Le Grand port Maritime de Marseille (GPMM) a adopté son projet stratégique au début du mois de mars et Hervé Martel, le président du directoire, commente les grandes orientations pour Gomet’. Parmi les nouveautés, une nouvelle politique d’optimisation des ressources domaniales avec la création de sociétés de participations dédiées.
Vous venez d’adopter votre plan stratégique 2020-2024. Quelles sont les perspectives de reprise de l’activité ?
Hervé Martel : On a perdu au total 13% sur le trafic marchandises et 16% de chiffre d’affaires en 2020. Les institutions internationales prédisent un retour à la situation de 2019 pour le commerce extérieur entre la fin 2022 et le début 2023. La question est de savoir si le monde d’après sera très différent du monde d’avant. Pour le moment, les prévisions tablent plutôt sur une continuité. On l’a vu après la crise financière de 2008, on est reparti dans les mêmes logiques. Nous sommes indubitablement dans une démondialisation un peu lente avec le développement de la production des gaz de schistes aux États-Unis qui tire les prix vers le bas et une Chine qui commence à consommer, libérant ce pays de sa dépendance à l’export. Mais ce mouvement avait déjà commencé avant. Dans notre plan stratégique, on a juste intégré un effet Covid qui retarde de deux ou trois ans nos prévisions initiales.
À terme, le pétrole va disparaître. Ce sera peut-être dans 50 ou 60 ans, mais c’est quasiment sûr
Hervé Martel
Sur le trafic, on ne prévoit pas de grosse augmentation en tonnage dans les années à venir. Globalement, on va avoir moins de vrac et plus de marchandises diverses. À terme, le pétrole va disparaître. Ce sera peut-être dans 50 ou 60 ans, mais c’est quasiment sûr. Et en face, les échanges de marchandises vont continuer d’augmenter, mais plus lentement qu’auparavant. De plus, nous avons une marge de manœuvre modérée sur les droits de ports qui ont beaucoup augmenté ces cinq dernières années.
En résumé, ni les volumes ni les tarifs ne vont augmenter, donc les recettes non plus. Par contre, nos charges, notamment salariales, vont continuer d’augmenter. On a donc l’impérieuse nécessité de trouver de nouveaux relais de croissance.
Où allez-vous donc chercher ces nouvelles ressources ?
On doit mettre en place une nouvelle politique tarifaire en fonction de la valeur réelle de nos terrains
Hervé Martel
H.M : Nous devons aller chercher ces relais de croissances dans le domanial. Aujourd’hui, ces recettes issues de la location de terrain représentent un tiers seulement de notre chiffre d’affaires, quand les grands ports du nord de l’Europe sont à 50 %. Pour autant, nous ne pouvons pas non plus louer beaucoup plus de terrain. Sur Fos notamment, cela ne peut pas être une stratégie durable. Compte-tenu des enjeux environnementaux, on ne peut pas urbaniser à outrance. De plus, ce sont des actifs stratégiques qui ne sont pas extensibles. Il faut donc aménager nos terrains au rythme des besoins mais le plus lentement possible. En revanche, sur les bassins Est, très imbriqués avec le centre-ville de Marseille, nous pouvons faire fructifier notre foncier comme nous avons commencé à le faire avec les Terrasses du Port ou le J1. Et là, nous pouvons jouer sur les leviers tarifaires. Actuellement, les prix reposent sur des conventions historiques qui ont plus de vingt ans. Elles sont basées sur des tarifs totalement en dehors du marché. On doit mettre en place une nouvelle politique tarifaire en fonction de la valeur réelle de nos terrains et ne pas les louer moins cher que ce que ça nous coûte. Enfin, nous travaillons sur de nouveaux outils financiers pour tirer encore plus de profits sur nos prochains projets domaniaux.
Cela veut-il dire que le GPMM se lance dans le promotion immobilière ?
Plutôt que de louer nos terrains aux opérateurs photovoltaïques, nous allons leur proposer de monter une joint-venture sur notre terrain
Hervé Martel
H.M : Non, ce n’est pas notre métier. On reste sur nos activités portuaires historiques, mais le port doit aussi faire monter sa chaîne de valeur. Je m’explique. Par exemple, nous voulons développer des centrales solaires. Plutôt que de louer nos terrains aux opérateurs photovoltaïques, nous allons leur proposer de monter une joint-venture sur notre terrain. Même chose pour l’immobilier. Si on bâtit un immeuble sur un terrain qui n’est pas valorisé, ce dernier va générer de la charge foncière. Le Port gagnera ainsi de l’argent en louant son terrain. Aujourd’hui, on est sur une logique de fonds de portefeuille à long terme avec des rendements de 6 à 8 %. Mais si la valeur actualisée de cette charge foncière est mise au capital d’une société commune créée avec un promoteur, elle sera de fait placée avec un rendement bien supérieur à la simple location. Si des gens peuvent gagner de l’argent à faire des panneaux photovoltaïques, des Terrasses du port, des bureaux, des J1 ou des entrepôts logistiques sur notre domaine, pourquoi on ne jouerait pas avec eux. On a les actifs nécessaires, ils ont le savoir-faire, on est dans une logique de partenariat pour créer ensemble de la valeur et se la partager. Et cette valeur peut être supérieure à la simple charge foncière. Sur l’immobilier, les effets leviers sont importants.
Dans l’immobilier, on peut gagner gros mais il y a aussi plus de risques…
H.M : En effet, en entrant au capital d’une société immobilière, on peut perdre de l’argent. Le risque n’est pas énorme mais il existe. Nous devons donc faire en sorte d’isoler ce risque. Le port est un établissement public et ces opérations doivent à tout prix être sécurisées. Pour ce faire, le port va créer une ou plusieurs sociétés dédiées pour porter ces investissements. Nous sommes en train de travailler sur le montage de ces nouveaux véhicules financiers. Ce sera peut-être une seule société qui s’appellera Port de Marseille Participations, ou deux entités Port de Marseille Immobilier et Port de Marseille Energie, ou même une structure par projet… Nous n’avons pas encore tranché. Ce sont des métiers nouveaux pour nous et cela va mettre du temps à se mettre en place.
Demain la suite de notre entretien avec Hervé Martel
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