Le directeur général du Marché d’intérêt national (MIN) de Marseille, Marc Dufour, s’est entretenu jeudi 16 février avec la rédaction de Gomet’, dans son bureau des quartiers Nord. L’occasion de faire un point d’étape, en ce début d’année 2023, sur le projet de modernisation de cette immense plateforme d’échanges, située depuis 1972 dans le quartier des Arnavaux (14e), au croisement de la rocade L2 et de l’autoroute A7.
Le MIN de Marseille compte bien s’offrir une nouvelle jeunesse avant 2030, et devenir un centre incontournable de la logistique du dernier kilomètre. Il se positionne aujourd’hui comme un point d’articulation directement connecté aux pénétrantes routières.
Le MIN de Marseille, une ville dans la ville
Le « ventre de Marseille » met en relation les producteurs, grossistes et détaillants de la région. C’est tout simplement le deuxième MIN de France – derrière Rungis, en région parisienne. Il pèse 700 millions de chiffre d’affaires (CA déclaré en 2021), et voit passer sur une année près de 800 000 tonnes de marchandises. Sa zone de chalandise est estimée à 4 millions de personnes.
Sur place, Marc Dufour « ne vend rien, mais organise des flux ». Entre 2h et 10h du matin, le MIN se mue en fourmilière. Ici s’approvisionnent chaque jour les fromagers, épiciers, restaurateurs et autres commerçants de la région marseillaise. Pour répondre à leurs besoins, une centaine de grossistes, et quelque 260 producteurs locaux occupent le carreau. Finalement, le MIN est avant tout une vaste place d’échanges.
Minopolis : la plateforme logistique à 600 millions d’euros
En avril 2020, la Somimar, alors gestionnaire de l’infrastructure, présente aux collectivités locales un projet titanesque de modernisation et d’extension verticale du MIN, aujourd’hui baptisé Minopolis. Le cahier des charges comprend la construction d’une plateforme logistique urbaine surélevée : une dalle de 12 hectares pour 60.000 m² de bâtiments. De quoi centraliser, aux portes du cœur marseillais, l’arrivée des poids-lourds de marchandises, qui passeraient ensuite le relais à de petits véhicules bas carbone en centre-ville. Un moyen aussi de s’adapter aux nouvelles exigences du e-commerce.
Le projet Minopolis se présente ainsi comme la « clé de voûte » de la zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m), qui interdit l’accès aux véhicules les plus polluants à l’hypercentre marseillais – la restriction est en vigueur depuis août 2022. Les récentes études relayées par le MIN de Marseille signalent une « saturation inéluctable des voies de circulation des centres villes ». Avec au-delà de la congestion des axes routiers, un accroissement des pollutions atmosphériques et sonores. Avec son projet “décarboné”, Marc Dufour promet une réduction de 28% du trafic routier en centre-ville, et une baisse de 70 % des particules fines à Marseille.
La construction de cette méga plateforme en étage avoisine les 600 millions d’euros – des financeurs publics et privés se sont déjà positionnés (La Poste, CDC, Méridiam, CMA CGM). Le projet pourrait générer 1200 emplois directs. Minopolis accueillera à terme, sur son toit, « la plus grande centrale solaire urbaine de France (150 000 m² de panneaux photovoltaïques) ». De quoi alimenter les chambres froides du MIN. Et produire de l’hydrogène décarboné pour l’alimentation des véhicules de livraison en centre-ville, ou les rechargements rapides des véhicules électriques.
Mais le projet Minopolis piétine. Voilà deux ans que Marc Dufour (ex-SNCM) a soumis les premières études aux service de la Métropole Aix-Marseille Provence, propriétaire du site. S’il déplore le temps perdu, ce « célibataire professionnel » de 67 ans a bon espoir que le dossier avance enfin cette année. Entretien.
La plateforme Minopolis semble prendre du retard par rapport au calendrier prévisionnel (2025), où en est le projet aujourd’hui ?
Marc Dufour : D’abord, ce projet sortira parce qu’il intéresse tout le monde. Le président de La Poste est venu quatre fois sur le MIN. Le directeur général de la Caisse des dépôts est venu au moins trois fois. Le jour où le projet est lancé, il y aura des appels à manifestations d’intérêts, des appels d’offres ensuite. Aujourd’hui, vous l’aurez compris, toutes ces manifestations ne sont que des signes d’intérêt. On n’a rien enclenché.
Il appartient à la Métropole, qui est propriétaire du site du MIN, de lancer le process pour savoir quel type de structure juridique elle veut, et le type de partenariats qu’elle envisage, si toutefois elle en envisage. Cela appartient à la Métropole. Après, il y aura, selon la réglementation de la commande publique, un appel à manifestation d’intérêts, et le choix des partenaires avec une mise en concurrence des différents projets.
Ces deux dernières années (…) il y avait d’autres priorités.
Marc Dufour
Nous, finalement, on construit le cadre, on explique le mode de fonctionnement. Et après, à partir de là, je ne peux pas plus m’avancer sur des responsabilités qui ne sont pas les miennes. Il appartient à la Métropole de le faire. Les deux dernières années, vous avez suivi la politique, vous avez donc vu qu’il y avait d’autres priorités. Moi, je râle parce que ça ne va pas assez vite.
Cela fait bientôt deux ans que monsieur Macron est venu, et qu’il a lancé « Marseille en grand » (…) Donc quand je viens défendre mon projet, on me répond : « mais tu n’as pas compris, on a d’autres chats à fouetter ». (Vous avez l’impression d’être au deuxième ou au troisième rang des priorités métropolitaines ?) Au troisième rang ? J’aimerais bien… Mais cela n’enlève rien à l’intérêt du projet.
Maintenant, on revient en haut de la pile.
Marc Dufour
Ils avaient tellement de sujets de préoccupation beaucoup plus importants. C’est mon explication pour ces retards. Maintenant, on revient en haut de la pile. Donc ce dossier va aboutir. Il faut quatre ans pour construire un truc comme ça. Je vous le dis : il y aura une avancée significative cette année. Comment je le sais ? Une intuition (rire). Donc la date c’est J plus quatre ans. Deux ans pour les études, et deux ans, voire deux ans et demi pour construire.
Le récent changement de statut du MIN, accompagné d’une résiliation du contrat de gestion de la Somimar, peut-il débloquer le dossier Minopolis ?
M.D : Cela ne vous a pas échappé, la Métropole a voté le 15 décembre dernier deux délibérations concernant le MIN. Une SPL (société publique locale) a été créée, avec deux actionnaires ; la Métropole à 95%, et la Ville de Marseille à 5%. Cela supprime tous les actionnaires privés. La délégation de service publique (DSP) dont bénéficie le MIN de Marseille date de 1972. Elle a été reconduit deux fois par Deferre, puis par Gaudin, et ce jusqu’en 2037. Sauf qu’entre 1972 et aujourd’hui, il s’est passé beaucoup de choses. Et notamment une évolution du droit à la concurrence avec les lois Sapin 1 et 2.
La direction de la concurrence considère qu’avec une DSP qui date de 1972, nous enjambons les lois Sapin. Le MIN n’est pas mis en concurrence alors qu’il devrait l’être. Et donc pour tous les projets du MIN, la Métropole est obligée de créer un avenant spécifique à la convention de base. On en est au 16e. Cela montre bien que le contrat de base ne tient plus juridiquement aujourd’hui.
Donc finalement, plutôt que de faire cela, il existait deux possibilités. Relancer une délégation de service public, avec un appel d’offres européen etc. Ou alors, étant donné que le MIN est un outil public, on fait une SPL et on n’aura plus d’actionnaire privé. Il n’y aura que la Ville. Donc là, on est obligé, chaque fois qu’on veut construire un bâtiment, de demander la permission de faire. C’est très lourd.
On a perdu deux ans, mais je pense que (la SPL) va accélérer le processus.
Marc Dufour
C’est un mal pour un bien. On a perdu deux ans, mais je pense que cela va accélérer le processus. Et ce qu’on n’est pas arrivé à faire, ça se fera d’une manière beaucoup plus fluide. Vous voyez, le processus est en quelque sorte engagé. Je crois que les décisions concernant la plateforme s’en retrouveront facilitées. Il fallait trouver l’accord qui allait bien avec la Ville pour créer la SPL. Et pour après voir comment on peut aller plus loin, mais dans une autre structure juridique. Ce ne sera pas la même. Il y’aura une division de volume.
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