A la fin du mois de juin avec les élections régionales, la lumière de l’été nous aidera-t-elle à y voir plus clair, dans le brouillard de la pensée politique ? Rien n’est moins sûr. Il faudra plus qu’une boussole pour retrouver son chemin, d’autant qu’en ces temps de pandémie c’est le virus de la démagogie, de la mauvaise foi et des pires renoncements qui semble gagner du terrain.
Ces dernières heures, on a vu Renaud Muselier voler au secours de Valérie Pécresse et sonner avec elle le tocsin républicain, pour condamner le maire de Trappes, Ali Rabeh (Génération S, de Benoît Hamon), coupable à leurs yeux de s’être introduit dans un lycée pour distribuer des tracts. L’élu s’insurgeait contre les déclarations d’un professeur de philosophie, Didier Lemaire qui a dénoncé, suite à la décapitation de Samuel Paty, une emprise communautaire dans l’établissement où il enseignait. Muselier et Pécresse sont évidemment dans leur rôle, puisque les lycées font partie de leurs prérogatives en tant que président (e) de région. On ne peut pour autant écarter l’hypothèse de quelque arrière-pensée opportuniste, à l’heure où les extrêmes se déchirent sur le thème de la laïcité.
Le monde politique n’est pas à un paradoxe près et jamais on n’avait autant mesuré combien l’élection d’Emmanuel Macron, en 2017, avait été disruptive, faisant des vieux partis un cimetière et poussant les formations émergentes à la faute, avec des surenchères qui nous laissent cul par-dessus tête.
Ainsi le ministre de l’Intérieur peut, sans faire rire, reprocher au député des Bouches-du-Rhône, Jean-Luc Mélenchon d’être « le porte-parole du cléricalisme ». Gérald Darmanin vise bien sûr la posture du leader des Insoumis dans les joutes parlementaires qui précèdent le vote, ou non, de la loi sur le séparatisme. Et plus particulièrement la propension du candidat auto-proclamé à la présidentielle de 2022, d’esquiver la question de l’islamisme qui n’est pas à ses yeux d’une actualité brûlante. On est loin il est vrai de Lénine qui affirmait que « dans les faits, l’idée de Dieu servait à tenir le peuple en esclavage ». Pour Mélenchon qui s’exprimait ainsi il y a trois mois à peine, « on a eu trois siècles de guerre de religion, il ne faut pas mettre le doigt là-dedans ». On comprend mieux pourquoi, comme récemment à Ollioules, des syndicats enseignants refusent que l’on appelle un collège du nom de Samuel Paty.
Et puisque ces temps sont chamboulés, on voit aujourd’hui l’extrême droite pourfendre jusqu’aux préventions sanitaires.
Et puisque ces temps sont chamboulés, on voit aujourd’hui l’extrême droite pourfendre jusqu’aux préventions sanitaires, qu’elle juge liberticides. Mieux, elle se fait premier supporter du monde de la culture qui n’en attendait sans doute pas tant. Qui ne se souvient dans cette sphère-là des dégâts irréversibles que fit le couple Mégret à Vitrolles au mitan des années 90 ? Ou Jean-Marie Le Chevallier à Toulon, maire FN éphémère, qui contraint Angelin Preljocaj et son corps de ballet à fuir Châteauvallon pour se réfugier à Aix-en-Provence. Heureusement pour remettre un peu d’ordre dans ce paysage tourmenté, Marine Le Pen a choisi de confier l’avenir régional de sa formation à Thierry Mariani connu pour ses accointances avec les Bachar Al Assad, Vladimir Poutine et autres Viktor Orban grands défenseurs de la liberté d’expression et de la création artistique.
Il faut s’attendre pour cette échéance électorale à venir à une cacophonie inédite et il n’est pas certain qu’on assiste en 2021 au sursaut civique qui avait vu le taux de participation dépasser les 50% dans une élection réputée peu mobilisatrice.
A moins, ce qui expliquerait en partie les circonvolutions que nous venons de décrire, que certaines formations politiques détournent le scrutin de son objet et tentent d’en faire le premier tour de la Présidentielle de 2022. Beaucoup ignorent encore le rôle de la Région et comment se répartissent les rôles entre département, métropole, communautés des communes, villes et villages, le millefeuille territorial aidant à la confusion générale. Du coup on verra surgir des questions sociétales, là où l’on attend des progrès tangibles du vivre ensemble, des engagements philosophiques, là où il est urgent de passer à l’action, des digressions idéologiques, là où il faudrait se saisir du concret. « Le triomphe des démagogies est passager, mais les ruines sont éternelles » disait Charles Péguy. Aujourd’hui, ils sont quelques-uns à danser sur ce champ de ruines.