C’était trop beau. Marseille a réussi le lever de rideau des Jeux Olympiques en France au-delà de tout ce qu’avaient imaginé les responsables de cette fête pharaonesque. Trois journées mémorables pour dire à la planète entière que la plus ancienne ville de France n’est pas simplement la porte du sud, mais aussi la porte du monde. Des heures de retransmission télévisée pour offrir sur les écrans les paysages urbains et maritimes les plus télégéniques qui soient.
Plus de 200 000 personnes réparties dans les rues, sur les quais du Vieux-Port, la Corniche, les plages de Corbières ou des Catalans, sans incident majeur. Un spectacle ahurissant sur les flots et dans les airs, applaudi par un peuple multicolore, pluri ethnique, interculturel. Des élus locaux, départementaux, régionaux accompagnant le président de la République, main dans la main et sourire aux lèvres, unis pour une parenthèse olympique.
Des stars du sport, du spectacle, de la musique, de l’entreprise, du monde associatif
Et puis des stars du sport, du spectacle, de la musique, de l’entreprise, du monde associatif, se relayant émus et humbles avec de glorieux anonymes gonflés d’orgueil pour porter la flamme en un relais fraternel et une fierté contagieuse. Comme le disait Maître Pangloss au Candide de Voltaire : tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes. Les mêmes chaînes d’information en continu qui vilipendaient hier encore un Marseille condamné à la malédiction des trafics, à la violence des quartiers, à la corruption de ses élites, au fatum de son histoire rebelle et tourmentée, se sont multipliées en dithyrambes pour décrire une ville monde où tout est possible, puisque tout est permis. Une bouffée d’oxygène médiatique que des milliers de Marseillais ont aspirée à plein poumon, ravis de voir leur ville si belle en ce miroir télévisuel.
Oubliés du coup les spéculations qui annonçaient un rendez-vous à haut risque. Les commentaires qui doutaient d’un événement pacifique dans ce chaudron cosmopolite. Les Cassandre qui prédisaient le pire, en le souhaitant ardemment pour nourrir leurs campagnes électorales à venir.
Au lieu de ces prévisions à l’orage, ce fut donc un bouquet primal sans égal. La Patrouille de France signant un arc-en-ciel que le ciel a doublé, le Belem mettant les voiles pour ne pas rester en rade et fendre majestueux l’eau hospitalière du Lacydon, un tifo géant déployé sur nos remparts par des Winners inventifs, une loupiote marine enfin pour allumer le feu des torches et enflammer les cœurs. Marseille pour longtemps la première a démenti les plus sombres pronostics et tenu son rang.
Une ville qui rassemble ses enfants en rappant, sans déraper
Il fallait pourtant que cette médaille d’or soit plombée par les empêcheurs de participer en rond. Ont alors fleuri sur les réseaux que l’on persiste à appeler sociaux, les commentaires vénéneux et fielleux des faux héros de l’ombre. Courageusement anonymes, ou pas, ils ont ainsi regretté qu’on ose confier au rappeur Jul, à la renommée planétaire inversement proportionnelle à la leur, l’honneur d’allumer la vasque qui trônait sur le quai des Belges. Les mêmes ont cru défaillir lorsque deux autres rappeurs, Soprano et Alonzo, ont pris le pouvoir pour des heures incandescentes. Comme ils ont dû s’étouffer lorsque France 2 interrogea sur le Belem, un gamin des quartiers Nord racontant des étoiles plein les yeux qu’il était fier de sa ville et comblé de la représenter. A l’impossible Marseille s’est tenu, insoumise aux complotistes de tout poil, résolument vivante face à leurs rêves morbides.
Le quotidien La Provence nous a même révélé en ces journées « historiques » qu’avant de se jeter dans le grand bain populaire, le maire, Benoît Payan, avait englouti comme à son habitude matinale trois madeleines arrosées de trois cafés. Une révélation proustienne pour un temps retrouvé. Celui d’une cité plus de deux fois millénaires qui rassemble ses enfants en rappant, sans déraper, et fait taire ceux qui ont pour seul objectif de la mettre sous leur tutelle. Ils oublient que ceux qui ne sautent pas de joie ne sont pas Marseillais. Pour leur clouer le bec, on imagine volontiers César interpellant Jul, devant le bar de la Marine : « Oh gary, elle est pas Belem la ville ? »
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Toutes nos infos sur l’arrivée de la flamme olympique à Marseille dans notre dossier spécial Jeux Olympiques