Le mouvement social qui vient d’immobiliser dans sa crasse une partie de la ville, et condamner à l’ignoble 120 000 habitants, fut une fois de plus révélateur d’une situation tragique autant qu’absurde et il força le trait de quelques tenaces aberrations. Où l’on vit le patron d’un grand groupe, Thomas de Richebourg, déposer les armes en rase campagne, après 14 jours de conflit. Où l’on mesura l’impuissance chronique de la Métropole à faire respecter des engagements contractuels. Où l’on constata que Force Ouvrière, malgré la retraite de son adhérent d’honneur, Jean-Claude Gaudin, était toujours là pour avancer ses pions et jouer le « Monsieur bons offices » comme le déclara, sans rire, Patrick Rué secrétaire général des territoriaux. Où l’on mesura enfin l’impuissance de la nouvelle municipalité condamnée à assister en n’y pouvant mais au spectacle, puis à se féliciter sobrement par un tweet de Samia Ghali élue des quartiers touchés, de la fin annoncée du conflit.
La loi PLM – définitivement un déni de démocratie – a permis à des majorités fragiles de perdurer, sans pour autant leur donner les moyens d’agir efficacement.
Alors que nous dit cette nouvelle page de l’Histoire contemporaine de Marseille ? Que cette ville est condamnée aux rapports de force ou aux compromis indignes. Que les élus restent des poids plumes lorsqu’arrive sur le ring quelque poids lourds syndicaux. Qu’une poignée d’irréductibles peut faire reculer une entreprise en prenant la salubrité en otage. Que la loi PLM – définitivement un déni de démocratie – a permis à des majorités fragiles de perdurer, sans pour autant leur donner les moyens d’agir efficacement. Que Marseille revenue à gauche dépend de financements métropolitains, départementaux et régionaux, gérés par la droite. Que l’Etat se tient à distance faute d’avoir à la table des négociations des interlocuteurs solidaires. Il y a fort à parier, sans pour autant s’en réjouir, que les beaux jours sont désormais passés et que déjà, sourdent dans les entrailles de la ville, quelques funestes rumeurs. C’est Jacques Chirac, jamais avare d’une formule à la hussarde, qui affirmait que « les emmerdes, ça vole toujours en escadrille ». Et malgré les bonnes volontés affichées dans la nouvelle équipe dirigeante, on les voit poindre du côté des écoles, des mal-logés, des « territoires perdus de la République ». La pollution, les difficultés des commerces du centre-ville, l’absence d’une ambition métropolitaine pour faciliter la mobilité, la détresse des « invisibles », le désarroi de centaines d’étudiants, grossissent ce peloton de problèmes.
Le jeune maire de Marseille, Benoit Payan, sait tout ça pour avoir été un observateur studieux de l’inertie coupable de la précédente municipalité. Il peut se révéler solide ou déterminé, dans la bataille qu’il devra livrer. Pour autant il ne peut compter que sur ses propres forces. Elles sont chétives, notamment lorsqu’on examine la situation financière de la ville. Et les prochaines échéances électorales, régionales et départementales, ne lui permettent pas d’attendre une quelconque compassion de ceux qu’il a battus. Ils pointent déjà leurs canons sur la ville.
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