Un collectif composé de l’association Arc Fleuve Vivant, le Gepa (Groupement des entrepreneurs du Pays d’Aix), la CPME 13 et le Crédit coopératif, a organisé le 3 mars à Aix-en-Provence à The Camp une rencontre sur le thème de « La vie économique face aux risques majeurs et naturels », devant un public de plus de 200 personnes, et une quinzaine de grands témoins prenant la parole. Ce moment fort, contrepoint d’une actualité débordante sur le sujet, a permis selon Stéphane Salord, président du Crédit coopératif en Provence Alpes Côte d’Azur et co-président d’Arc Fleuve Vivant, « de poser les bases d’un débat qui doit s’élargir et déborder désormais le cadre des communautés universitaires, des corps de protection civiles, pour s’adresser aux citoyens, aux salariés, aux entreprises, aux territoires dans leur ensemble.» Il partage et explique dans cette tribune son point de vue.
Pour une nouvelle culture partagée des risques majeurs et naturels au profit de la durabilité économique et sociale
Le changement climatique impacte les activités humaines très lourdement, certes, mais selon des aléas qui freinent le développement massif d’une culture du risque. Autrement dit, on ne peut pas baser l’adaptation de la vie économique sur des risques épars, alors que l’entreprise rencontre tant de défis au quotidien, dans un climat des affaires fortement fluctuant.
Pour autant, la voie d’une stratégie médiane peut se dessiner, en dehors de tout catastrophisme, afin de pallier le pire, et de générer des actes résilients. Il convient de ne pas nier les risques et dangers que représentent l’évolution climatique, tout le monde en sera désormais d’accord.
A ce titre, les riches échanges de cette soirée ont permis de resituer à la fois les spécificités du climat méditerranéen, plus dérégulé et imprévisible que sur le reste de la plaque continentale, et dont l’intensité comme la fréquence des évènements s’accroissent, de comprendre les nouvelles logiques d’approche du risque vu par les mondes bancaires et assurantiels, mais surtout de saisir que chaque entreprise doit mettre en place des actions de prévention des risques majeurs, les tester et ainsi synthétiser les éléments de vulnérabilité à court comme à long terme de son activité, en lien avec ses spécificités et son territoire, les deux ne faisant plus qu’un. Il en va de sa crédibilité auprès de ses financeurs que de le faire, de la sécurité de ses salariés et de ses approvisionnements, ce qui est source de valeur ajoutée, de qualité de gestion et de rapport positif à la relation assurantielle également, et plus encore d’intelligence collective.
L’approche intégrative du travail des forces de secours consistant à récupérer les données générées par les situations de crises doit se nourrir des retours d’expériences de la vie économique sur ces sujets, que l’on soit dans le cadre d’une réflexion interne à l’entreprise, ou suite à un épisode vécu.
Structurer une nouvelle habitabilité à long terme des territoires
C’est là qu’il faut désormais agir : alimenter la croissance des données disponibles pour modéliser des schémas prédictifs et adaptatifs en constante évolution certes, mais pouvant permettre une adaptation psychologique de tous les acteurs, en lien bien sûr avec les climatologues, et autres scientifiques et géographes.
Le dépassement et la maîtrise dans l’avenir par les entreprises des contraintes assurantielles et bancaires se conjuguent ainsi avec la « soutenabilité » de leur activité et du retour possible à la normale sous contraintes de temps et d’espace post-crise éventuelle. Cet exercice, nouveau pour les entreprises, sauf si elles ont subi les conséquences d’une catastrophe et en ont tiré les leçons, doit nécessairement se généraliser pour créer un espace collectif, une culture du risque partagée et acceptée, pour la territorialiser, confirmer et structurer une nouvelle habitabilité à long terme des territoires.
Ce qui pourrait bien devenir un observatoire interactif et dynamique des risques majeurs et naturels pourrait ainsi naitre désormais rapidement, les objectifs de tous les acteurs étant alignés.
En effet, loin des tabous ou des peurs irrationnelles, il y a désormais assez d’acteurs, de données, de pensées existantes pour que tout un chacun puisse faire émerger dans son entreprise, avec ses salariés et ses partenaires financiers et assurantiels, un espace de prévention-réflexion, sur ce que peut être l’adaptation et la préparation d’épisodes de crise majeure. Et ainsi refuser de subir, de s’enfermer par déni dans la fatalité, tout en produisant des données et articulant des comportements de durabilité bénéfiques à l’entreprises.
L’intégration des cultures universitaires à des capacités de simulation/stimulation de chaque acteur économique sont désormais disponibles au travers d’officine d’information et de relais performants tels que l’Association française pour la prévention des catastrophes naturelles et technologiques, ou l’association Resiliances, qui accompagne les entreprises dans cette démarche préparatoire et prédictive, notamment au travers du label Resiscore, audit d’évaluation du niveau de préparation des entreprises face aux risques majeurs et de son organisme de formation.
La question mémorielle des crises majeurs en Provence (séisme de Lambesc, crues des fleuves…) relatant un passé douloureux et quelquefois lointain représente un élément de la chaine de résilience que possèdent les aménageurs et les acteurs essentiels tels que le Menelik, comme les associations de terrain en lien avec les populations et la mémoire collective, ce que fait notamment Arc Fleuve Vivant avec le large collectif qui l’entoure.
De nouveaux risques qui nécessitent un niveau nouveau et supérieur de préparation collective
De nouveaux risques se dressent cependant, désormais, face à nous, nécessitant un niveau nouveau et supérieur de préparation collective, de prise de conscience renouvelée et hors norme : changement de la nature de la forêt méditerranéenne et nouveaux risques d’incendies, montée des eaux et retrait des traits de cote (sur lequel la Chambre régionale des comptes vient de fortement alerter sur notre impréparation), danger sur les bâtis à cause du retrait gonflement d’argile…
Les anciens risques traditionnels s’ajoutent au nouveau paysage du risque impacté par le changement climatique. Le recueil de ces données et leur coagulation sont fondamentales dans cette phase adaptative, et doit donc embarquer tout le monde !
A ce titre, les réflexes de sécurité civile de la population doivent être mieux intégrés à la vie quotidienne ; les texto-tests sont de ce point vu largement insuffisants ; qui connait la nature des sirènes d’alerte et des actions à faire en les entendant ? Peu de monde… et pourtant tout cela est essentiel, y compris dans la vie quotidienne de l’entreprise.
Les fédérations d’acteurs économiques gagneraient en force et en crédibilité à saisir ce territoire nouveau, propre à pacifier la relation à l’avenir et à limiter les peurs inabordées. Il n’est pas meilleure société que celle qui cherche à comprendre ce qui peut la menacer et à se préparer collectivement à l’affronter.
Stéphane Salord
Président du Crédit Coopératif Provence Alpes côte d’Azur
Co-président d’Arc fleuve vivant
Liens utiles :
En vidéo : le colloque « La vie économique face aux risques majeurs et naturels » du mars
Le site d’Arc Fleuve Vivant