C’était le premier déplacement en région d’Emmanuel Macron depuis le début de la mobilisation contre la réforme des retraites. Le président de la République s’est rendu à Savines-le-lac, dans les Hautes-Alpes.
C’est au bord du plus grand lac artificiel d’Europe, le lac de Serre-Ponçon, qu’Emmanuel Macron a choisi d’annoncer son plan « Eau ». Une annonce qui intervient dans un contexte de fortes tensions au niveau national, entre la réforme des retraites et de l’affaire des méga-bassines à Sainte-Soline. Le Président a d’ailleurs été accueilli par des manifestants réunis en nombre à son arrivée (voir l’encadré ci-dessous).
Qu’à cela ne tienne, le chef de l’État veut montrer que le pays continue de fonctionner. Face à une situation de sécheresse inédite – 32 jours sans pluie – Emmanuel Macron a décliné, durant une trentaine de minutes, sa méthodologie pour maîtriser les ressources en eau à l’approche de l’été. Une stratégie cependant qui ne « résoudra pas toutes les situations de stress hydrique », a reconnu le chef de l’Etat.
Ce plan national bénéficiera en outre d’un relais local assuré par les élus « dont nous souhaitons conforter le rôle », a rappelé Emmanuel Macron. Il était accompagné, lors de sa venue, de plusieurs élus locaux notamment le président de la Région Sud Renaud Muselier. L’ex-député européen a récemment présenter son plan « Or bleu ». Ce plan à échelle régionale est d’ailleurs doté de 10 millions d’euros supplémentaires, qui s’ajoutent aux 620 millions déjà annoncés et s’étale jusqu’en 2038.
EN DIRECT | Le Président @EmmanuelMacron arrive à Savines-le-lac en Hautes-Alpes où il vient présenter le Plan eau. https://t.co/ck53LakaOF
— Élysée (@Elysee) March 30, 2023
« 200 manifestants » en comité d’accueil d’Emmanuel Macron à Savines-le-lac
Difficile d’imaginer un déplacement serein dans un contexte aussi explosif que celui de la réforme des retraites. À son arrivée à Savines-le-lac, Emmanuel Macron était attendu de pied ferme par une foule de manifestants, « 200 personnes » précisément, selon l’estimation donnée par le chef de l’Etat lui-même.
Ce dernier a eu à répondre à un certain nombre de questions autour de la réforme, ainsi que sur les tensions actuelles à Sainte-Soline (Nouvelle-Aquitaine) que suscite un projet justement lié à l’eau : celui des méga-bassines, d’immenses retenues d’eau qui iraient pomper dans les nappes phréatiques pour assurer les besoins en eau agricoles en cas de sécheresse estivale.
Sous les protestations des manifestants (voir la vidéo ci-dessous), Emmanuel Macron, accusé de vouloir détourner l’attention de ces problèmes, a tenté de se défendre : « Il y a une contestation, mais cela ne veut pas dire que tout doit s’arrêter. […] On doit continuer à travailler sur des sujets aussi essentiels que l’eau. On doit avancer ».
Sur le cas de Sainte-Soline, « il s’agit d’un projet […] dont on a besoin pour avancer sur la question de l’eau. Il faut le faire en concertation. Il peut y avoir des contestations, mais je condamne la violence. » Des déclarations qui n’ont pas asséché le flot de contestations…
Un plan sobriété pour chaque secteur économique
Dans un premier temps, Emmanuel Macron se veut rassurant : « On a tendance à oublier ce que l’on a su faire dans le passé. Nous avons su mettre en place des solution de gestion pour faire face à des problématiques d’eau. Mais il est vrai que ces problématiques, jusqu’alors, portaient sur la qualité ou la pollution de l’eau, mais pas sur sa quantité », a tout de suite relativisé le Président.
Le plan Eau qu’il souhaite mettre en place comprend une grande part de sobriété. À l’instar de ce que a été mis en place pour faire face à la crise énergétique, l’Etat entend ainsi mettre en place un indicateur éco-watt pour inciter aux bons usages. En outre, tous les secteurs (industrie, tourisme, loisir, agriculture etc.) devront mettre en place « avant l’été » un plan sobriété. « Nous voulons continuer à développer l’industrie, mais elle doit être décarbonée et sobre. Les secteurs qui utilisent de l’eau, comme le nucléaire, seront adaptés via un programme d’investissement, et en favorisant l’utilisation en circuit fermé. »
Emmanuel Macron évoque aussi longuement le secteur agricole : « L’agriculture est essentielle pour améliorer notre souveraineté alimentaire. Mais est-ce que les filières d’aujourd’hui seront encore adaptées demain ? Il est évident qu’il va falloir réorienter les schéma agricoles », expose-t-il. L’Etat devrait débloquer 30 millions d’euros pour permettre au monde agricole de s’adapter.
Un objectif de 10% d’eau réutilisée d’ici 2030
Le chef de l’Etat souhaite aussi optimiser l’utilisation de l’eau. Pour cela, 180 millions d’euros seront déboursés chaque année afin de lutter contre les fuites d’eau en priorité sur les communes les plus fragiles, dont Savines-le-lac fait partie. « En France, 50% des eaux perdues le sont en raison de la vétusté des réseaux », affirme Emmanuel Macron.
L’objectif est donc de moderniser les réseaux. Un grand plan sur les infrastructures doit aussi être lancé en concertation avec la Caisse des dépôts. Aux côtés de l’Etat, la Région Sud entend cartographier l’ensemble des réseaux dans tous les territoires de la région, comme l’a annoncé son chef de file Renaud Muselier.
Pour faire face à la rareté de l’eau, Emmanuel Macron envisage aussi d’accélérer sur un sujet sur lequel la France est particulièrement à la traîne : la réutilisation de l’eau. À ce jour, la France réutilise moins de 1% de ses eaux usées. « D’ici 2030, nous affichons un objectif de 10% d’eau recyclée », promet Emmanuel Macron.
Une ambition qui rejoint la volonté de la Région Sud d’expérimenter la réutilisation des eaux usées. La collectivité mettra en outre en place des facilités de financements pour permettre aux particuliers de s’équiper de récupérateurs d’eau de pluie.
Une « tarification progressive » pour inciter à de meilleurs usages
« L’objectif du plan est de garantir à tous un accès à l’eau potable. » Emmanuel Macron a bien fait passer le message : l’avenir de l’eau doit passer aussi par la responsabilité collective.
Afin d’y inciter, le gouvernement prévoit, en concertation avec les collectivités, l’instauration d’une tarification « progressive » de l’eau. « Cela ne veut pas dire que l’eau sera plus cher. Mais cela signifie que les premiers mètres cubes utilisés, nécessaires au quotidien, seront à un prix très modeste, proche du prix coûtant. En revanche, à partir d’un certain stade d’utilisation de l’eau, les prix grimperont », détaille le Président de la République.
Toujours dans l’optique de plus de sobriété, la Région, qui veut assumer son rôle de pilote de la transition écologique, souhaite notamment équiper les lycées régionaux avec du matériel permettant d’économiser l’eau d’ici 2026.
Pour mettre en œuvre toutes ces mesures, l’Etat veut aussi accroître le budget des agences de l’eau, qui grimpe à 500 millions d’euros. Le plafond de dépense des agences de l’eau est en outre supprimé, afin de leur permettre d’épauler les collectivités dans la mise en oeuvre du plan eau.
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