« Mon centre cède, ma droite recule, situation excellente, j’attaque… » ainsi parlait le général Foch, pendant la première guerre mondiale, alors que l’Etat-Major imaginait déjà le pire : capituler. C’est un peu la mission qui attend, dans les prochaines années, Benoît Payan, le maire « légal » de Marseille que les Républicains, par la voix d’un de leurs élus Lionel Royer-Perreaut, s’entêtent à considérer comme illégitime. Le socialiste n’a pas fini de payer le tour de passe-passe qui l’a fait roi, Et réduite, à la demande de celle qui faisait binôme avec lui, l’écologiste Michèle Rubirola, au rang de première dauphine. Il lui faudra donc affronter ce procès pour abus de confiance des électeurs marseillais, le dépasser et démontrer que la copie vaut très largement l’original.
Comme le disait en son temps Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, « la route est droite, mais la pente est forte ». Payan devra compter avec tous ceux avec qui il a fait alliance pour accéder au fauteuil de maire. Un kaléidoscope inédit où les anciens côtoient les modernes, ou ceux qui prétendent à l’innovation idéologique. Y compris les turbulents Insoumis qui semblent pour l’heure lui accorder un état de grâce, même si leur député « marseillais », Jean-Luc Mélenchon, pratique la boutade au vinaigre, pour commenter l’actualité. Evoquant l’actualité américaine le parlementaire a lancé goguenard « qu’ils profitent de Biden, dans trois mois Payan le remplace ». On a entendu plaisanterie moins perverse.
Gageons que le jeune maire de Marseille sait tout cela et qu’il saura, comme Pythéas, lire dans les étoiles la trajectoire à adopter pour rallier sans heurts les eaux lointaines de 2026. Dans ses soutes, il a peu de provisions pour une traversée sereine. La Métropole, le Département, la Région ont une puissance de feu financière qu’il n’a pas et que l’endettement colossal de la ville lui interdit d’espérer.
Il devra donc composer avec les moyens du bord. Faire moins mal que le règne à rallonge de Gaudin en matière d’écoles, d’équipements sociaux, de transports équitables, de mal-logement, de gestion du personnel communal. Chaque jour ses adjoints et ses collaborateurs mesurent le champ de ruines sur lequel les meilleures volontés auront du mal à prospérer. L’écrivain indien Vakil ne disait-il pas que « la générosité a ses épines ». Un tenant de la rose au poing ne peut l’ignorer.
Comme l’a fait à Paris, contre vents et marée une Anne Hidalgo, choisir un thème qui fasse force, symbole, avenir.
Hervé Nedelec
Ne pouvant pas tout faire, il faudra donc l’expliquer. Clairement. Et sans doute, comme l’a fait à Paris, contre vents et marée une Anne Hidalgo, choisir un thème qui fasse force, symbole, avenir. La maire rompant avec la communication enjôleuse de son prédécesseur Bertrand Delanoé, a pris le risque de « de faire sortir les Parisiens de leur dépendance à la voiture et à leur faire gagner une nouvelle liberté… ». Rue de Rivoli et sur les quais nombreux s’en félicitent aujourd’hui, particulièrement entre deux confinements.
La comédienne Françoise Dorin disait « le vélo c’est bon pour la circulation : ça fait toujours une voiture de moins ! » De Breteuil, à Libération, de République au Prado, ils sont nombreux à pouvoir le vérifier lorsque leurs nerfs vibrent, à l’approche de 18h et du couvre-feu. Malgré l’opposition prévisible et la pétarade des furieux en 4×4 ou à moto, voilà donc une voie à suivre pour Payan et les siens. D’autant que son adversaire de 2020, Martine Vassal, s’est rapidement réfugiée dans la voiture balai lorsqu’il fut question d’engager cette course, dans laquelle la ville stagne aujourd’hui honteusement dans les profondeurs du classement.
Le roi de Marseille imposant la petite reine ?
« D’ici 2024, année des jeux olympiques, promet de son côté Hidalgo, 100% des rues de la capitale seront cyclables ! ». Qu’en sera-t-il à Marseille, dont la superficie est largement deux fois plus élevée ? Relever cet immense défi aurait de l’audace et une logique politique implacable. Elu en rose, passé au vert en raison du forfait de Rubirola l’écologiste, Payan mettrait fin à la situation invraisemblable d’une cité marine aux ambitions touristiques louables, mais où la pollution aux hydrocarbures est plus prégnante que l’air du large et de l’iode.
En cette fin de janvier morose, les rues de l’hypercentre ont été libérées, pour aider le petit commerce en détresse, du tintamarre automobile, le temps d’un week-end. Une audace qu’il faut saluer, en espérant que ceux qui nous gouvernent osent encore utiliser le frein moteur. Le roi de Marseille imposant la petite reine, voilà qui surprendrait dans la ville du stade vélodrome.
Signez la pétition lancée par Gomet’ sur change.org : un dimanche par mois, le littoral métropolitain sans voitures !