Face au changement climatique, que ses clients agriculteurs sont les premiers à vivre, le Crédit agricole Alpes Provence (CAAP) sort de son rôle traditionnel de pur banquier pour devenir investisseur. La banque a créé une « direction du développement et de la transition des territoires » confiée à Jérôme Vuillemot et a lancé, en parralèle, à l’instar d’autres caisses régionales, un fonds doté de 100 millions d’euros :CAAP Transitions. L’objectif est de flécher 20 % du résultat annuel, soit 20 millions d’euros par an pendant cinq ans sur ce fonds.
Jérôme Vuillemot explique pour Gomet’ « qu’il s’agit pour la banque coopérative d’un choix stratégique ». Si le Crédit Agricole a déjà investi directement dans l’immobilier et dans l’aménagement, les investissements prévus pour ce fonds de transition sont totalement novateurs.
Le fonds sera partagé en deux : 50 millions d’euros seront dédiés aux grands projets emblématiques de la transition énergétique comme les réseaux de chaleur urbains, la méthanisation, l’hydrogène. Et parce qu’il s’agit de problématiques complexes tant au niveau financier que technologique, le Crédit agricole Alpes Provence s’appuiera sur les compétences d’Amundi (1) qui interviendra en conseil, mais pas en financement.
La seconde moitié du fonds (50M€) sera dédiée aux besoins notamment des clients agricoles qui interpellent leur banque pour sortir de la dépendance et des aléas énergétiques et profiter à la fois d’espaces disponibles et de toitures aménageables.
Le Crédit agricole sollicite donc dans une première étape Irisolaris pour une phase de diagnostic qui permet à l’exploitant de connaître le potentiel de création énergétique de sa propriété. Lorsqu’un projet photovoltaïque est faisable, l’agriculteur, l’entrepreneur aura le choix de l’autoconsommation ou de la vente d’énergie en confiant à Irisolaris la gestion des panneaux qui ont été mis en place sur ses terres.
La demande d’autoconsommation en hausse
Irisolaris compte aujourd’hui 200 salariés à Rousset et réalise un chiffre d’affaires de 80 millions d’euros. La société reste la propriété des trois fondateurs Charles Nucci, Guillaume Sevian et Armand Fresnais. L’entreprise est devenue productrice d’énergie avec une puissance globale en exploitation d’environ 150 mégawatts avec un volume de 200 mégawattsen construction.
« Nous avons plutôt une casquette de producteur. Mais depuis un an, notamment via le Crédit agricole, arrivent des prospects en demande d’études pour de l’autoconsommation. Ils veulent s’affranchir des aléas du réseau et vont auto-consommer au moins 90 % de ce qui est produit», explique à Gomet’,Armand Fresnais, en charge du développement.
Une relation historique avec le groupe Crédit agricole
Et de poursuivre :« Pour le financement des installations, quelle que soit leur destination, nous avons de forts besoins financiers. Nous avons des rapports privilégiés avec la Caisse Alpes Provence qui intervient sur l’entreprise. Nous faisons appel aux services d’Unifergie [N.D.L.R. : filiale de Crédit agricole en leasing & factoring, qui finance des projets liés à la maîtrise de l’énergie et à la protection de l’environnement qui concourent au développement durable]. Nous travaillons globalement avec le groupe Crédit Agricole dans plusieurs régions. Nous avons besoin de crédits long terme de 18 à 20 ans pour nos centrales en toiture que l’on garde en production. Nous déployons à peu près 140 millions d’euros de dettes par an sur des actifs solaires ! »
En plus du crédit, il est nécessaire d’avoir un apport en capital. Irisolaris, comme d’autres opérateurs, regroupe plusieurs dizaines de sites de production, des toitures ou centrales au sol (entre 100 et 150 projets) dans une SPV. Une SPV « Special purpose vehicle » est une société qui détient les actifs : le foncier, les installations et équipements, le contrat de vente d’électricité, les contrats de maintenance, etc. La SPV exploite la centrale de production d’énergie renouvelable, encaisse les revenus issus de la vente d’électricité, paye ses charges et rémunère ses investisseurs. Elle est adossée aux futurs contrats d’achat d’électricité.
Les acteurs du photovoltaïque n’ont pas tous la capacité pour intervenir en fonds propres sur ces SPV. « Nous ne pouvons pas réussir à financer énormément d’actifs, admet Armand Fresnais qu’avec l’apport de banques qui, comme le Crédit agricole, viennent en fonds propres. Nous avions commencé par le financement participatif, mais c’est un peu lourd et chronophage. On a grandi et on s’est structuré avec le marché. »
Le fonds Caap Transition fait du financement sans recours qui couvre en moyenne 15 % du budget de l’opération, les 85 % étant en crédit. Pour le Crédit agricole, précise Jérôme Vuillemot, directeur de Caap Transition, « il s’agit d’investissements directs de la Caisse dans des véhicules de production d’énergie ». Et si Irisolaris est le premier partenaire régional, des discussions avancent avec d’autres acteurs des énergies renouvellables.
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(1) Amundi est un asset manager européen, il se classe dans le top 101 mondial, gère 1 755 milliards d’euros, il est coté en Bourse depuis novembre 2015. Il emploie 4 800 collaborateurs basés dans 37 pays. Amundi est notamment issu de la fusion entre les activités de gestion d’actifs du Crédit agricole (Crédit agricole Asset Management, CAAM) et de la Société générale (Société générale Asset Management, SGAM).