Les essences de mimosas et de romarin se mêlent aux effluves de raisins. Le premier salon « Vins de Provence Experience », organisé par le conseil interprofessionnel des vins de Provence (CIVP), pose ses valises les 27 et 28 février au Palais du Pharo.
Sur place, près de 200 stands, des plus grands domaines aux plus petites cave de la région, présentent leurs bouteilles. Et en Provence, on voit la vie en rose. Le territoire est en effet le premier producteur de vins rosés au monde, et souhaite le montrer. Si le marché du vin est mûr en France, les viticulteurs et distributeurs de Provence se développent à l’export (40%), tout en montant en gamme.
Le ruban en satin rosé est coupé. Éric Pastorino, le président du CIVP, et Renaud Muselier, le président de la Région Sud, déclarent« ouvert » le premier salon du vin de Provence. L’évènement regroupe les trois appellations d’origine contrôlée (AOC) : le Côtes de Provence (73%), le Coteaux d’Aix-en-Provence (16%) et le Coteaux Varois (11%).
Les deux représentants ont enfilé une écharpe du même coloris : un outil marketing pour valoriser la filière locale de rosé. « Je me souviens de l’époque où il fallait enterrer le rosé. Pour l’Europe, c’était un mélange entre le rouge et le blanc », se rappelle Renaud Muselier, qui a exercé un mandat de député européen entre 2014 et 2019.
À présent, la Région Sud revendique sa spécialisation : 91% des bouteilles de vin produites localement sont rosées, contre 5% pour le vin rouge et 4% pour le vin blanc. « Gardons cette spécificité », soutient le président de région, avant de filer au salon de l’agriculture à Paris.
Le chef marseillais triplement étoilé Alexandre Mazzia se tient à sa droite. Le cuisinier star est une tête d’affiche du salon. Il anime la première conférence au milieu des stands avec son jeune sommelier, Kevin Barbau. Ensemble, ils ont sélectionné trois cuvées pour agrémenter la carte du prestigieux restaurant « AM », installé dans le 8e arrondissement de Marseille : un Château Gibon , un Grand vigne et un Terre des anges, Château paradis. Les verres trinquent, l’émulation se ressent.
La montée en gamme du rosé de Provence
Le rosé de Provence, longtemps relégué au rang du « vin d’été » ou de « piquette », monte en gamme depuis près d’une décennie. « La premiumisation se caractérise par des investissements dans les vignes et dans les caves », précise à Gomet’ le directeur général de CIVP, Brice Eymard.
Un centre de recherche et d’expérimentation sur le vin rosé a été créée à Vidauban (Var) en 2019 pour innover dans la production de rosé. Le projet chiffré à quatre millions d’euros – un investissement nécessaire pour financer la cave expérimentale, le laboratoire d’analyse et la salle d’analyse sensorielle – a été lancé en 2022. La Région Sud a soutenu son lancement à hauteur de 175 000 euros.
Le Centre du rosé participe aux travaux scientifiques engagés dans le cadre de la première chaire de recherche sur les Vins Rosés de Kedge Business School, en partenariat avec l’interprofession des Vins de Provence (CIVP) et la Caisse d’Épargne Côte-d’Azur.
Ce changement de positionnement des vins de Provence s’explique par la baisse progressive de la consommation des Français. Ils boivent moins souvent et privilégie un vin de meilleure qualité. Selon une étude du Kantar publiée en novembre dernier, la consommation de vin a en effet dégringolé de 32% entre 2011 et 2022 en France.
« Nous avons connu un gros succès sur le marché français dans les années 2000. Nous vendions la grande majorité de la production en supermarchés à des prix bas, avoisinant les trois euros la bouteille. Alors que depuis 2010, nous sommes montés en gamme. La vente en grandes surfaces ne représente plus que 25% », détaille Brice Eymard.
Vins de Provence à l’export : +35% entre 2020 et 2021
Cette montée en gamme est soutenue par l’intérêt des pays anglo-saxons pour le vin rosé ces dernières années. « Les marchés américain, australien et britannique se sont ouverts au vin rosé premium. Aux États-Unis, une bouteille de vin de Provence se vend entre 20 et 30 dollars la bouteille, quand le gros du vin se vend entre 5 et 15 dollars », explique l’expert.
De fait, les exportations de vins de Provence ont grimpé de 35% entre 2020 et 2021. « Les exportations ne représentaient que 5% il y a dix ans. Mais aujourd’hui, nous exportons entre 40 et 45% de la production. Et nous allons poursuivre », assure l’organisateur du salon.
Aux États-Unis, le vin de Provence se vend entre 20 et 30 dollars la bouteille.
Brice Eymard
Les petits producteurs s’adaptent à la forte demande
Quant aux petits producteurs, ils préfèrent vendre en local, directement au consommateur via des coopératives. À l’instar du propriétaire du domaine viticole de Fontvieille (Roquefort-la-Bédoule). Ce vigneron, ingénieur de formation, a créé une cave coopérative à Auriol, baptisée Les vignerons du Garlaban, pour permettre aux plus petits producteurs de vendre leur vin.
Il investit massivement dans les machines pour améliorer la production de son vin rosé (L’empreinte) issu de l’agriculture biologique. « En Provence, tout le monde pourrait faire du bio grâce à l’ensoleillement favorable et les faibles besoins en irrigation. En septembre, malgré la sécheresse, j’ai réalisé ma plus grosse récolte », explique le vigneron.
La nouvelle certification HVE ne fait pas l’unanimité
Les vins de Provence sont à 25% issus de l’agriculture biologiques (AB) et 30% engagés HVE (haute valeur environnementale), un label créé en 2012 qui s’applique depuis le 1er janvier 2023. Cette certification serait moins contraignante que le bio, et limite la consommation d’eau, des intrants, des engrais. Mais elle est décriée par certains agriculteurs bio et associations. Ils dénoncent une forme de “greenwaching”.
En janvier dernier, un collectif de sept associations (UFC que Choisir, FNAB, le Synabio…) a saisile conseil d’Etat pour tromperie. Le directeur général, Brice Eymard, promet pourtant : « Notre enjeu est que 100% des vignobles soient engagés dans une des deux démarches d’ici 2030. Il en reste 45% à convertir. »
Liens utiles :
> [Agriculture] Arnaud Montebourg veut relancer l’amandiculture française dans le Sud
> Agriculture durable : 4 start-up récompensées par le Crédit Agricole Alpes Provence