Les 57 associations qui sont impliquées dans l’accompagnement des personnes à la rue viennent d’écrire une lettre collective aux pouvoirs publics. L’État, le Département, la Métropole, les maires, l’ARS et la CPAM sont interpellés par tous les acteurs métropolitains du social. Si l’on retrouve les associations solidaires et caritatives comme la Cimade, la Fondation Abbé Pierre, le Secours catholique, le CCFD-TS, des associations locales, des églises sont aussi impliqués avec le Pôle Marseille de la Fédération Protestante de France et la Pastorale catholique des migrants, mais surtout ce sont les grands employeurs du secteur sanitaire et social comme la Fédération des Acteurs de la Solidarité́ (FAS), ou l’URIOPSS (Union Régionale Interfédérale des Organismes Privés à but non lucratif du secteur Sanitaire, Social et médico-social) qui sont en interrogation.
“La précarité ne permet ni d’être informé et protégé, ni de suivre les recommandations des autorités sanitaires”
Les 57 associations
Tous constatent le fossé entre les déclarations nationales et les réalités vécues au quotidien. Les sans-abri doivent « faire face non seulement à l’épidémie de covid-19, mais surtout à̀ des difficultés accrues d’accès aux dispositifs de soins et de reconnaissance de leurs droits à une couverture santé. Des personnes sans domicile, étrangères ou françaises, sont ainsi contraintes de rester dehors dans des conditions insalubres, en l’absence de toute mesure prise à leur égard. Cette situation de précarité ne leur permet ni d’être informées et protégées, ni d’être en mesure de suivre les recommandations des autorités sanitaires. »
Document source : la lettre des associations aux autorités
Dans les organismes d’accueil, CHRS (Centre d’hébergement et de réinsertion sociale) comme Maison d’accueil ou Cada (Centre d’accueil de demandeurs d’asile), les personnels n’ont pas le matériel de protection nécessaire alors qu’ils sont en contact obligatoirement direct avec des personnes qui peuvent venir de zones gravement contaminées comme l’Italie, l’Espagne ou l’Afrique. Les associations proposent donc : « Le soutien et le développement d’équipes de santé mobiles, de consultations médicales adaptées (téléconsultation et en présentiel), avec de l’interprétariat (permanences téléphoniques multilangues et numéro vert). »
300 lieux d’accueil, squats, bidonvilles, campings sauvages, sont des “bombes épidémiques”
Les associations
Florent Houdmon, directeur de la fondation Abbé Pierre reconnaît que les choses changent d’heure en heure et que par exemple l’eau dans les bidonvilles, du moins dans 11 sur 30, sera assurée. Mais il est inquiet pour les 300 lieux recensés qui sont, ou des campements, ou des bidonvilles et où le confinement est impossible avec des personnes à la santé fragile; « il y a dit-il un risque grave de comorbidité, certains lieux, affirme-t-il, sont des bombes épidémiques ».
Les centres d’accueil fonctionnent avec un personnel restreint. Marc Roux président du Centre de la jeune fille Jane Pannier ne dispose que de la moitié de ses effectifs pour faire face à une situation inédite où il faut confiner des personnes souvent déséquilibrées, désocialisées ou addicts aux drogues.
Olivier Landes, le directeur, convient que l’approvisionnement en denrées alimentaires est suffisant, mais qu’il y a un vrai problème pour confectionner les repas qui sont d’habitude faits par les résidentes et pour les porter dans les chambres : la cuisine a été limitée à trois personnes pas plus. Les 57 associations déplorent que « dans ce contexte de fermeture de certains services d’aide alimentaire (lieux habituels de distribution non adaptés et faute d’équipements de protection des équipes), de nombreuses personnes ne parviennent plus à se nourrir. C’est pourquoi il semblerait nécessaire d’organiser un service de préparation et de livraison de repas pour les personnes sans possibilité de cuisiner ainsi qu’un approvisionnement en denrées ou une distribution de bons alimentaires pour les personnes vivants sur des lieux où il leur est possible de cuisiner. »
Réquisition de biens nécessaires pour le confinement des sans-abri
La réquisition des logements annoncée par le ministre du Logement, Julien Denormandie a servi à ce jour à désengorger des unités importantes comme Unité d’hébergement d’urgence de la Madrague où il n’est plus question de dormir à huit par chambre, mais globalement le nombre de lits regrette Florent Houdmon, n’a pas été augmenté sur Marseille.
Les 57 associations demandent donc « que les annonces nationales sur la réquisition de biens nécessaires se traduisent sur notre territoire par des mobilisations rapides de lieux de vie dignes et adaptés aux besoins des personnes, qu’elles soient en famille ou isolées, tels que des biens vacants, des établissements scolaires, des résidences étudiantes ou tout autre lieu adapté permettant de mettre à l’abri les personnes dans de bonnes conditions. Nos associations et collectifs, qui ont déjà adapté leurs services depuis une semaine, pourront envisager la possibilité de s’associer au fonctionnement des lieux réquisitionnés. »
Pour un dispositif de coordination métropolitain
Enfin, les associations regrettent le manque de dialogue avec les autorités, si l’on en croit les trois communiqués que nous avons reçus de la préfecture, du département et de la ville les choses seraient prises en main, mais les acteurs qui sont au quotidien face à la misère cachée de Marseille ne voient rien venir. Olivier Landes le constate, il doit chaque jour rendre compte du taux de remplissage du centre, il a reçu le 25 mars un courrier de la préfecture lui indiquant qu’il avait des masques à disposition pour traiter les cinq lits Halte soin santé (LHSS), mais à aucun moment il n’a pu exprimer les besoins réels.
Une seule réunion a eu lieu effectivement en préfecture (en semaine 12) avec les deux grandes associations d’employeurs la FAS et l’URIOPSS, mais sans qu’aucune suite ne soit donnée pour amorcer un dialogue opérationnel. D’où des actions en silo, qui s’ignorent les unes des autres, ce que déplore le collectif qui « constate qu’aucune mesure de coordination n’a été prise depuis une semaine pour mettre à l’abri les personnes les plus vulnérables. C’est pourquoi nous vous demandons qu’un dispositif de coordination départementale et métropolitaine des acteurs institutionnels soit mis en œuvre et qu’une communication régulière sur les mesures prises par cette instance puisse être instaurée avec les associations et collectifs, signataires de cette lettre, et impliqués au quotidien auprès des publics les plus précaires. »
Nous publions sur les pages suivantes les communiqués de la Préfecture, du Département, de la Mairie de Marseille et la lettre des 57 associations.