dans le monde).
Géosel : comment participer à la transition écologique ?
Géosel travaille depuis 2015, année du changement d’actionnaires (sortie des pétroliers fondateurs, arrivée d’Ardian) sur sa transformation. « Nous nous sommes demandés comment nous pouvions participer à la transition écologique à partir de notre savoir-faire acquis dans l’énergie et le skockage, explique celui qui fut à une autre époque de sa carrière vice-président de la société cotée en bourse, Entrepose Group. Nous avions l’habitude de stocker des vecteurs énergétiques, pouvait-on en stocker des nouveaux ? Il y avait un très bon candidat : l’hydrogène parce que cela se stocke, se comprime et se transporte par pipeline. » A l’esprit des nouveaux dirigeants : l’horizon 2030 et les objectifs bas carbone fixés par la France dans le cadre de sa transition écologique.
En parallèle de cette réflexion, Géosel étudie le potentiel solaire de ces étangs qui disposent d’un excellent ensoleillement. Les premières études montrent que la récolte d’énergie photovoltaïque, en posant des panneaux solaires à la surface de Lavalduc et l’Engrenier, atteindrait quelque 800 gigawatt par an. Le projet HyVence commence à naître.
Mais les têtes pensantes de Géosel ne s’arrêtent pas au solaire puisque HyVence (Hydrogène Provence) veut se servir de l’énergie produite pour fabriquer de l’hydrogène par électrolyse. Le monde industriel et du raffinage utilise en effet beaucoup d’hydrogène mais à partir de source carbonée. HyVence veut créer de « l’hydrogène renouvelable pour partie et très bas carbone pour une autre partie » pour adresser le bassin industriel d’immédiate proximité.« Nous sommes directement connectés aux plateformes industrielles de Fos d’un côté et de Lavera de l’autre. Nous pourrions avoir une capacité de production de 15000 tonnes d’hydrogène sur une zone qui en consomme déjà aujourd’hui 100 000 par an » affirme François Billard.« La consommation actuelle est fournie par de l’hydrogène gris, à base d’énergie carbonée » précise Charlotte Toulemonde, chef de projets à Géosel.
L’emplacement pour produire l’hydrogène a été identifié, à la croisée des deux étangs, au Plan d’Aren. « C’est le site historique de la chimie du 19e, qui a les caractéristiques d’une friche industrielle, idéalement placée entre les deux réservoirs. On peut y implémenter des installations de productions d’hydrogène » assure cette spécialiste de l’énergie industrielle passée par Arkema et ExxonMobil.
HyVence dispose donc d’une base solide et bien localisée. Restent encore plusieurs étapes avant de passer à la phase opérationnelle. François Billard se veut prudent, en avançant quatre conditions pour un lancement réussi : la technologie, la concertation, les besoins du marché et le financement.
Des impacts jugés mineurs sur l’environnement
D’un point de vue technique Géosel mène les études sur ses fonds propres, en étant aidé par l’apport scientifique du CEA. La concertation n’a pas encore débuté et des premières études d’impact sont en cours. Le projet vient se superposer à un site déjà industrialisé ce qui limite les conséquences en matière environnementale. « L’inventaire de biodiversité n’a pas montré d’enjeux majeurs. Elle pourrait être d’ailleurs meilleure après l’implantation du projet qu’avant » observe Charlotte Toulemonde. Géosel travaille depuis le début avec l’Ecole nationale de paysage de Versailles pour définir la meilleure intégration possible dans l’environnement. Les besoins énergétiques additionnels du projet sont aussi maîtrisés selon François Billard, y compris les besoins en eau. Le dirigeant aime mettre en avant le savoir-faire de Géosel acquis à Manosque: « nos grands réservoirs sont intégrés dans le sous-sol du Parc naturel du Luberon. Nous avons cette compétence de comprendre un site et son milieu. Et d’insister : « sur les 250 hectares de forêts occupés, à peine huit sont artificialisés. Un stockage aérien occuperait 300 hectares… Nous avons l’expérience pour développer un objet comme HyVence. »
Le site de Géosel dans les Alpes-de Haute-Provence (Crédit Géosel)
Concernant le marché adressé, il ne fait guère de doutes que les besoins en hydrogène vert vont continuer de croitre avec des débouchés multiples, d’abord dans l’industrie énergétique verte (raffinerie, sidérurgie) et les mobilités lourdes (e-fioul, carburant pour l’aviation). Une étude en cours, menée dans le cadre du projet Syrius, reconnu par Industrie 2030 dans l’appel à projets “Zibac” (zone industrielle bas carbone) devrait mettre prochainement des chiffres à cette perspective.
600 millions d’euros : comment financer HyVence ?
La phase de levée de fonds sera ouverte quand les études techniques seront bouclées et la phase de concertation lancée. Les investisseurs privés et publics s’intéressent beaucoup à ce type d’initiatives portées jusqu’au plus haut niveau par le président de la République Emmanuel Macron et l’Europe avec son pacte vert. Si tout va bien, Géosel vise un début d’exploitation du site entre 2028 et 2030, après trois ans de travaux de construction qui pourraient débuter en 2025.
Chiffres-clés
Effectif Géosel et partenaires : 110 personnes dont 10 employées Géosel, 70 par le partenaire industriel Geostock (filiale de Vinci) et une trentaine en sous-traitance
90 millions de chiffre d’affaires
Hyvence : 40 emplois à terme
La phase de chantier doit mobiliser 300 personnes
600 millions d’euros d’investissements