Le président du conseil du développement du port et du club de la croisière, Jean-François Suhas, alerte sur le besoin urgent d’investissements pour sauver le trafic de marchandises sur les bassins Est de Marseille.
En tant que président du conseil de développement (*) du Grand port maritime de Marseille, vous participez à la construction du projet stratégique du port qui sera présenté dans quelques semaines (**). Êtes-vous satisfait des orientations choisies ?
Jean-François Suhas : La priorité est donnée au développement du « port vert ». C’est très bien de donner la priorité à la transition écologique mais il ne faut pas oublier l’activité historique du port et notamment sur les bassins Est. A part pour la croisière, il n’y a pas eu d’investissements sur la partie marseillaise du port depuis dix ans. Or, les infrastructures sont vieillissantes et bientôt inadaptées aux besoins des navires rouliers qui représentent une part importante du trafic. Les bateaux sont de plus en plus gros. La norme dépasse désormais les 220 mètres alors que les quais sur le bassin Pinède sont limités à 200 mètres. On a encore des bateaux anciens qui viennent desservir les bassins Est mais ils vont bientôt disparaître. Il y a urgence si on ne veut pas voir partir les bateaux les plus gros. Il faut faire vite pour sauver le trafic roulier des bassins Est.
Quels aménagements estimez-vous nécessaires pour pouvoir accueillir ces bateaux rouliers de plus en plus gros ?
J-F.S : Pour pouvoir accueillir dans de bonnes conditions les nouveaux rouliers, il faut agrandir le bassin Pinède et aménager les quais. Ce sont des travaux très importants, j’en conviens, aux alentours de 60 à 80 millions d’euros. Mais ils sont indispensables si l’on ne veut pas perdre ces trafics rouliers. De plus, on nous a promis ces investissements depuis plusieurs années. Ils sont inscrits dès l’origine de la charte Ville-Port. A l’origine, on acceptait de céder une partie des terrains portuaires comme sur le J1 en contrepartie de l’aménagement des bassins Est pour développer le trafic de marchandises. Il faut tenir cet engagement.
Les voitures, c’est bien mais elles restent stockées et ne génèrent que peu d’activité pour une grosse consommation d’espace.
Jean-François Suhas
Le port a lancé en octobre dernier un appel d’offres pour le développement d’un terminal dédié à l’importation et à l’exportation de véhicules neufs sur le secteur Pinède. Ce nouvel équipement n’empêchera-t-il pas tout développement du terminal roulier ?
J-F.S : Rien n’est figé. On peut toujours discuter avec le port. On attend les réponses à cet appel d’offres pour savoir qui sera l’opérateur et ensuite entamer les négociations pour se partager l’espace. Mais c’est vrai que ce projet ne me semble pas la priorité. Les voitures, c’est bien mais elles restent stockées et ne génèrent que peu d’activité pour une grosse consommation d’espace. Au mois de décembre dernier, le conseil de développement a tenu une réunion où il a mis le doigt sur ce problème et nous espérons bien convaincre le GPMM de nous entendre.
Outre la croisière, comment se porte l’activité de marchandises sur les bassins Est ?
J-F.S : Nous avons subi les aléas de la géopolitique avec l’arrêt du trafic avec la Lybie, les problèmes en Algérie… Aujourd’hui, à part les échanges avec la Tunisie et la Corse, on se rend compte que les bassins Est se meurent. Pourtant, il y a de la demande. On a beaucoup d’opérateurs qui veulent venir chez nous sans pour autant être amodiateur. On pourrait notamment développer les marchés vers le Maroc et la Turquie. En Turquie, ce sont des industries pérennes comme l’automobile et le Textile qui exportent. Il y a un gros potentiel. Aujourd’hui, ils ne viennent pas à Marseille par manque de quais et préfèrent se détourner vers Sète, Barcelone ou encore Gênes.