Banques, ONG, sociétés de gestion, cabinets d’audit et des conseils, élus, entreprises… Il suffit de voir la diversité des participants aux premières Rencontres de la finance verte et solidaire, organisées par Gomet’, pour constater que le sujet intéresse un large spectre d’acteurs économiques et politiques. Tous partagent le constat de la nécessité d’enclencher la transition écologique et que le monde économique aura son rôle à jouer. « Le business as usual ce n’est plus possible », lance Jacques Bonnabel, président de France Active Provence alpes côte d’Azur, en ouverture de l’évènement.
Toute la journée, ce sont 80 intervenants venus de toute la France qui ont participé à des tables-rondes et à des ateliers au sein de l’immeuble Cap Joliette à Marseille (2e). Les sujets abordés sont vastes, ils vont de l’appréhension de ces changements sur la manière de produire, aux outils financiers disponibles pour soutenir ces mutations, en passant par les nouveaux process à mettre en place au sein des entreprises ou encore les évolutions réglementaires. « La finance est un outil puissant pour amener les entreprises à avoir un impact sur le monde », avance Raïssa Brian, directrice développement chez Smalt Capital. Dans le milieu depuis 20 ans, elle est une témoin de l’évolution de la perception de la « finance verte ».
Chez Amundi, Lorna Lucet incarne cette évolution avec son poste d’analyse ESG. Au sein du géant européen, son service dispose d’un droit de veto sur les décisions d’investissements. « Il n’y a que nous et le président qui en avons un », souligne-t-elle. Un vrai virage par rapport à quelques années plus tôt et une tendance qui devrait s’accélérer. « La loi Pacte a ancré la responsabilité sociétale des entreprises, elle marque un changement de paradigme dont on ne mesure pas encore les conséquences », pointe Brice Renaud, associé en charge de la RSE et du reporting extra-financier chez Ioda Consulting.
Des besoins de financements en hausse
On constate déjà une myriade d’acteurs de toutes les tailles qui existent sur des activités en accord avec les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). En témoignent les échanges entre petites et grosses structures sur la scène de l’auditorium, ou dans les couloirs de manière informelle. « Le gâteau est assez gros pour tout le monde », juge Julien Hostache, cofondateur et président de la société de financement participatif d’Enerfip, balayant ainsi le sujet d’une trop grande concurrence.
« La transition énergétique va se traduire par une décentralisation de la production et donc de beaucoup de besoins de financements », embraye François de Fauterau, gérant du pôle transition énergétique de Smalt Capital. Pour coexister, les différents financeurs choisissent des positionnements différents à l’image de Smalt Capital avec ses fonds dédiés aux énergies renouvelables. « Nous avons constaté qu’il y avait un déficit de financement pour les jeunes entreprises de ce secteur », explique François de Fauterau.
Si le potentiel de la finance verte et solidaire fait l’unanimité, la vitesse à laquelle elle transforme le monde économique fait plus débat. « Ce qu’il faut rappeler c’est que la finance verte ne fait pas du bien à la nature, c’est la finance brune qui lui fait du mal et c’est elle qu’il faut réduire. Cela va lentement, mais c’est à l’image de la société », insiste Raphaël Billé, directeur du programme Tour du Valat, un institut de recherche pour la conservation des zones humides méditerranéennes. Le chemin est encore long comme l’expose aussi Julie Sansoucy, de l’ONG Reclaim finance : « Pour un dollar investi dans un projet d’énergie fossile, il faudrait en mettre six sur de l’énergie propre, aujourd’hui le ratio est de 1,8 pour un. Les financeurs ne vont pas dans le bon sens ».
La réglementation impose un reporting extra-financier
Il faut dire que le changement est radical. « La transition écologique nécessite de bouleverser d’un coup des décennies de construction économique, donc c’est difficile de mettre de côté des pans entiers de l’économie », estime Julien Hostache. Pour ne rien arranger, dans beaucoup de domaines, les modèles de rentabilité sont encore à trouver. L’économiste Pierre Batteau, professeur émérite à l’IAE d’Aix-Marseille, soulignait ce point et le « manque de recul » sur certaines technologies.
Toutefois, les tables-rondes des nouveaux fonds et outils ont permis d’exposer certaines approches intéressantes. C’est le cas de 21 first capital qui via son financement de la rénovation énergétique atteint « plus de 10% de rentabilité en ne déployant que la moitié de notre fonds » présente Stanislas Bernard, le président fondateur. De bon augure pour les entreprises qui vont devoir inclure dans leur stratégie une approche extra-financière puisqu’une directive européenne (la corporate sustainability reporting directive dite CSRD) va progressivement imposer un reporting sur ces sujets à partir de janvier. « Aujourd’hui, c’est incitatif mais cela pourrait avoir des conséquences sur les finances ou même l’assurance, cela pourrait être un sujet à aborder à part pour les prochaines rencontres », détaille Brice Renaud. Les idées de tables-rondes pour une prochaine édition sont déjà là. Preuve que la finance verte va encore faire parler d’elle.
Rémi Baldy
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Le programme complet des 1ères Rencontres de la finance verte et solidaire
Notre Hors-Série finance verte diffusé le 24 novembre