A la fin de l’actuel mois de septembre, Paris devrait livrer les premiers revolvers que pourront porter, dès l’an prochain, les policiers municipaux de Marseille. Selon la convention signée le 4 septembre entre le maire Gaudin et le préfet, en présence du ministre Cazeneuve, 407 armes seront fournies, à titre gracieux, par l’Etat.
A elle seule, la cité phocéenne recevra plus du dixième de l’ensemble des Magnums déclassés (4 000), et qui sont proposés aux villes souhaitant ainsi armer leurs gardiens. Marseille possédera en 2016 la plus grosse police municipale armée du pays.
Avant d’arborer ce revolver à barillet à la ceinture, les agents auront subi une visite médicale et une formation théorique et pratique d’une dizaine de jours, au club de tir de la police d’Allauch. Une attestation préfectorale devrait sanctionner cette aptitude personnelle. La plupart de ces fonctionnaires disposent déjà de pistolet lançant une impulsion électrique paralysante (taser) et d’appareils propulsant des balles en caoutchouc (flashball) : des armes en principe non létales. Ils circulent en voiture ou en deux roues, en vélo ou en gyropode. L’année prochaine une brigade de nuit sera créée et disposera de gilets pare-balles et pare-couteaux, de matraques et bombes lacrymogènes. Coût global de cet arsenal sécuritaire, environ 15 millions d’euros.
Dix grammes de mort
Le calibre 357 comporte six balles métalliques de 10 g pour 9mm de diamètre. Lancé à 350m/seconde (126 km/h), ce projectile peut tuer un cerf (ou un homme) à 70m de distance. Dans le commerce, cet instrument se négocie entre 500 et 600 euros. Les 407 policiers municipaux marseillais ont suivi une formation initiale de six mois (il faut le double, un an, pour entrer dans la police nationale). L’essentiel de leur activité, à en croire les statistiques les plus récentes – celles du premier semestre 2015 – consiste à sanctionner les infractions à la circulation routière, et singulièrement le stationnement illicite. 86 000 contraventions dressées (soit 4 à 500 par jour), et presque 10 000 véhicules expédiés en fourrière (400 par semaine) durant les six premiers mois de cette année. Interrogée par Gomet’, l’adjointe au maire chargée de la sécurité, Caroline Pozmentier, affirme que la formation, les munitions et équipements d’étuis n’entraîneront qu’un surcoût de 100 000 €.
Divergences
Un décret du 2 mai 2015 assouplit les conditions d’accès aux armes mortelles pour ces personnels. La plupart des syndicats réclamaient cet aménagement, bien avant l’exécution d’une policière locale, Clarissa, en janvier dernier à Montrouge, en région parisienne. Dès février, la mairie de Béziers dotait ses neuf “cow boys” d’armes “amicales”. Longtemps, le maire de Marseille a repoussé cette approche. Celui de Lyon refuse toujours vigoureusement d’armer ses 326 agents, considérant que la violence légale doit rester de la seule compétence régalienne de l’état. La ville de Paris n’a pas de police municipale, le préfet capital conservant la responsabilité de l’ordre public.
Doublement d’effectifs
Il y a 20 ans, en 1995, les policiers municipaux n’étaient que 70 à Marseille, soit un agent pour dix mille habitants. Ils sont désormais 1 pour 2 000 . L’effectif a doublé au cours des trois dernières années. Aix en compte une petite centaine, c’est à dire 1 pour 1 500 habitants. La palme régionale, et nationale, de ce ratio, est détenue par une des communes réputées le plus criminogènes de France : Avignon ! (Ici plus d’un uniforme pour mille citadins). Des caméras de surveillance, nombre de villes en veulent aussi, et beaucoup.. Marseille en recense actuellement 651, et prévoit d’en compter 1 000 à la fin 2016.
Questions :
9 communes sur 10 n’ont aucun policier. La plupart des petites localités, mais aussi Paris, Brest, Caen, Créteil, Nanterre ou Le Mans. Plus de quatre mille villes en salarient, pour environ 1 500€ mensuels. Ils sont au total 20 000, sept fois moins que la police nationale (150 000) et cinq fois moins que les gendarmes (100 000). Les spécialistes de ces domaines soulèvent régulièrement trois types d’interrogations concernant l’armement d’agents municipaux. Les voici :1-Comment garantir l’harmonie entre police nationale, gendarmerie, douaniers et autres assermentés avec ces civils soumis à l’autorité d’élus aux mandats forcément limités, dans l’espace et le temps ?
2-Ces 357 magnum manurhin chambrés calibre 9, vont-ils impressionner les voyous trafiquant dans la kalashnikov et le fusil de guerre, voire la drogue à la tonne ?
3- Surveillance et tranquillité de la voie publique, maintien de l’ordre urbain et civique nécessitent-t-ils vraiment le recours aux armes de poing tueuses. Formulé plus trivialement, le shérif a t’il besoin d’un “Six coups” pour verbaliser les voitures mal garées ou les gamins chevauchant la mobylette sans casque ? Seul l’avenir pourra fournir l’ébauche d’une réponse pertinente à ces questions.
(Illustration : signature à Marseille vendredi 5 septembre d’un avenant la convention de coordination entre la police nationale et la police municipale de Marseille en présence du ministre Bernard Cazeneuve. Photo JF Eyraud.)