Un long silence se diffuse dans le « salon d’honneur » du Palais de la Bourse, siège de la Chambre de commerce et d’industrie métropolitaine Aix-Marseille-Provence (CCI AMP), lorsque Jean-Luc Chauvin, son président, passe le pas de la porte. Une vingtaine de journalistes attend ses explications à la suite des révélations du journal La Marseillaise du 2 mars concernant un projet de vente aux enchères de 187 œuvres issues des collections de la Chambre. Quelques jours plus tôt, la CCI avait publié un appel d’offres pour désigner un commissaire-priseur et faire estimer la valeur des oeuvres en question.
Si le projet de vente des œuvres n’est pas encore acté, il a suscité l’émoi de nombreuses associations, de citoyens et d’élus, notamment le maire de Marseille Benoît Payan et le président de la Région Sud, Renaud Muselier. Ce dernier, a réagit dans une missive adresséeà M. Chauvin le 22 mars, dans laquelle il rappelle que « pour être vendus, ces biens doivent faire l’objet d’une procédure de désaffectation et de déclassement qui reconnaîtrait définitivement l’absence d’intérêt public, procédure que vous n’avez visiblement pas engagée » précisant que « toute vente serait frappée d’illégalité ».
Les tensions financières de la CCI AMP mises en lumière
Visé par la polémique, Jean-Luc Chauvin précise d’emblée que les 187 pièces sélectionnées « ont été acquises ou commandées par la CCI » et qu’elles constituent in fine « le patrimoine privé de la CCI ». Or, aujourd’hui la Chambre de commerce n’a plus les moyens d’entretenir sa riche collection de 50 000 pièces qui court « un risque réel de détérioration. »
Cet argument financier était déjà avancé à la fermeture, en 2018, du musée de la marine qu’abritait la CCI AMP au rez-de-chaussée du palais de la Bourse. Le président pointe les restrictions financières qui touchent globalement les CCI de France. Les organes consulaires ont vu leurs subventions divisées par quatre en 10 ans, passant de 1,4 milliard à 360 millions d’euros. Et la CCI AMP n’est été épargnée : ses aides publiques sont passées de 52 millions d’euros en 2010 à 13,7 millions d’euros en 2022, soit près de 40 millions d’euros en moins en 12 ans. De fait, les CCI doivent revoir leur modèle économique et multiplier les sources d’autofinancement.
Quelles solutions se profilent ?
Toutefois, Jean-Luc Chauvin se veut rassurant. Il énumère diverses pistes pour « mettre en lumière les œuvres pour les Marseillais et les Provençaux ». L’élu consulaire annonce la création d’un fonds de dotation ouvert aux entreprises, associations et aux particuliers. Il sera « destiné à la conservation, à l’entretien des œuvres et la gestion des collections ». Les statuts seront adoptés lors de l’assemblée générale de la CCI le 28 avril.
Un comité d’experts a également été mis en place pour « arbitrer les choix stratégiques de la CCI dans la gestion de son patrimoine économique, historique et culturel ». Quelques noms de personnalités qui participent à ce comité ont été dévoilés comme celui de Raymond Vidil, le fondateur de la compagnie maritime Marfret et président de MP culture, de Patrick Boulanger, ancien conservateur retraité de la CCI, d’Adeline Dumont, directrice du Musée regard de Provence, de Patrick Fancello, cofondateur de Marseille Capitale de la mer ou encore d’Elsa Charbit, présidente du Club de la Presse Marseille Provence.
Pour autant, le projet de vente aux enchères n’est toujours pas écarté par la CCI. Un commissaire-priseur évaluera bien la valeur des 187 œuvres dans un double objectif : soitde les vendre, soit d’évaluer le montant nécessaire des dons à récolter à travers le fonds de dotation pour couvrir les frais de conservation des pièces. A ce jour, ni la valeur des œuvres, ni le montant attendu du fonds de dotation ne sont connus.
Un musée maritime à Marseille
L’idée de créer un musée de la marine n’est pas neuve. L’association Patrimoine maritime en Méditerranée (PAMM) ambitionne d’ouvrir son musée en 2023 dans l’ancienne gare maritime de la Major sur 12 000m2. Son président Bruno Terrin, est à l’origine d’une pétition en ligne contre la vente aux enchères. A ce jour, elle a recueilli 850 signataires.
La proposition de Jean-Luc Chauvin est différente dans l’approche. L’élu propose la création d’un Groupement d’intérêt public (GIP) pour que les collectivités et les entreprises puissent financer l’établissement. Il s’appuie sur l’exemple du GIP créé par la CCI de Lyon, propriétaire du Musée des tissus. Il a permis le financement des rénovations du bâtiment et des œuvres par la Région Auvergne-Rhône-Alpes à hauteur de 15 millions d’euros. Jean-Luc-Chauvin attend que « chacun prenne ses responsabilités. » Il espère qu’un musée pourra s’installer « dans le futur port center de Marseille » à l’endroit du futur siège baptisé« Le Phare» du Grand port maritime à la Joliette. Le GPMM qui a confié l’année dernière au Mucem une étude de préfiguration.
Liste des œuvres de la CCI AMP
80 000 ouvrages
5 100 affiches publicitaires
11 867 peintures, gravures et estampes
1 300 objets coloniaux
1 128 objets historiques divers
2 200 médailles et jetons
300 000 tirages et négatifs photographies
60 000 photos (30 000 numérisées)
361 planches, actions et titres
4km de linéaires d’archives
Liens utiles :
> Guerre en Ukraine : la CCI alerte sur les conséquences économiques locales
> [Exclusif] Philippe Korcia écarte Jean-Luc Chauvin de la gouvernance de l’UPE 13