L’Union des maires des Bouches-du-Rhône, présidée par Georges Cristiani, a tenu son assemblée générale annuelle, au Château Bas de Mimet, vendredi 21 avril. Et à lire l’ordre du jour, cette grand-messe s’apparenterait presque à un bureau des plaintes : « l’asphyxie pour trop de communes », « être maire, un mandat de plus en plus difficile », « les violences envers les maires », « la crise de vocation et les démissions »… Le ton est donné.
En aparté, Georges Cristiani, lui-même premier magistrat de Mimet, ne mâche pas ses mots : « On est rincés. On n’en peut plus. On en a marre. Entre le fric qui n’arrive pas, les administrés, la population, les habitants, qui sont de plus en plus crispés, la violence qui fait partie de notre quotidien… C’est de plus en plus compliqué d’être maire (…) Depuis la dernière élection, j’ai quatre démissions ».
La Métropole vote son budget 2023 … et augmente les impôts
La ministre Dominique Faure fait faux bond
La réunion s’ouvre. Sur scène, côte à côte, le préfet de Région, Christophe Mirmand, la présidente du Département et de la Métropole, Martine Vassal, le préfet à l’égalité des chances, Laurent Carrié, ainsi que le directeur de cabinet de la préfète de police, Rémi Bourdu, accompagnent Georges Cristiani. Face à eux, un parterre d’une centaine d’invités, composé en grande partie d’élus locaux, principalement des maires, mais pas que.
Plusieurs députés et sénateurs des Bouches-du-Rhône sont présents : Jean-Marc Zulesi (Ren.), Mohamed Laqhila (Modem), Manuel Bompard (LFI), Sébastien Delogu (LFI), Franck Allisio (RN), Guy Benarroche (EELV)… À noter l’absence des maires de Marseille et d’Aix-en-Provence, pourtant les deux plus grandes villes du département, tout comme les édiles de Salon, Aubagne ou encore Martigues.
Annoncée sur le carton d’invitation, Dominique Faure, la ministre déléguée en charge des Collectivités territoriales, manque elle aussi à l’appel.
[En direct] L’assemblée générale de l’Union des maires des Bouches-du-Rhône se tient jusqu’à 14h à Château-Bas à Mimet.
— Gomet’ (@Gometmedia) April 21, 2023
Les maires du Département tirent la sonnette d’alarme auprès de l’État sur “l’asphyxie des finances communales.” pic.twitter.com/204nzlUY9G
Des personnalités du monde économique
Dans les rangs, plusieurs responsables et décideurs économiques sont présents pour entendre les demandes d’élus, à l’instar de Stéphane Paglia, le président de la CCI du Pays d’Arles, de Sandrine Motte (CCIAMP et directrice de la Semm), Christine Bord Le Tallec (CCIAMP et directrice régionale du groupe La Poste), ou encore Nora Preziosi et Didier Réault, conseillers départementaux, respectivement présidente de 13 Habitat et président du Parc national des Calanques.
Les maires des Bouches-du-Rhône demandent à revoir la fiscalité
Pendant plusieurs heures, les prises de paroles des édiles locaux s’enchaînent, entre inquiétude et crispation. Les critiques fusent, surtout en direction des représentants de l’État. Au cœur des débats, la finance et la fiscalité des communes du territoire cristallisent les tensions. Certains maires regrettent, par exemple, la disparition récente de la taxe d’habitation, ou encore la suppression de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Une perte de leviers fiscaux à laquelle s’ajoute de nouvelles charges (fonctionnement, énergie, point d’indice etc.).
« Il faut revoir notre système de fiscalité locale», lance le maire de Vitrolles, Loïc Gachon, s’adressant à l’État. L’élu déplore notamment une forme de dépendance de certaines communes aux attributions de compensation (AC), et remarque une réduction des marges de manœuvre. « Cette situation n’est pas tenable », constate-t-il. À gauche du préfet, Georges Cristiani prolonge l’intervention de Loïc Gachon. « Il faut que nous retrouvions de l’autonomie fiscale au niveau des territoires (…) Si on n’a pas de projets de loi là-dessus, on va se mettre en colère », menace l’élu.
Énergie : les maires réclament un plafond à 4% pour les communes
Dans une lettre adressée au président de la République, Emmanuel Macron, les maires des Bouches-du-Rhône demandent d’appliquer, au même titre que les usagers, le bouclier tarifaire énergétique de 4% d’augmentation sur les factures des 119 communes du département.
« Non, le gouvernement ne pille pas les communes »
Comme à son habitude, Christophe Mirmand garde la tête froide. Après avoir essuyé quelques invectives – « J’ai l’impression monsieur le préfet que nous vivons dans deux mondes différents, vous êtes la théorie et nous sommes la pratique », lui a par exemple envoyé, sans trembler, la maire de Saint-Estève, Martine Césari – le représentant de l’État cherche à rassurer les quelques dizaines d’élus de proximité présents ce jour-là. « Non, le gouvernement ne pille pas les communes », clarifie-t-il, en réponse au président de l’Union des maires des Bouches-du-Rhône.
« Il faut regarder les chiffres tels qu’ils se présentent », poursuit le préfet. « Ces dernières années, il y a eu une baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF) à l’échelle nationale. En revanche, cette année, cette dotation, qui représente plus de 20 milliards d’euros, augmente de 320 millions d’euros (pour la première fois depuis treize ans, ndlr). Évidemment cette augmentation ne se fait pas de façon uniforme (…) mais elle se fait dans des conditions qui garantissent que 85% des communes du département voient leur DGF progresser en 2023 », précise-t-il.
Christophe Mirmand reconnaît que la part des recettes issue d’une fiscalité locale a diminué. « Mais la part des recettes issue de dotations de l’État a augmenté (…) Il n’y a pas eu d’appauvrissement, ni absolu ni relatif, des collectivités et du bloc communal en particulier ». Le haut fonctionnaire insiste par ailleurs sur le fait que certaines aides à l’investissement « n’ont jamais été aussi élevées ». C’est le cas du fonds de soutien à l’investissement local (FSIL), et de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR). Une partie du nouveau fonds vert financera également des projets communaux.
Parler d’asphyxie… cela mérite d’être regardé.
Christophe Mirmand
« Alors parler d’asphyxie… cela mérite d’être regardé », commente Christophe Mirmand. Quant aux demandes de libertés et de marges de manœuvre supplémentaires : « il faut savoir les conquérir, ou en tout cas les prendre quand elles vous sont offertes », répond-il. Et de conclure : « finalement, beaucoup de choses reposent sur la vision personnelle des maires, plus que sur la question des dotations financières (…) Des soutiens à l’investissement, on arrive toujours à en trouver ». Le représentant de l’État appelle enfin au travail collectif, et à la responsabilité de chacun.
Juste avant cette conclusion, Martine Vassal s’était justement félicitée des bonnes relations locales entretenues entre les représentants de l’État et les collectivités.
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