Le candidat aux régionales 2021 en Provence-Alpes-Côte d’Azur avec la liste « Oui la Provence ! », Hervé Guerrera, s’est entretenu lundi 14 juin avec les journalistes de la rédaction. Très critique envers la dernière mandature de Renaud Muselier, l’ancien conseiller régional sous Michel Vauzelle expose sa vision de la « Région Provence », comme il préfère la nommer. À quelques jours du premier tour des élections, le régionaliste Hervé Guerrera apparaît comme un outsider décomplexé, résolument écologiste, et citoyen avant tout.
En tant que président de la Région, quelle serait votre politique en matière de transport ?
Hervé Guerrera : Pour répondre à l’urgence climatique et écologique, il est vital de développer les transports en commun dans notre région. C’est l’alternative à la bagnole. Développons des quartiers de gare. Cela nécessite d’urbaniser, mais surtout de se servir du réseau de cars pour converger par capillarité, et passer du car au fer. Évitons cette concurrence stérile entre le bus et le TER. Renaud Muselier a refusé d’électrifier la ligne Aix-Marseille, alors que l’électrification ce n’est pas un gadget, c’est la solution. Pour nous, c’est de la régularité et cela permet de limiter les problèmes de pollution de l’air. Le couple RFF-SNCF a estimé cette électrification de la ligne Aix-Marseille à 320 000 euros, trop cher pour le président Muselier. J’ai parlé avec des membres de la FNAUT (ndlr : Fédération nationale des associations d’usagers des transports), on aurait pu s’en sortir pour 180 000 d’euros. Cette opération aurait soulagé un million d’habitants. Elle a été refusée alors que c’est une forme de lutte contre la pollution. Le président Muselier préfère soutenir certains projets comme la ligne nouvelle Provence-Côte d’Azur (TGV) et le creusement stupide de la gare Saint-Charles, qui dépassent tous les deux le milliard d’euros. J’ai toujours été très réticent sur la ligne nouvelle, même si c’était un engagement de la majorité Vauzelle dont je faisais partie, mais je le suis encore plus aujourd’hui.
Quelles solutions proposez-vous pour freiner le tout voiture ?
HG : L’urgence climatique n’est plus la même, on a besoin de transports du quotidien et on a besoin de gérer le fret. La SNCF est entrée dans une logique de rentabilité. Nous ce qu’on veut c’est créer un vrai service public régional dans lequel l’usager n’a pas un rôle passif. Concernant la voiture, deux conditions doivent être réunies pour réduire son utilisation. D’abord, il faut une alternative qui fonctionne. Et ensuite, il faut des associations. Sur les vélos par exemple, Adava ou Ramdam font du bon travail pour réapprendre aux citoyens à faire autrement en ville. Le modèle du tout voiture n’est pas durable, il n’est pas soutenable pour notre économie et pour l’air que l’on respire. Si on veut lutter contre le réchauffement climatique, il faut se battre contre la bagnole.
Vous évoquez fréquemment l’importance de la sobriété foncière, qu’entendez-vous par là ?
Hervé Guerrera : Dans notre région, et particulièrement à Aix, le pavillonnaire a connu un rebond à cause de la crise sanitaire. Les gens avaient besoin d’un extérieur. Sauf qu’en centre-ville, il n’y a plus d’offre. Pratiquer la sobriété foncière, c’est à la fois préserver les droits des générations futures et offrir une alternative logement à des gens qui cherchent à se loger en ville. Aujourd’hui, cette offre est inexistante et laisse un boulevard au système pavillonnaire. C’est un modèle dramatique issu des années 60-70 qui repose sur la bagnole. Il faut urbaniser, en respectant une sobriété foncière, là où il existe des alternatives en terme de transport.
Récompenser ceux qui travaillent dans le respect d’une transition écologique et économique
Hervé Guerrera
Vous êtes le seul candidat régionaliste pour ces élections, qu’est-ce qu’une vision comme la vôtre implique en terme d’économie ?
HG : Cela implique un rééquilibrage de l’Europe au Sud. Assumer enfin que nous sommes Méditerranéens, développer des coopérations internationales. Mare nostrum c’est notre espace naturel. Aujourd’hui le secteur tertiaire est hypertrophié avec essentiellement du tourisme de masse. On ne veut pas que notre région devienne le “bronze cul” de l’Europe. On est au contraire pour un tourisme durable, où les vacanciers viennent apprécier notre histoire, notre remarquable biodiversité et nos paysages. On est pour une économie sociale et solidaire. Et il faut bien sûr régler le problème industriel. L’industrie représente moins de 10% de l’emploi dans notre région. Il est hors de question d’avoir une industrie qui continue à rejeter des polluants en environnement ouvert et qui favorise la délocalisation. On pourrie la santé des travailleurs. Ce n’est plus possible. Nous sommes évidemment pour la sauvegarde de l’industrie mais il faut conditionner les aides. C’est un engagement régionaliste fort que de récompenser ceux qui travaillent dans le respect d’une transition écologique et économique. Si Alteo avait eu la volonté de rester à Gardanne, l’entreprise aurait réussi à stocker ses déchets. À la place, elle préfère s’inspirer d’un procédé du XIXe siècle, ne pas innover et polluer le Tiers- monde.
Votre liste compte plusieurs membres EELV, votre programme comporte des similitudes avec celui de Jean-Laurent Félizia, pourquoi ne pas avoir fait alliance ?
Hervé Guerrera : On a voulu une liste sans logo. Comme tout le monde, nous sommes interpellés par la coupure entre les politiques et les citoyens. Une coupure qui s’agrandit, on le voit bien avec le taux d’abstention annoncé dans les derniers sondages. Le régionalisme veut construire au plus près des territoires. Pour réparer cette fracture, pour raccommoder le tissu social, on a voulu une liste citoyenne sans logo. Je ne crois pas que le type d’alliance soutenu par l’un de mes concurrents participe à cette reconstruction social dont nous avons tous besoin. On vaincra l’extrême droite en ramenant les citoyens aux urnes. Une abstention record comme celle qui s’annonce pour ces régionales, c’est juste pas possible. Avoir notre démarche citoyenne c’est essentiel. Sans accord, sans combinazioni de partis politiques qui s’entendent recyclant mal le programme de l’appel Il est temps. On assiste au retour du Parti Socialiste de l’époque Defferre, et les conséquences sont terribles sur la participation des citoyens. C’est aussi pour cela que certains écolos ont senti le piège et nous ont rejoint. On est là pour faire vivre une alternative citoyenne, régionaliste et écologiste.
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