L’Agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise (Agam) a organisé une matinée sur le thème « Adapter la ville » le 5 juillet à La Coque. En tant que grand témoin de l’événement, l’architecte Vincent Lavergne a expliqué comment les architectes, les constructeurs et les promoteurs immobilier doivent adapter la ville pour répondre aux enjeux climatiques.
« Au XXe siècle, on est un peu devenus fous sans se poser de questions… Et aujourd’hui on se réveille. Ce basculement remet en question le rôle de l’architecte. Nous avons été formés comme des artistes mais nous devons adapter la ville et travailler sur le monde existant », explique Vincent Lavergne. Son cabinet d’architecture a ouvert une antenne marseillaise sur le cours Pierre Puget (6e) l’été dernier pour accompagner « l’îlot phare », un projet dans le quartier Les Fabriques qui comprend la réalisation du futur siège régional de RTE et une résidence étudiante.
Pour expliquer l’évolution de l’architecture depuis le XVIIIe siècle, Vincent Lavergne revient sur « les grandes catastrophes » qui ont jalonné l’Histoire : le grand incendie de Londres en 1666, l’épidémie de Peste en 1720 à Marseille, et Le choléra en 1830 à Paris… Autant d’événements ayant modifié la façon de construire la ville. Depuis, les villes de Marseille et Paris ont été assainies avec des plus grandes rues et les constructions en bois du centre-ville de Londres ont laissé place aux constructions en pierre.
L’utilisation du béton armé s’est répandue pendant la deuxième guerre mondiale pour faire face à la demande d’Hitler de construire des fortifications très rapidement sur la façade atlantique, entre la Finlande et l’Espagne. « Le béton a donc été choisi pour reconstruire la France d’après-guerre », souligne l’architecte. A partir des années 60-70, des tours d’immeubles grises sont sorties de terre partout en France, à proximité des centres-villes, y compris à Marseille.
Intensifier la ville avec des surélévations en bois
C’est maintenant au tour du réchauffement climatique de modifier la façon d’imaginer la ville. Les lois climat et résilience et zéro artificialisation nette des sols (ZAN) contraignent l’extension de l’aménagement urbain et poussent à l’intensification. « Le terme d’intensification est dorénavant à privilégier par rapport au terme de densification car on parle d’intensifier les usages », explique Frédéric Bossard, le directeur général de l’Agam.
Dans ce sens, Vincent Lavergne prône la surélévation d’immeubles avec des fondations en bois, qu’il recouvre ensuite de béton. Tel est le procédé que l’agence a utilisé pour concevoir la tour Watt dans le 13e arrondissement de Paris. Dans l’esprit collectif le bois est très coûteux. Mais le professionnel relève que le bois est “seulement” « 6 à 8% plus cher que le béton ».
C’est pourquoi l’architecte plaide pour la restructuration d’une filière bois en France, notamment grâce au bois d’arbres feuillus comme le chêne. Cette matière première permet aussi de répondre à la problématique de l’acceptabilité des projets auprès des élus municipaux qui délivrent les permis de construire. « L’acceptabilité des projets en bois sont bien supérieurs », note l’architecte.
Favoriser la mixité des programmes
La mixité des programmes contribue également une meilleure acceptabilité des projets. « On ne peut plus faire La Défense-sur-mer. Aujourd’hui, la ville c’est l’hétérogénéité des besoins, la ville du quart d’heure où il faut transformer la propriété par l’usage », observe Hervé Gatineau, le directeur immobilier d’Eiffage immobilier. « A terme, ça va créer de la valeur car les endroits seront beaucoup plus agréables à vivre. »
Cette mixité peut également permettre une plus belle écriture architecturale. « Si on ne fait que du logement sur des tours de grande hauteur, ça donne des constructions pas très intéressantes comme celles des années 70. » Par exemple, la future tour M 99 de Constructa a changé de programmation en 2023, sous le crayon de Jean-Baptiste Pietri, alors que le permis a été délivré en 2008.
Sur Smartseille, Eiffage a privilégié des programmations mixtes pour faire revenir la vie sur Euromediterranée (15e). Les immeubles de logements, situés à côté du siège de Free Pro, proposent des pièces modulables. « On peut passer d’un T3 à un T4 en 45 minutes (…) mais ensuite ça prendra 8 mois au bailleur social pour faire les démarches administratives », explique Hervé Gatineau qui pointe de fait « les limites entre les innovations et la réglementation. »
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