Dans le monde de la finance, l’attelage du risque avec la rentabilité est indissociable. Au premier abord, il semble complexe donc de l’associer à l’économie verte et solidaire souvent synonyme de business model encore à trouver. Mais avec les attentes du grand public aujourd’hui, et les changements de réglementations pour les entreprises sur ces sujets, les financeurs se tournent de plus en plus vers des structures ou projets répondant aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Même si le chemin est encore long, l’évolution prend forme et était au coeur des échanges lors des Rencontres de la finance verte et solidaire organisées par Gomet’ qui se déroulaient le 24 novembre à Marseille.
« Nous sommes à un point de bascule », juge Alexandre Flageul, directeur général de Sofipaca capital investissement. La société d’investissement des caisses régionales du Crédit Agricole est un bon exemple de la manière dont les financeurs doivent s’adapter. « Jusqu’à présent la dette était beaucoup utilisée, mais le capital investissement et les fonds propres sont des outils importants car cela répond à un besoin de financement sur du long terme qui met moins de pression », défend Alexandre Flageul.
L’impact, critère d’accès aux financements
Le private equity est également le moyen privilégié par Smalt Capital. « Cela apporte une proximité avec les entreprises et donc de pouvoir influencer leur parcours », estime Raïssa Brian, directrice du développement. Des orientations qui ne peuvent pas être décorrélées de performances économiques. « Nous devons être rentables, nous avons des comptes à rendre », enchaîne pour sa part Prune des Roches, associé chez Andera Partners. Également spécialisée dans le private equity, la société « n’a que des fonds à impact » et estime qu’à l’avenir tous les fonds auront cet objectif.
Mais aujourd’hui, il reste encore du chemin à parcourir. « Le vert c’est cher, chronophage et les entreprises nous disent que cela diminue la rentabilité » expose Prune des Roches. Et le fameux « impact » ne sait pas être mesuré aujourd’hui, « mais nous sommes sûrs que si nous ne sommes pas vert il y aura un malus » Une approche d’autant plus complexe pour Andera Partners (gestionnaire du fonds régional Terra Nea) que son activité sur les infrastructures, lancée depuis trois ans, est par définition vouée à durer dans le temps.
Le malus peut bien sûr prendre la forme d’une future taxe ou contrainte réglementaire, mais il peut aussi se traduire par des difficultés d’accès à des financements. Chez le géant européen Amundi, le service ESG dispose d’un droit de veto sur les décisions d’investissements. « Nous sommes les seuls à en avoir un avec le président », précise Lornat Lucet, analyste ESG, pour qui « changer de modèle est difficile mais le coût de l’inaction sera pire ». Une vision qui se développe au sein des entrepreneurs. « Je suis consulté de plus en plus en amont, lors du pré-investissement, pour intégrer l’aspect RSE », assure Hélène-Anaïs Bouscarle, responsable ESG/RSE chez iXO Private Equity. Elle explique par ailleurs avoir « déjà arrêté des potentielles collaborations car des dirigeants n’étaient pas investis sur ces sujets ».
21st Capital : plus de 10% sur son fonds dédié à la rénovation énergétique
Le bâton peut représenter un puissant motivateur, mais la carotte existe aussi. Twenty First Capital, revendique ainsi une rentabilité de plus de 10% sur son fonds dédié à la rénovation énergétique. « Nous nous sommes rendu compte que les producteurs et distributeurs d’énergie doivent aider financièrement des particuliers dans leurs travaux pour ensuite obtenir des certificats sans lesquels ils seraient taxés. Sauf que peu d’acteurs le font car pour recevoir ces certificats cela dépend de beaucoup d’éléments comme la nature des travaux ou les factures », présente Stanislas Bernard, président et fondateur. Sa société finance donc les travaux puis revend les certificats. « Le rôle des sociétés d’investissement est important car c’est en germe, donc les banques ne le financent pas », ajoute-t-il.
Et les besoins ne manquent pas. Le nouveau fonds dédié aux énergies renouvelables et lancé il y a huit mois par Smalt capital auprès d’acteurs institutionnels a déjà atteint 30 millions d’euros. « Cela montre que l’offre répond à une faille », constate Raïssa Brian.
Cette faille, c’est celle de tickets d’investissement allant de un à cinq millions d’euros pour le financement des petits développeurs. La société adossée à la Caisse d’Epargne CEPAC a lancé avant l’été un fond similaire pour les particuliers. L’opinion publique modifie les décisions d’investissements, mais les nouveaux fonds peuvent aussi inciter les citoyens à s’impliquer financièrement dans ces changements.
Rémi Baldy
Lien utile :
Notre dossier d’actualités consacré à la finance verte et solidaire