Le glas de « Plus belle la vie » a sonné. La série phare de la chaîne France 3 s’achèvera le 18 novembre 2022 à Marseille comme le précise France télévisions dans un communiqué publié le 5 mai. Le groupe d’audiovisuel public se félicite du chemin parcouru par le programme. « Ce feuilleton, pionnier et emblématique, est devenu la série française quotidienne la plus longue de l’histoire » peut-on lire. Après 18 saisons et 4 550 épisodes tournés dans les studios de la Belle de Mai (3e arrondissement), la fin du programme s’accompagne néanmoins d’une incertitude pour les 600 emplois directs et indirects générés par 18 ans d’activité soutenue.
Contactée par Gomet’, une salariée de Newen studios, témoignait en février dernier que l’arrêt du programme « serait une catastrophe pour Marseille », expliquant que la production qui embauche 600 intermittents du spectacle à l’année équivalent temps plein, a permis la création d’un écosystème de « techniciens de qualité qui ont quitté Paris pour venir s’installer à Marseille ».
En février 2022, France télévisions justifiait la probabilité d’arrêter la série face à la dure concurrence des audiences captées par deux autres séries télévisées du même acabit, « Demain nous appartient » enregistrée à Sète (TF1) et « Un si grand soleil » à Montpellier (France 2). Sur la saison 2021-2022, la série marseillaise a enregistré 2,7 millions de téléspectateurs en moyenne contre 7 millions à son lancement dans les années 2000. Une chute des audiences visible, accentuée par l’avènement des plateformes de streaming Netflix, Amazon Prime et Disney + post-confinements qui contribuent au changement des modes de consommation des films et séries. Par conséquent, France Télévisions argumente sur un nécessaire « renouvellement de l’offre créative ».
Une « tristesse » inévitable des équipes
Si l’arrêt de « Plus belle la vie » était attendu, rien n’empêche la tristesse des intermittents qui travaillaient (pour certains) depuis 2004 à la fabrication du programme. Marc Barbault, l’un des directeurs de production du feuilleton qui fermera les studios en septembre, confie son sentiment à Gomet’ : « Les équipes sont tristes car beaucoup de liens affectifs ont été tissés. Les équipes se connaissent tellement qu’elles avaient créé leur univers familial. Pour certains ça va être très dur… » Malgré la déception, le producteur témoigne de la « grande fierté » partagée par les équipes pour voir participé à cette aventure.
Le nombre d’emplois impacté s’explique par une série« réalisée en boucle fermée, selon le producteur, Tout est fait à la Belle de mai, du tournage à la post-production ». Néanmoins, pour limiter les pertes d’emplois, France télévisions promet « le début d’une nouvelle histoire avec Marseille et sa Région ».
France Télévisions veut continuer à Marseille
La télévision de service public garantit son engagement par « un nouveau pacte créatif à Marseille, dans la prolongation du plan France 2030 ». Ce plan du gouvernement, chiffré à 54 milliards d’euros pour les investissements d’avenir, flèche un milliard d’euros pour développer les industries créatives et tenter de faire de la France le leader européen des tournages et de la production numérique. « Ce nouveau pacte doit se traduire par le tournage de nouvelles séries originales, qui permettront d’irriguer la fiction de France Télévisions de nouveaux contenus à destination de toutes les générations », détaille le groupe.
Marc Barbault confirme la promesse de France Télévisions : « Ils ont mandaté une personne pour faire un lien avec les productions supplémentaires injectées sur Marseille. Je sais déjà qu’il va y avoir le tournage de deux unitaires de la série Candice Renoir. France TV va également mettre en place une mini-série de six épisodes de 52 minutes et une autre production de deux unitaires » selon les informations du directeur de production.
Cependant, ces prochains tournages « n’auront pas lieu dans les studios de la Belle de Mai », précise Marc Barbault qui se questionne sur l’avenir du pôle média. Les studios de 3 000 m2 consacrent en effet « la majorité de leur activité à Plus Belle la vie ».
Et le Pôle médias de la Belle de mai ?
Newen, la société de production propriété du groupe TF1, va récupérer les droits de Plus belle la vie fin d’année 2022. « Est-ce qu’ils vont décliner la série et en faire des ponctuellement ? Je crois que c’est à l’étude. On sent que Newen n’a pas envie de lâcher le morceau », confie Marc Barbault. Pour le professionnel, la question est aussi le devenir des décors de la série comme la place du Mistral, le commissariat, les décors tournants…
Comme nous le confirmait en mars Laurent Lhardit, l’adjoint à l’économie, les studios du pôle médias doivent être rénovés pour adapter le bâtiment aux normes ERP (établissements recevant du public). Le coût des travaux, évalué entre cinq et sept millions d’euros, sera inclus dans le volet industrie créative du plan Marseille en Grand voulu par Emmanuel Macron. Or, si la Ville de Marseille ambitionne que le Pôle médias devienne « le vaisseau amiral des industries créatives dans le Sud », sa priorité est d’abord de conserver les 1 000 emplois qu’il génère.
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