L’année dernière, nous avions observé beaucoup de levées de fonds autour de 30, 50 voire 90 millions d’euros. Alors que sur ce semestre, nous n’en avons finalement plus qu’une qui sort du lot, c’est TSE à Sophia Antipolis. Cela illustre bien, et pas qu’en Région Sud, que nous sommes en train d’assister à une baisse des méga levées. Nous observons un tassement des valeurs aux alentours de 7 à 10 millions d’euros.
Nous avions déjà pressenti une tendance à la baisse des valorisations lors du dernier baromètre des levées de fonds. Malgré tout, nous sommes encore dans une phase de transition. Le ticket moyen était de 7,4 millions sur l’année 2022 et il est encore de 7,1 millions d’euros en moyenne pour le premier semestre 2023… si on enlève TSE évidemment, car l’entreprise est vraiment hors-norme par rapport au reste du panel.
Des projets plus concrets
J’analyse aussi une vraie appétence des investisseurs pour la « deeptech » avec des financements dirigés vers la technique et l’industrialisation. L’année dernière, nous avions plus de projets sur les plateformes de mise en relation, où les entrepreneurs nous présentaient un « go-between » entre du B to B, B to C ou du B to B to C avec un modèle économique basé sur la micro-transaction. Alors que cette année, les plateformes d’intermédiation ou le serviciel ont beaucoup plus de mal à lever.
L’argent étant plus compliqué à aller chercher, de plus en plus de projets financés sont moins consommateurs de cash avec un retour sur investissement plus rapide. Les projets de financements sont réalisés pour des entreprises qui ont déjà du chiffre d’affaires. Les investisseurs se basent moins sur une promesse d’avenir et plus sur du concret… du “step by step”, des boîtes qui ont une capacité de réaliser plusieurs levées mais avec des valeurs plus faibles.
Des levées de plus en plus multi-acteurs
Les investisseurs sont très hétérogènes : ce sont soit des fonds très spécialisés soit des fonds plus généralistes qui veulent diluer le risque. De plus en plus d’acteurs sont sélectifs pour maximiser leurs investissements et ne prennent pas 100 % du ticket. De toutes les façons, des acteurs comme RSI ne peuvent pas y aller seuls.
Les entrepreneurs ont donc appris à gérer une levée multi-acteurs. Certains recherchent même, dans le cadre de leur première levée, à avoir du « multi-accompagnateurs » pour pouvoir facilement reconduire une deuxième ou troisième levée. En effet, quand on fait rentrer un acteur unique pour sa première levée, il est possible qu’on se bloque potentiellement de faire d’autres levées de fonds.
Avec cette tendance multi-acteurs, des sociétés spécialisées apparaissent dans le développement applicatif. Au lieu de se faire payer 100 % de leur prestation, elles demandent 70 % et convertissent les 30 % restants en capital dans le cadre de la levée de fonds de leur client. Des liens nouveaux doivent se tisser entre du multi-investisseurs et ces opérateurs qui doivent parfois gérer des néo investisseurs qui n’ont pas les codes. De leur côté, les banques continuent aussi à jouer le jeu mais leurs financements restent prudents.
Des levées sur un temps plus long
Ces derniers mois, on sent que « l’effet temps » joue beaucoup plus. La levée de fonds de 500 000 euros à un million s’étale dans la durée. On arrive à trouver des financeurs pour participer à un premier tour pour des petits projets de financements de 100 000 ou 200 000. Mais le financement intermédiaire de 500 000 à un million d’euros, a du mal à suivre comme on le voit dans notre baromètre. En dessous du million, on regarde de moins en moins les projets. Paradoxalement, quand les projets arrivent sur la table avec un besoin d’un million, on se pose aussi de plus en plus de questions. Souvent on fait des « bridges » jusqu’à avoir un projet bien structuré, avant de passer l’étape du million.
Matthieu Capuono
par Matthieu Capuono,
associé expert-comptable chez Crowe Ficorec
Liens utiles :
Baromètre des levées du 1er semestre : plus de 260 millions dans la région Sud
[Verbatim] Levée de fonds : Julie Ducret veut créer une filière cosmétique bio en France
[Verbatim] Biotech : « Les fonds arrivent plus tôt et plus fort »
Gomet’ organise le 24 novembre 2023 les premières Rencontres en région Sud consacrées la finance verte et à impact, une journée d’échanges avec des acteurs nationaux, des experts de haut niveau, des entrepreneurs, des institutionnels, des épargnants et des personnalités inspirantes.
Inscrivez-vous !