L’exercice 2024 était attendu avec une certaine appréhension car les opérations sont de plus en plus complexes et les cycles de plus en plus longs. Contre toute attente ce baromètre 2024 révèle des chiffres plutôt encourageants sur le second semestre. Il marque l’aboutissement d’un flux de projets initié depuis fin 2023 qui viennent se concrétiser fin 2024.
Si l’on fait exception des deux ou trois opérations très importantes qui se sont réalisées en 2023, on s’aperçoit que le taux de levée moyen est sensiblement identique à celui des années précédentes, avec des opérations plus petites. Nous constatons que l’effet d’opportunité qui consistait à actionner tous les leviers existants n’est plus d’actualité. Ce baromètre intègre des circonstances conjoncturelles de fin de cycle à l’instar de la fin des PGE, des aides et outils variés qui évitaient la dilution.
Notre région arrivait 3ème dans le classement national grâce notamment aux très grosses opérations comme celle de TSE derrière l’Ile de France et Rhône Alpes Auvergne. En 2024, elle se classe à la 5e, 6e ou 7e place selon les classements. Ce retrait par rapport à 2023 s’explique car le numérique, très présent dans le palmarès, consomme beaucoup moins de capital que l’industrie ou la santé. Dans ce dernier secteur, on constate moins de deals dans la medtech ou la biotech. Or nous savons qu’il suffit d’une ou deux belles opérations en santé pour rehausser le bilan final.
Une nécessaire structuration de l’écosystème IA
Les projets liés à l’intelligence artificielle se concentrent en l’Ile de France. Pour exemple, Mistral AI, à lui seul, a levé 486 millions. Malgré l’épisode récent Deepseek, cela reste un secteur stratégique. Il en va de l’indépendance numérique du pays, de l’indépendance de l’État grâce à des outils et des opérateurs souverains. L’écosystème local et régional ne s’est pas encore structuré autour des acteurs de la donnée. Toutes les conditions sont réunies pour cette structuration : des entreprises à la pointe comme Digital Realty et Unitel Group, des infrastructures adaptées et une position stratégique, qui font de notre territoire une véritable porte d’accès vers le numérique et l’IA.
Pour autant, certains facteurs peuvent expliquer cette situation. Tout d’abord une carence de foncier qui a déjà été évoquée à de nombreuses reprises, ensuite, les problématiques de recrutements qui sont toujours présentes et qui engendrent mécaniquement des difficultés d’installation. Bon nombre d’ acteurs sont très engagés pour le développement du territoire et cette structuration est un enjeu majeur pour les prochaines années.
Une nouvelle tendance : le passage à l’échelle
La tendance au “scale-up”, ou passage à l’échelle, se confirme. Elle vient renforcer une concentration, accompagner une industrialisation, cette levée de fonds a pour objectif de grandir et d’aller plus vite, en France comme à l’international, cela a été le cas du Groupe STID. Ses deux levées de fonds consécutives ont eu une double vertu : accélérer au niveau national en ayant des moyens pour intégrer des opérateurs en France qui ajoutent à sa chaîne de valeur et se développer à l’étranger. La levée de fonds reste malgré tout une affaire humaine, les investisseurs croient davantage au projet et à l’équipe qui l’incarne qu’au “pitch deck.”
Enfin, Il est indispensable aujourd’hui de penser « global » dans sa stratégie d’entreprise. en intégrant les questions essentielles qui sont désormais concentrées sur l’industrialisation et la RSE.
Les perspectives en ce début 2025 sont plutôt encourageantes avec une bonne dynamique de fin d’année constatée dans le baromètre. Nous verrons lors des prochains résultats, à la fin du semestre, si cette tendance se confirme.
Matthieu Capuono,
expert-comptable, directeur associé de Crowe Ficorec
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