3. A chaque produit, son histoire financière
Outre l’équipe, le deuxième sujet c’est le produit : est-ce qu’il existe ? est-ce qu’il est figé ? est-ce qu’il fonctionne ou pas ? Avoir les idées claires sur le sujet est une garantie de croissance. Troisième point : la technologie. Sommes-nous dans la distribution d’un produit existant ? Ou est-ce que l’on réinvente la roue alors que tout existe déjà̀ ? Ou bien est-ce un « copycat » – on vient copier de manière intelligente un produit qui existe déjà sur une autre géographie – en lui apportant les 10% qui lui manquent ? Ou enfin, sommes-nous dans la recherche fondamentale ?
Ce sont quatre histoires d’entrepreneurs différentes avec quatre méthodologies de financement qui divergent. Avec un « copycat » le focus est avant tout sur les enjeux du « go to market » et il faut que l’essentiel du management puisse se consacrer exclusivement au commerce. La recherche fondamentale, tout le financement est aspiré par la R&D scientifique et il faut alors immédiatement essayer de trouver des capacités de financement additionnelles. Quand on est sur un produit qui doit évoluer en permanence – c’est l’histoire que nous avons connu chez Jaguar Network – on doit mélanger une phase revenus pour financer sa R&D et toujours disposer d’un coup d’avance sur la concurrence.
Pas de solution miracle, il y a du business à faire dans les quatre modèles. A titre personnel je n’ai pas de préférence ayant expérimenté les quatre aventures. La recherche fondamentale, c’est ce que l’on pourrait apparenter à la biotechnologie. Dans le P&L « Profit and Loss » il n’y a pas de « P ».
Dans un premier temps, il n’y a que des pertes car les budgets ne génèrent aucun chiffre d’affaire. Ce sont des activités très capitalistiques. Cela demande une structuration forte et de surtout ne pas laisser un pur scientifique, peu habitué à la vie d’entrepreneur, à la tête de l’entreprise. Il faut immédiatement avoir un CEO complet, multidisciplinaire et expérimenté capable d’arrêter le projet à tout instant. C’est aujourd’hui les profils que nous devons attirer dans nos magnifiques start-up biotech à Marseille. Le modèle du « copy cat » est souvent porté par un « smart guy » qui sort d’une école de commerce. Dans les histoires plus technologiques, on retrouve beaucoup de startupers expérimentés aux cheveux blancs. J’aime beaucoup ces profils dont la priorité est de transmettre à leurs équipes expérience et bienveillance. Chacun doit construire sa propre histoire dans son propre écosystème. En effet ce ne sont pas les mêmes environnements ni documents juridiques et donc pas le même chemin financier. Et il y a parfois un enjeu fort à rester majoritaire pour être capable de contrôler la création de son « business ». Jusqu’au moment où l’opportunité d’accélération forte se présente et des décisions courageuses et difficiles doivent être prises.
Pour accompagner les entrepreneurs, il y a sur le territoire de nombreux outils économiques à la Région et encore à la Métropole. Il y a les accélérateurs, les multiples acteurs du financement, les fonds thématiques ou encore familly office. Afin de renforcer la lisibilité, nous avons demandé avec Medinsoft depuis plusieurs années la création d’un guichet unique de l’innovation où l’on rencontrerait en une fois l’ensemble des acteurs avec chacun ses spécificités. Ceci est nécessaire pour optimiser temps et ressources aussi bien chez les entrepreneurs en recherche de financement que pour les agents des collectivités qui instruisent les dossiers, tempus fugit.
4. Le “Start-up consult” de Medinsoft
Medinsoft, est le cluster de la transformation digitale pour tous les corps d’activité. L’association accélère les entrepreneurs et accompagne les collectivités dans la compréhension de cette transformation accélérée du monde. L’un des services à succès chez Medinsoft c’est « Start-up Consult ». De quoi s’agit-il ? Ce sont des entrepreneurs qui partagent librement leur expérience, réseau d’affaires ou financier, qui donnent des conseils pour constituer les meilleurs équipes, contacts juridiques, CIR ou encore experts comptables. Construire et assumer son propre destin en activant les bons leviers : financement court terme non dilutif, la levée de capitaux, dettes structurées, subventions ou accompagnement à la R&D. Tous les outils sont référencés gratuitement et disponibles.
Lorsqu’on débute, les aides sont tellement nombreuses qu’on peut rapidement se retrouver débordé et consommer le temps qui devrait être consacré au commerce ou la R&D. Il faut arriver à simplifier ces parcours qui sont souvent similaires pour les projets axés sur l’innovation. Financer son projet en plusieurs étapes, préserver la structuration de son capital, consacrer une partie de ses titres à ses meilleurs managers, telle est la voie.
Alors qu’à l’origine l’association regroupait les éditeurs de logiciels, lors de la création de la French tech nous nous sommes spécialisés dans l’émergence de start-ups.
Et depuis l’année dernière, notre rôle est d’accompagner la transformation digitale dans tous les secteurs. Comment faire de notre région un leader du « software as a service » dont nous savons tous qu’il va impacter durablement les entreprises ? Toutes sont concernées et c’est un véritable plaisir d’accompagner une telle diversité de projets et s’enrichir de multiples contextes tous les samedis matin en essayant d’imaginer des business model viables qu’il est possible de mettre en œuvre rapidement. En quelques années c’est plus de 380 porteurs de projets reçus par Medinsoft !
Plusieurs projets ont été arrêtés car les fondamentaux n’y étaient pas. Ce sont des moments d’une difficulté humaine très intense, mais pour autant nécessaire. C’est aussi la mission d’une association d’entrepreneurs de dire les choses. En général, les accélérateurs refusent les dossiers et restent assez distants. Cette proximité est importante, elle permet par exemple à certaines entreprises de grandir plus vite, alors que d’autres ont pivoté. Pour beaucoup, ce sont désormais de entrepreneurs que l’on croise aujourd’hui souriants sur tout le territoire.
5. Miser sur les synergies externes.
Et puis pour certaines, j’ai souhaité accompagner les projets à titre personnel via notre fonds Unitel. Nous investissons en « private equity », toujours au début quand le risque est maximum et que le financement de l’amorçage se révèle alors le plus compliqué.
Nous avons réalisé plus de 70 investissements depuis 2014. Nous serons à une centaine dossiers fin 2020. Avec Jaguar Network, nous apportons des synergies importantes dans de multiples secteurs comme celui des objets connectés. Fréquemment une start-up qui avait budgété une levée de deux millions pour construire toute la suite technologique bénéficie immédiatement des ressources logicielles et matérielles nécessaires et n’a alors besoin que de 10% de la somme imaginée !
C’est ce que j’appelle de la synergie externe : donner les moyens aux jeunes entrepreneurs de ne pas avoir besoin de lever trop d’argent, les accompagner avec bienveillance et leur permettre de rester majoritaire au capital de leur entreprise … après tout c’est probablement l’un des plus beaux projets de leur vie !
Kevin Polizzi
Décembre 2019.
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