La Région Sud organisait jeudi 15 octobre un intense webinaire pour présenter l’ensemble des dispositifs soutenus par la Région (lire notre article), pour comme l’a dit Bernard Kleynhoff, président de Rising Sud en ouverture, « dépasser l’état de sidération » suite au couvre-feu (c’était avant l’annonce du deuxième confinement) et engager un « combat de survie ». Il s’agit « d’un plan de reconquête, de reconstruction » avec cinq chantiers et 18 actions. L’objectif est à la fois défensif, selon le président de la commission économie : « il faut permettre à nos entreprises de traverser la crise » et offensif, car des mesures sont ciblées innovation, transition énergétique et passage au numérique. Ce plan de reconquête marque plusieurs évolutions fortes dans les dispositifs régionaux d’appui aux entreprises.
Le retour des subventions
Depuis les années 2000, toutes les politiques publiques d’appui aux entreprises se sont mutées en crédit ou en garantie, avec un recul des subventions, limitées à quelques bourses ou aides à l’innovation. Le crédit offre un effet de levier plus important avec le même budget et il apparaît plus « vertueux » que l’entrepreneur rembourse, si le succès est au rendez-vous. La pandémie et le recours massif aux reports de charges, comme au crédit (Le Prêt garanti par l’État notamment) ont massivement endetté les entreprises sur du crédit non productif. Bernard Kleynhoff parle justement « du mur de la dette » et appliquant le « quoiqu’il en coûte » présidentiel, il revendique le recours à la subvention « en prenant en compte tous les postes de dépense » de l’entrepreneur.
Le retour du plan
L’idée de plan semblait désuète dans une économie ouverte et mondialisée. Bernard Morel avait, dans nos colonnes, plaidé pour des politiques volontaristes qui s’inscrivent dans le moyen terme, donc pour retour revisité du Plan : « Il faut, écrivait-il, repenser une planification stratégique en l’orientant dans une autre direction que celle d’antan, productiviste et uniquement en termes sectoriels et quantitatifs. » Depuis le Commissariat au plan, penseur de l’aménagement des années gaulliennes, a fait son retour. Et la Région se dote, de facto, d’un plan qui s’apparente à ce qu’étaient les contrats de plan État / Région du siècle dernier. L’engagement est pluriannuel et lie des partenaires nationaux, comme l’Ademe et l’État, aux efforts de la Région Sud.
Le retour du gratuit
Depuis une décennie, les dispositifs d’études, de conseil, d’appui, de missions sont passés à la moulinette du payant, au moins à 50 %. Pôles de compétitivité ou chambres de commerce, associations et collectivités, ont été sommés de faire payer, au moins partiellement leurs services, au risque de déstabiliser le marché du conseil, par un marché parallèle du conseil semi-subventionné. Constatant que cette politique est un frein évident à la mise en place de politiques publiques volontaristes, la région passe pour certains appuis au « gratuit », comme avec le « Coach digital » ou le Parcours Sud industrie 4.0. Une mesure bienvenue, car en période de crise, le chef d’entreprise applique la politique primaire, mais nécessaire du « zéro dépense ».
Les blocages de « de minimis »
Mais ne croyons pas pour autant que les vannes de l’argent public sont ouvertes sans limites. Les aides sont plafonnées par les « de minimis ». Pour ceux qui ne connaissent pas ce filtre cabalistique inventé par l’Union européenne, depuis le 1er janvier 2014, rappelons qu’une société est censée ne pas dépasser 200 000 € d’aides publiques directes en trois ans. La liste alambiquée des aides éligibles, les modes de calculs sophistiqués (bonus des emprunts par exemple) permettront au DAF ou à l’expert-comptable de calculer pour chaque entreprise les « de minimis » disponibles. Cette règle vise théoriquement, à éviter les distorsions de concurrence entre territoires, mais curieusement les distorsions fiscales, qui elles, atteignent des milliards avec le dumping de Chypre, de l’Irlande, du Luxembourg, de Malte et des Pays-Bas , ne sont pas prises en compte. En tout cas, avant de remplir un dossier vérifier le statut de l’aide sollicitée et la situation de votre entreprise.
Une région actionnaire de PME?
Nous publions ci-dessous l’intégralité du support très détaillé de ce webinaire. Nous soulignons ici l’importante évolution de l’intervention en fonds propres. Le prêt participatif RSI Covid géré par Smalt Capital vise à consolider le bilan sans aggraver le poste de la dette qui détériore la cotation et la valeur de l’entreprise. Deux solutions sont sur la table avec chacune des avantages et des questions.
Le prêt participatif, a l’avantage de ne pas être dilutif, d’avoir un taux tout à fait concurrentiel, mais il reste une dette.
L’obligation convertible, elle a l’atout de renforcer le haut de bilan en fonds propres. Si elle est remboursée, c’est le meilleur outil, mais si elle n’est pas remboursée, elle est par définition convertible en actions. Donc avec une transformation du capital. Si le nombre d’obligations converties augmente, nous assisterons à une quasi « régionalisation » (comme hier les nationalisations) des PME. Pour l’instant le RSI Covid est doté de 10 millions d’euros et sa version tourisme, Investour, de 4 millions€. Mais que fera Région Sud Investissement qui détiendra, au nom de l’institution régionale, des actions ? Se rapprochera-t-on, des Bundesländer allemands qui détiennent tous, des participations significatives dans un certain nombre d’entreprises ?