Le « plan vélo » métropolitain 2019-2030 ne remplira pas tous ses objectifs intermédiaires d’ici 2024. Et ce, malgré une forte demande citoyenne en termes d’infrastructures cyclables notamment à Marseille. Face aux interrogations de certains usagers, et de la gauche marseillaise, la Métropole Aix-Marseille défend son bilan.
Jeudi 16 mars, comme à chaque séance du conseil de la Métropole, ou presque, l’opposition de gauche profite d’une nouvelle délibération en lien avec le plan vélo pour pointer du doigt la gestion de la majorité métropolitaine sur ce dossier. Emmené par l’élue marseillaise Anne Meilhac, le groupe “Pour une Métropole du bien commun” relance le débat au détour d’un vote dotant le service de location longue durée LeVélo+ de plusieurs vélos cargos (un forfait de 59 euros/mois). « Ces vélos, où rouleront-il ? », interroge l’élue d’opposition.
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En quatre ans, la Métropole n’a jamais vraiment passé la seconde sur la livraison d’équipements cyclables, pourtant au cœur de ses compétences et de son projet. Et ce, au grand dam des usagers et associations de cyclistes locales, qui continuent d’arpenter chaque jour les voiesétroites d’un réseau mal pensé, mal formé.
Le plan vélo est pourtant un des chantiers phares de la mandature Vassal. Annoncé en 2019, le programme doté d’une enveloppe de 60 millions d’euros – dont la moitié est fléchée sur le circuit marseillais – promettait de rattraper le retard du territoire en matière de mobilités actives.
À Marseille, où la culture du tout-voiture règne encore, l’ambition métropolitaine prévoyait de changer les mentalités et de bousculer les pratiques. Comment ? En aménageant dans un premier temps un réseau principal de huit lignes sécurisées à horizon 2024, soit 88 kilomètres de pistes pour la cité phocéenne, et près de 130 kilomètres en 2030.
Les trois piliers du plan vélo (15 actions)
• Développer l’usage de vélo dans les trajets du quotidien
• Favoriser l’accès au vélo au plus grand nombre
• Renforcer l’attractivité du territoire et sécuriser l’usage du vélo
Mais à un an de l’échéance intermédiaire, « à peine 10% » des infrastructures annoncées ont été livrées, remarque la gauche marseillaise qui milite pour faire sortir de terre une piste sur l’avenue du Prado. Même son de cloche du côté des collectifs cyclistes. L’association Vélos en Ville observe tout de même des avancées sur la partie sud de l’axe « Corbières – Montredon » et une belle ligne sur la Corniche, jugée « touristique » cependant.
Les pistes Lieutaud, Carénage ou encore La Canebière font partie des quelques chantiers livrés ici et là. Mais il est difficile aujourd’hui de parler de circuits, de liaisons, de connexionsà Marseille… Bref, de réseau, au regard des pistes souvent discontinues.
Une chose est sûre, il faudra plus qu’un simple coup de pédale pour mettre en service, d’ici la fin de la décennie, les huit itinéraires présentés en 2019 par la Métropole. À noter qu’en, décembre 2021, la collectivité les qualifiait de « pistes prévisionnelles (…) pas forcément finançables ». Va-t-elle rétropédaler ?
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Des aides nationales existent pour accélérer sur les mobilités douces
Dans cette conjoncture, et face aux difficultés de la Métropole a engager une véritable « révolution cycliste », Anne Meilhac demande à la présidente de l’établissement, Martine Vassal, pourquoi elle ne sollicite pas des aides nationales comme le Fonds vert ou le fonds France mobilités qui soutient les autorités organisatrices de la mobilité (AOM), notamment dans le financement de pistes cyclables.
« Dans les cinq premiers appels à projets, notre Métropole n’a pas candidaté. Le sixième (…) est ouvert depuis janvier, et sera clôturé le 21 avril », signale l’élue marseillaise, soutenue par le maire de Marseille. « Essayez d’écouter ce qu’on vous dit (…) Madame Meilhac vous propose qu’on sollicite ensemble ces aides nationales », surenchérit le maire de Marseille, Benoît Payan. La majorité métropolitaine ne répondra pas franchement à cette proposition.
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Marseille : 7% de part modale pour le vélo en 2026 ?
Aujourd’hui, les associations, les usagers et les professionnels sont unanimes : la Métropole ne respectera pas les temps de passage prévisionnels du plan vélo d’ici l’année prochaine. Même en termes d’usage. Pour rappel, Marseille est toujours en queue de peloton du baromètre FUB des grandes villes cyclables, avec une part modale d’environ 2% contre un peu plus de 5% à Paris et près de 7,5% à Strasbourg.
Si le palier des 5% de déplacements quotidiens en vélo semble inaccessible pour 2024, « l’objectif de la Métropole est de monter à 7% d’ici la fin du mandat (2026, ndlr) », réplique dans l’hémicycle Philippe Ginoux, le conseiller métropolitain délégué aux pistes cyclables et à la voirie.
Interpellé par son opposition sur le développement du réseau cyclable marseillais, jugé trop lent, l’élu bifurque sur les « résultats phénoménaux » du service de location LeVélo, fraîchement passé à l’électrique. Fin février, « il y avait 8500 locations de vélo (…) c’est le score réalisé l’année dernière au mois de juillet. », remarque-t-il. Et de lancer : « aujourd’hui, on voit des vélos oranges partout dans Marseille, dans la métropole ».
Dans les faits, lorsque l’usager marseillais ouvre son application mobile LeVelo, la carte virtuelle affiche souvent plusieurs dizaines de stations vides, sans aucun engin disponible, notamment en centre-ville (voir ci-dessus).
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Marseille serait « un exemple » sur le vélo électrique
S’il reconnaît que certaines villes françaises sont « en avance » sur la politique biclou, Philippe Ginoux se félicite que Marseille soit « un exemple » sur le développement du vélo à assistance électrique (VAE). « La ville a un réseau cyclable 100% électrique, c’est la seule Métropole de France à l’avoir fait », indique le maire de Sénas, applaudit par son groupe.
L’élu assure, au passage, que la Métropole a la capacité de doubler « rapidement » sa flotte LeVélo, pour passer de 2 000 à 4 000 vélos à assistance électrique. À titre de comparaison, la métropole de Grenoble loue près de 9 500 engins standards et VAE cumulés. Celle de Lyon, plus de 15 000, et Paris, presque 40 000 vélos.
Philippe Ginoux défend les « efforts importants » de la Métropole
L’opposition marseillaise conteste. Philippe Ginoux tape du poing sur la table : « On ne peut pas dire que la Métropole ne fait rien ! ». Sur le plan vélo, l’élu revendique « 12 actions réalisées sur les 15 prévues ». Il concèdera, en aparté, que la construction des principales infrastructures cyclables envisagées – le plus gros du programme en termes de coût – fait effectivement partie des trois actions restantes. « Les services travaillent bien, et il y a un existant qui est confortable (…) Cela va s’améliorer, on fera les comptes à la fin, on sera dans les délais », argumente auprès de Gomet’ le conseiller métropolitain.
Dans l’hémicycle, le maire de Sénas nuance : « Marseille a un grand retard et la Métropole aussi sur le plan vélo (…) mais il ne faut pas limiter le plan vélo juste au nombre de kilomètres de pistes cyclables qui ont été réalisés ».
Selon lui, les études de faisabilité et les problématiques foncières ralentissent le processus : « à un moment donné, on ne peut pas opposer les places de stationnement à des pistes cyclables. Il faut faire des réunions de quartier, tout ne se fait pas dans la simplicité… ». Et d’ajouter en conclusion de cette séquence : « Ça avance bien. Peut-être pas aussi vite que ce qu’on voulait, mais ça avance bien ».
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