La semaine précédent les élections régionales et départementales, peu d’habitants ont trouvé dans leurs boîtes aux lettres les fameuses professions de foi de chacun des candidats. Sur les réseaux sociaux, des centaines d’images ont dévoilé des plis brûlés, jetés à la poubelle ou encore dispersés aux quatre vents… Le coupable désigné : la société aixoise Adrexo qui a remporté l’appel d’offres de l’Etat pour la distribution de la propagande électorale dans 51 départements français.
Prévenue par un bon samaritain, je récupère ce soir des centaines des professions de foi adressées à des citoyens du canton de Loiron, dans une poubelle de Laval. Lorsqu’on remplace les services publics par de la sous traitance libérale, la démocratie finit à la poubelle ? pic.twitter.com/DBbArkowar
— Detais Marion (@DetaisMarion) June 1, 2021
Bonjour @Adrexo,
— Yohan Prod’homme (Zoddo) (@yohanprody) June 3, 2021
Sérieusement ? ?
Le plis ont été déposés en vrac, au niveau de l’entrée d’une cour intérieur rue de Nantes à Laval (adresse exacte à disposition par DM).
J’ai rentré le paquet à l’intérieur d’un hall pour éviter que ça s’envole avec le vent pic.twitter.com/wMZQtWFwyl
Les syndicats d’Adrexo avaient prédit les défaillances
Depuis dimanche, le groupe spécialisé dans la livraison de prospectus est la cible de toutes les critiques. Auditionné par le Sénat mercredi 23 jui, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin estime qu’Adrexo n’est « manifestement pas à la hauteur du marché qui lui est proposé ». Un constat a posteriori que les syndicats de salariés de la société ont pourtant décrit il y a plusieurs mois. Dans un communiqué du 21 février du syndicat majoritaire CAT Adrexo, les représentants du personnels alertent déjà : « Pour ces plis, il faudra aller partout, les électeurs sont dans les hameaux, les zones urbaines denses comme dans les zones très rurales et l’entreprise va devoir opérer une préparation sans précédent pour réaliser ce tour de magie. De notre coté, on voit mal, en effet, comment un tel volume de courrier, dans un délai très court, pourrait être distribué correctement », préviennent-ils alors.
Une armée d’intermittents pas suffisamment préparés
Alors que l’entreprise s’appuie sur un réseau de 17 000 salariés distributeurs, elle décide finalement de faire appel à de nouveaux intérimaires pour s’occuper de la distribution des plis électoraux. La plateforme aixoise de recrutement GoJob avait pour mission de trouver 20 000 renforts « mais au final, on ne sait pas combien ont été embauchés », confie un représentant du CAT Adrexo contacté par Gomet’. Selon ce dernier, l’utilisation de ces intérimaires « non formés et mal habitués » au métier de distributeur est à l’origine de la défaillance. Il incrimine ainsi la direction pour ce choix au détriment des distributeurs salariés : « Ce sont des professionnels aguerris et ils étaient tout à fait prêts à assurer le job contre une juste rémunération, assure-t-il. Pour être efficace, il faut payer correctement les gens ». Et d’y ajouter des conditions de travail difficiles avec du matériel défaillant : « les chariots bruyants et dont les roues tiennent par miracle, quand ils existent, les badgeuses et l’ensemble du matériel manquant ne va pas beaucoup aider à aller vers la réussite », dénonce le syndicat.
Quatre mois plus tard, les faits lui donnent raison car force est de constater que l’entreprise a failli à sa mission. S’il est difficile d’estimer réellement le nombre de courriers électoraux non distribués, Adrexo assure avoir remis 44 millions de plis pour le premier tour et estime que le taux de plis non-acheminés ne dépasse pas les 9%. « Nous regarderons si ce chiffre a été minoré », prévient Gérald Darmanin devant le Sénat.
À notre connaissance, les dysfonctionnements dans la distribution de la propagande électorale ont touché 9% des plis.
— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) June 23, 2021
Comme je l’ai déjà précisé, tous les enseignements de ces dysfonctionnements graves seront tirés au lendemain du second tour des élections. pic.twitter.com/LGv0j8YmeV