Le feu couvait depuis cet été alors que le doute sur l’intégration future des CDD recrutés temporairement, pour remplacer la soixantaine de départs issue de la clause de cession (provoquée par le rachat par CMA CGM à l’automne 2022), commençait à s’instiller.
A la rentrée, ces doutes ont été rapidement balayés. Un comité social d’entreprise réuni fin septembre a été l’occasion pour la direction de pointer l’ampleur des pertes financières du journal (12,5 millions en 2022, près de dix millions estimés en 2023 sur un CA d’environ 50 millions) et donc de la nécessité d’un plan d’économies avec la suppression d’un total de 60 postes sur 610 emplois que compte l’entreprise.
Rodolphe Saadé, invité il y a quelques semaines par le syndicat SNJ, a écouté les inquiétudes de la rédaction. Celle-ci lui a fait par de sa déception alors même que le plan de relance avait soulevé beaucoup d’espoir. Mais hier, mercredi 15 novembre, le couperet est tombé. Le directeur général, Gabriel d’Harcourt, a annoncé une réduction drastique des effectifs avec le non remplacement d’une trentaine de départs, ramenant l’effectif à 155 contre 185 actuellement (voir le communiqué ci-dessous). Ce qui a déclenché immédiatement une très forte mobilisation de la rédaction.
Réunie ce jeudi 16 novembre 2023 en assemblée générale, la rédaction de La Provence dans son ensemble (journalistes, secrétaires, documentalistes, community managers) du siège et des agences s’est mobilisée pour dire un « non » ferme à cette suppression de 30 postes de journalistes.
« À l’issue de cette assemblée, il a été proposé » expliquent les organisations syndicales de la rédaction « de se prononcer par un vote à bulletin secret en répondant à la question suivante : « Êtes-vous favorable à une grève immédiate et reconductible ? » 192 des 214 inscrits se sont exprimés (90% de participation). Avec 170 votes « oui « (20 « non », 1 blanc, 1 nul) la grève a été décidée à une écrasante majorité de 88,5%. Le journal ne paraîtra donc pas demain vendredi 17 novembre. »
La menace des autres services du journal à l’actionnaire
« Ces résultats démontrent la mobilisation de la rédaction pour rejeter massivement un plan social qui ne dit pas son nom et met en péril le redressement de notre titre. Il est illusoire d’espérer produire et vendre un journal de qualité en supprimant 30 postes de journalistes. Comme nous dénonçons l’utilisation galvaudée de la GEPP (gestion des emplois et parcours professionnels, ex-GEPC, ndlr) pour supprimer une trentaine d’autres postes au sein des différents services de l’entreprise » affirme un communiqué des syndicats de la rédaction.
Selon eux, les autres représentants des services du journal (Filpac CGT, SNPEP-FO et Sud) apportent clairement leur soutien à la rédaction : « Ayant bien conscience que cette problématique se posera pour l’ensemble des salariés, nous avertissons notre direction ainsi que notre actionnaire que si le mouvement venait à s’inscrire dans le temps nous n’hésiterons pas à la rejoindre. »
« Qu’on nous laisse le temps de réussir ! »
« Alors que l’entreprise a trouvé un nouveau souffle grâce à la mobilisation de tous les salariés, le recours à la grève est vécu comme un échec. Nous formulons le vœu que la direction entende cet appel unanime et renonce à ce plan mortifère qui nous entraînerait dans une spirale du déclin. Nous réclamons le retour aux engagements initiaux de l’actionnaire : modernisation et investissement sans perte d’emplois en vue d’un retour à l’équilibre à l’horizon 2026. Qu’on nous laisse le temps de réussir ! » implorent les représentants de la rédaction. Le mouvement de grève lancé est inédit par sa rapidité, dans une maison où le dialogue social a longtemps était marqué par la cogestion avec le syndicat FO, anciennement majoritaire. Les temps changent.
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