Après trois ans de lutte syndicale et de recherche d’un éventuel repreneur, la raffinerie LyondellBasell de Berre a finalement fermé ses portes en avril 2014. L’annonce est tombée comme une douche froide pour les 370 salariés du site et la ville qui a largement profité de la manne pétrolière depuis la construction de l’usine par Shell en 1929. Face à cette désaffection, l’Etat français est intervenu auprès du groupe pétrochimique pour compenser l’arrêt de cette activité. Les deux parties ont signé en avril 2015 une convention dans laquelle Lyondell s’engage à trouver une solution créant au moins 100 emplois sur ce site. Quatre ans plus tard, le groupe annonce fièrement qu’elle a rempli son contrat.
Baytree, un nouvel acteur logistique chez Lyondell
Il va officiellement signer en avril prochain avec Baytree, une filiale d’Axa spécialisée dans la logistique. Elle va créer deux entrepôts destinés à la gestion de produits compatibles avec des activités classées Seveso. Pour commencer, elle devrait créer 170 emplois mais ce chiffre pourrait monter à terme à 330 postes. Baytree va s’installer sur un terrain de 27 hectares situé à Vaine sur l’ancien site de l’usine Cabot qui avait fermé en 2009, au sud de la raffinerie de Lyondell. Un deuxième projet d’implantation porté par le groupe Charles André (GCA) avait également été retenu le comité de suivi de la convention. Il prévoyait la réalisation d’une deuxième plateforme logistique avec 110 emplois annoncés. Finalement, la mairie de Berre a refusé ce dossier arguant que le nombre d’emplois promis n’était pas réaliste : « Il ne s’agissait en fait que de 20 emplois pour 20 hectares. Ce n’est pas ce qu’on veut », prévient Mario Martinet, le maire de Berre.
Au final, il a fait voter son conseil municipal contre la délivrance du permis de construire à GCA mettant un point final aux ambitions du groupe. Les élus locaux estiment que les 122 hectares laissés libres par la raffinerie ont un potentiel total de 1 000 créations de postes. « Nous privilégions donc le retour de projets industriels qui sont davantage pourvoyeur d’emplois », explique Mario Martinet. Cependant, le maire se veut pragmatique et reste à l’écoute de tous les investisseurs. « Pour l’instant, on n’a pas vu se presser les industriels en premier. Ce sont surtout les logisticiens qui voient le potentiel du site. Alors à force d’attendre, faute de grives, on mange des merles… », avoue-t-il. Il faut dire que ce sont des acteurs de poids qui sont venus rencontrer les élus. Les géants du e-commerce Amazon et Alibaba ont fait part de leur intérêt pour les terrains bien situés à quelques encablures du port et de l’aéroport. « Mais il faut rester prudent car ils n’ont pas chiffré leurs projets. On attendra de voir si il y a véritablement des emplois à la clé », tempère Mario Martinet. Pour attirer les industriels, le maire avoue ne pas avoir la main sur le dossier mais il espère que ses partenaires comme l’Etat, la Région ou encore la Métropole pourront l’aider.
La Région, bras armé de l’Etat pour les « territoires d’industries »
En novembre dernier, le gouvernement a confirmé les ambitions industrielles du site en l’inscrivant parmi les 124 « territoires d’industrie » du pays. Le député de la 8e circonscription des Bouches-du-Rhône, Jean-Marc Zulesi (LREM) se félicite de cette décision : « Je me suis largement battu pour que ce site soit expressément retenu. Cela va nous permettre d’investir plus de moyens dans une démarche proactive afin de trouver des investisseurs », avance-t-il. Si sur le plan national, le premier ministre a annoncé une enveloppe de 1,3 milliards d’euros, la déclinaison au niveau local des sommes allouées n’est pas encore connue. « On devrait avoir une vision plus claire de la concrétisation pour les territoires d’ici cet été », annonce le député. Selon toute vraisemblance, c’est le Conseil régional Paca qui devrait se faire le relais de l’Etat pour cette stratégie de redynamisation industrielle. Jean-Marc Zulesi est déjà en discussion avec Renaud Muselier pour enclencher une équipe de prospection économique afin d’attirer de nouveaux investisseurs industriels sur le département et notamment sur le site de Lyondell Basell. « Cette nouvelle démarche viendrait en complément de ce que fait déjà la Métropole notamment », précise l’élu.
En effet, la Métropole a déjà lancé en avril 2018 un appel à manifestation d’intérêt (AMI) baptisé Provence Industry’nov. Il vise à attirer de nouveaux projets industriels sur trois sites phares du territoire : Piicto à Fos, Total à la Mède et Lyondell à Berre. Une vingtaine d’entreprises ont pour l’heure candidaté à l’AMI mais « en décembre, aucune ne s’était encore positionnée sur le site de Lyondell », nous apprend une source proche du dossier. Le site de l’ancienne raffinerie aurait donc bien besoin d’un nouvel élan pour trouver des projets industriels susceptibles de s’installer.
Lyondell pourrait s’étendre lui-même sur le site de la raffinerie
De son côté, le groupe pétrochimique mène son propre travail de recherche : « Nous n’avons pas de noms à communiquer mais plusieurs entreprises nous ont contactés », affirme la communication de Lyondell. Le groupe étudie même une éventuelle extension de ses activités sur les terrains de la raffinerie : « Nous sommes toujours très actifs à Berre et on aura peut-être besoin d’investir sur le site pour développer nos activités existantes », explique la direction. Si il a stoppé l’activité de raffinage, le groupe emploie toujours un millier de personnes à Berre pour la fabrication de matières premières essentiellement destinées à la fabrication de plastique : pièces automobiles, jouets, emballages alimentaires… « Dans tous les cas, nous ne nous contenterons pas de l’objectif des 100 emplois fixés dans la convention avec l’Etat et on continue de chercher des partenaires pour développer l’activité sur notre site », assure la communication de Lyondell.
Un campus pour former les berrois aux futurs métiers proposés sur le site Lyondell
Quelque soit le destin du site de LyondellBasell, le maire de Berre l’Etang veut que ses concitoyens soient prêts pour rafler tous les postes qui y seront proposés. Pour cela, il veut construire un campus de formation et d’insertion professionnelle en lien avec la revitalisation du site pétrochimique. Le site est déjà choisi. Il s’agit de l’ancien collège Fernand Léger situé en plein centre-ville « qui n’est plus constructible pour du logement. On voudrait donc y réinstaller de la formation et même de la restauration », précise Mario Martinet. En plus des formations aux métiers industriels et logistiques, il souhaite y installer aussi une école du numérique, un fab lab et un espace de coworking. Pour gérer l’établissement, il a pris contact avec l’Afpa, la Région et le rectorat. Il compte également rencontré le préfet pour lui demander de flécher les fameux fonds des « territoires d’industrie » vers son projet de campus. Si il aboutit, ce projet à long terme pourrait voir le jour à l’horizon 2022.