Avec l’engagement de financeurs de premier plan dont CMA CGM, avec l’accord du port pour l’implantation de la giga usine de production de panneaux photovoltaïques, vient le temps pour le projet porté par Carbon de la mise en œuvre avec ses étapes réglementaires.
Dans un entretien qu’il nous a accordé, Pierre-Emmanuel Martin, le PDG de Carbon a détaillé l’ambition et l’ampleur du projet : des installations industrielles implantées sur 62 hectares, 3000 salariés et 490 000 tonnes de marchandises qui entreront et sortiront du site. L’ambition rappelée lors d’une conférence de presse de lancement de la consultation publique jeudi 31 août à Fos-sur-Mer (voir la présentation complète en document source en bas d’article) est de fournir selon Pierre-Emmanuel Martin, en matière de panneaux photovoltaïques, « la totalité de ce qui est installé en France chaque année,» voire plus.
Le Grand port maritime de Marseille souligne Hervé Martel, le président du directoire, a déjà depuis deux ans identifié 600 hectares destinés à l’industrie, c’est sur ce quota que doit s’installer en location l’usine Carbon, sur la darse 1, non loin du terminal minéralier.
La giga usine Carbon avec trois unités
L’usine elle-même comportera trois unités : une pour la production des plaquettes de silicium, une pour la fabrication des cellules, une pour l’assemblage des modules. Il faut compter en plus de vastes espaces de stockage ; à la fois pour les matériaux arrivants et pour les produits en partance. Les bâtiments culmineraient à 30 mètres de haut, l’un comporterait 35 000 m² de salle blanche et un autre intègrerait jusqu’à 360 fours avec de l’évaporation. Le tout naturellement avec des infrastructures de circulation proportionnées la fois pour les poids-lourds, pour le personnel et les visiteurs.
Carbon promet un travail architectural de façon à intégrer les bâtiments au site et à en faire un lieu de vie pour les salariés : « nous ne voulons pas, affirme Pierre-Emmanuel Martin, juste une boîte à chaussures.»
50 jours de débats publics
Vue l’ampleur du projet et la proximité de la zone industrialo-portuaire avec les zones habitées, la Commission nationale du débat public a été saisie en avril. L’agence bordelaise 2 Concert en assure la logistique. Les deux garants désignés sont rodés aux procédures de consultation : Vincent Delcroix est un ancien ingénieur du CEA et d’EDF et Philippe Quevremont est ingénieur général des ponts, des eaux et forêts honoraire, membre de l’Inspection générale de l’environnement puis du Conseil général de l’environnement et du développement durable au ministère de l’écologie.
Ils sont les garants de la procédure, du respect des règles et de l’expression de tous. La concertation préalable sur la giga usine carbon durera du 11 septembre au 30 octobre 2023 et a programmé plusieurs réunions publiques thématiques consacrées à l’environnement et la biodiversité, la sécurité industrielle et énergétique, l’emploi et la formation, l’intégration territoriale du projet. La réunion publique de synthèse aura lieu le 19 octobre à Fos-sur-Mer.
Les garants rédigeront alors leurs rapports, un bilan qui porte non seulement sur l’impact, mais aussi sur l’opportunité du projet, ses caractéristiques et ses enjeux.
Deux problématiques particulièrement sensibles : la consommation électrique et la voirie
Le classement zone Seveso est obligatoire au regard de deux critères : la consommation électrique annuelle estimée à 1,2 TWh et le stockage des matériaux. Les habitants connaissent ces dispositifs puisqu’une quinzaine de sites de production de la zone de Fos Martigues sont déjà classés Seveso mais le sujet peut faire débat. Globalement, les besoins en énergie et en eau sont désormais une problématique récurrente pour les aménageurs de la révolution industrielle qui s’ouvre, celle de la transformation d’une zone industrielle basée sur les énergies fossiles en zone bas carbone.
Le deuxième, qui selon le maire de Fos-sur-Mer, René Raimondi, sera le plus important est celui de la voirie. Les promoteurs de Carbon promettent d’utiliser les voies fluviale et maritime, le rail, de multiplier les transports en commun et le covoiturage. Il n’empêche qu’une usine de 3000 personnes et ses 500 000 tonnes à expédier chaque année ne vont pas améliorer la desserte déjà chargée de la zone et des communes voisines.
On sait que le maire René Raimondi, a pris l’initiative d’un manifeste demandant à l’État d’investir urgemment dans le réseau routier du site industrialo-portuaire de la zone de Fos, manifeste signé par tous les maires et les grands industriels et remis à Emmanuel Macron. « Nous sommes, plaide-t-il une zone d’exception il faut un traitement d’exception ». En jeu, deux contournements stratégiques : Martigues – Port de Bouc et Fos – Salon de Provence chiffré à 600 millions d’euros. Pour l’instant le sous-préfet d’Istres, Régis Passerieux, promoteur du “Lab territorial” n’a rien à apporter dans sa besace, constatant simplement que la tendance est plutôt dans les financements ferroviaires que dans les financements routiers.
Le 30 octobre une étape sera donc franchie avec le résultat de ce débat public. Une partie de la sécurisation du projet sera alors réalisée. Elle permettra de rassurer partiellement les financiers qui doivent réunir 1,5 milliard d’euros.
Mais ce n’est qu’un début puisque le débat public ne fait qu’ouvrir les procédures de demande d’autorisations administratives qui iront vers un feu vert pour la construction. Ces demandes sont prévues au premier trimestre 2024 avec des réponses espérées au troisième et, si tout va bien, un début de chantier à la fin 2024. Même si « tous les astres sont alignés » comme nombre d’intervenants (la Région Sud représentée par Christophe Madrolle, État, communes, port) l’ont affirmé, il faudra une forte pression politique pour tenir le rythme.
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