La Cité des Transitions, une association marseillaise engagée dans les transitions écologique et socio-économique, organisait mercredi 29 mai à Marseille, en partenariat avec Bleu Tomate Média, Maintenant ! et Gomet’, un débat invitant les principales listes candidates aux élections européennes. L’objectif était de mettre en exergue les enjeux des transitions écologique et sociale. « Les acteurs de la transition écologique préexiste aux politiques, il y a des modalités de coopération à réinventer » a fait entendre en début de débat Xavier Corval, administrateur à la Cité des Transitions.
Les représentants locaux qui ont participé à ce débat sont Antoine Baudino pour La France fière (Reconquête), Mohamed Bensaada pour La France Insoumise / Union Populaire, Lucie Desblancs pour Écologie au Centre, Amine Kessaci pour Europe Ecologie, Pascaline Lécorché, secrétaire générale et représentante pour la liste de Raphaël Glucksmann, Réveiller l’Europe (PS / Place Publique) et Renan Megy pour Besoin d’Europe (majorité présidentielle). Les discussions se sont concentrées sur cinq thématiques principales : la gestion de l’eau et le financement de la transition écologique, l’agriculture et l’alimentation, les mutations du travail et la réindustrialisation, ainsi que la mer, la pollution maritime et la biodiversité marine. Ces thématiques ont permis de structurer le débat et d’explorer les programmes des différents candidats sous plusieurs angles cruciaux pour l’avenir de l’Europe, à quelques jours des élections européennes. Gomet’ fait le récap’.
L’eau et le financement de la transition écologique
Les premiers thèmes abordés, ont été l’eau et le financement de la transition écologique. « Sécheresses, incendies, privatisations et difficultés d’approvisionnement en eau potable, à l’été 2023, 30% de la population européenne n’y a pas eu accès. Si l’Europe n’agit pas, on court vers de graves difficultés, comment vos partis respectifs entendent répondre à cette question ? » a soulevé Frédérique Jacquemin, co-animatrice du débat.
« La gestion de l’eau doit être dans le domaine public » a défendu Mohamed Bensaada, pour la France Insoumise, « c’est un enjeu d’égalité et de dignité, il faut que les premiers mètres cubes soient gratuits pour les populations, les plus gros préleveurs doivent être taxés. Le mythe de l’Europe écologique n’existe pas aujourd’hui, le droit écologique et social doit être contraignant » a-t-il complété.
Pour la liste Reconquête, représentée par Antoine Baudino, « on ne paie pas l’eau en soi mais son accès, quand c’est gratuit c’est que quelqu’un paie derrière, nous pensons qu’il faut une contribution symbolique pour responsabiliser. » Il évoque la nécessité de réparer les canaux, « chaque année, les fissures du Canal de Provence engendrent 30 % de perte d’eau (un chiffre démenti auprès de Gomet’ par la Société du Canal de Provence qui fait état d’un « rendement optimum de 90% » de l’ouvrage hydraulique de la concession régionale), et au niveau national c’est environ 1 milliard de mètres cubes d’eau par an qui disparaît ».
Pour la majorité présidentielle, Renan Mégy n’est pas « persuadé que ce soit la faute du privé puisque dans les 170 communes sur lesquelles il y a un approvisionnement par camion-citerne, il y a de la régie, et tout un travail fait par le Plan Eau (adopté en 2023) qui réduit les pertes d’eau » (lire notre article). Le candidat de la majorité a défendu la réutilisation des eaux usagées traitées notamment espaces verts, une directive votée par l’Europe en 2023 (cela représente aujourd’hui seulement 1 % en France). Pour la liste Réveiller l’Europe (PS), « le prix de l’eau doit être justement bien réparti dans la société, nous revendiquons une gestion publique de l’eau avec des investissements massifs dans les infrastructures hydrauliques. » Pascaline Lécorché plaide de plus pour une collecte et une gestion locale et régionale des eaux, « pour que tous les acteurs soient autour de la table ».
En juillet 2023, la Cour des comptes européenne publie un rapport sur la gestion quantitative de l’eau et démontre que les politiques publiques européennes n’ont pas produit d’effet sur la sobriété énergétique.
Fin du monde contre fin du mois ?
Qui financera les politiques de la transition écologique ? Pour la majorité des candidats présents (Europe Écologie Les Verts, LFI, Écologie au Centre, Réveiller l’Europe), l’Europe financera sa transition écologique en taxant les super-riches. Europe Écologie Les Verts va plus loin en proposant un impôt de solidarité sur la fortune (ISF) climatique. « Nous souhaitons récupérer les dividendes de Total Energies pour financer la transition écologique » développe de plus Amine Kessaci (EELV).
De son côté, la majorité présidentielle défend le Pacte vert, et souhaite recourir à l’emprunt avec un remboursement à très long terme, un retour des investisseurs privés et une mobilisation d’une épargne destinée aux investissements, « un livret A écologique » défend Renan Mégy.
Le Pacte vert pour l’Europe, lancé par la Commission européenne en décembre 2019, vise à rendre l’économie de l’UE durable et climatiquement neutre d’ici 2050. Il inclut des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de promotion des énergies renouvelables, de développement d’une économie circulaire, de protection de la biodiversité, de transition vers une agriculture durable, de décarbonisation des transports et de réduction de la pollution. Le pacte mobilise des fonds publics et privés pour soutenir ces transformations, notamment via le Mécanisme pour une transition juste, afin d’assurer une transition équitable pour toutes les régions et secteurs concernés. Le pacte nécessite 1 000 milliards d’euros d’investissements publics et privés au cours de la prochaine décennie.
Antoine Baudino (Reconquête) diverge des autres candidats, il déclare : « la lutte contre le dérèglement climatique ne se fera pas en Europe mais dans d’autres régions du monde beaucoup plus polluantes. Il faut arrêter de culpabiliser les Européens et de les submerger d’un tsunami de normes et de taxes ».
L’énergie nucléaire, pour ou contre ?
Reconquête vote « pour » le nucléaire, « le seul moyen de limiter les émissions de gaz à effet de serre et d’assurer les besoins en énergie de l’UE ». Pour Réveiller l’Europe, « le nucléaire n’est pas une fin en soi mais une énergie de transition ». Pour EELV, « la priorité est de combattre les énergies fossiles ». Besoin d’Europe (majorité présidentielle) assure que « le nucléaire est indispensable pour allier écologie et pouvoir d’achat ». La France Insoumise vote contre, « il faut sortir du mix énergétique français, le nucléaire est nocif et coûteux ». Enfin, le groupe Écologie au Centre estime qu’« il ne faut pas faire la même erreur que l’Allemagne, la sortie du nucléaire doit se faire progressivement ».
Une agriculture durable et résiliente pour l’Europe
En 2024, les agriculteurs français subissent une crise due à des conditions climatiques extrêmes, des coûts de production élevés, des régulations environnementales strictes, une compétition internationale intense et un endettement croissant. En réponse, ils manifestent pour obtenir plus de soutien, le gouvernement finit par proposer des subventions, des allègements fiscaux et des aides d’urgence.
La PAC, ou “Politique Agricole Commune”, est une politique de l’Union européenne visant à soutenir les agriculteurs, garantir la sécurité alimentaire, promouvoir des pratiques agricoles durables et assurer un développement rural équilibré. La PAC coûte environ 386,6 milliards d’euros pour 2021-2027, représentant 33 % du budget total de l’UE. Elle est contestée pour plusieurs raisons : la répartition inégale des subventions favorisant les grandes exploitations, l’encouragement de pratiques agricoles non durables, la complexité administrative élevée pour les agriculteurs, et des doutes sur son efficacité économique.
Pour Mohamed Bensaada (LFI), « il faut revoir la PAC et donner la possibilité d’une rémunération digne pour les agriculteurs ainsi que la mise en place de prix planchers ». La PAC reste une mesure défendue par la majorité présidentielle qui souhaite la modifier pour qu’elle soit « plus verte, transparente et moins administrative, en réduisant de 25 % les charges administratives », selon Renan Megy. De son côté, la liste de Raphaël Glucksmann (Place Publique) milite pour une « réforme de la PAC » avec l’intégration des enjeux alimentaires. « Nous voulons abolir le financement à l’hectare pour introduire un financement à l’écologie et l’emploi agricole » détaille Pascaline Lecorche. Reconquête défend « la souveraineté alimentaire » et proclame vouloir « militer contre la baisse de la production agricole ». EELV souhaite orienter les discussions « en faveur d’un rééquilibrage de distribution et l’annulation de la dette pour les agriculteurs ainsi qu’un revenu de transition », explique Amine Kessaci. Pour Écologie au Centre, le circuit court est mis à l’honneur, avec une volonté d’inscrire dans la loi la possibilité de verdir les sols et les terrasses « pour que les populations aient accès aux produits de base ». Le parti se dit par ailleurs favorable à la loi Legalim (adoptée en France en 2023, elle vise à renforcer la transparence et la traçabilité des produits alimentaires en imposant aux entreprises de fournir des informations détaillées sur l’origine, la composition et les conditions de production des aliments).
Réindustrialiser l’Europe
La majorité présidentielle entend « soutenir les technologies tout en s’assurant du suivi des matières premières pour sécuriser la filière » développe Renan Mégy. Place Publique (Réveiller l’Europe) s’intéresse à « intégrer des critères écologiques et sociaux » dans la réindustrialisation du pays, en apportant « une aide ciblée aux entreprises qui intègrent une politique RSE ». Reconquête veut « privilégier la préférence communautaire dans les marchés publics et assouplir la législation européenne sur les financements stratégiques des États ». Pour LFI, la priorité serait « d’arrêter les accords de libre-échange, la mise en concurrence des salariés, les fuites de connaissances et la délocalisation. Puis mettre le paquet sur les industries de l’économie circulaire ». Écologie au Centre souhaite « attirer les industriels en France pour la création d’emplois, en finir avec les contraintes administratives et favoriser la commande publique ». Enfin, Europe Écologie Les Verts est « en faveur d’une agence européenne des médicaments pour relancer l’Europe », entre autres, « pour permettre à l’Europe et à ses pays de peser davantage sur les questions géopolitiques sans être dépendants ».
Et quid de la biodiversité marine
La biodiversité marine est un sujet central pour la région. « Nous avons enregistré au mois de février 2024 le record absolu de la température de surface dans les océans, qui est de 21,6 degrés », précise Frédérique Jacquemin. Que proposent les candidats ?
EELV ambitionne principalement de « lutter contre les bateaux de croisière, en leur imposant de s’équiper de filtres à particules fermés ». Pour Besoin d’Europe, la majorité présidentielle, « il faut interdire l’exploitation des fonds marins, verdir les flottes ou mettre en place des “escales zéro fumée” ». Écologie au Centre croit « aux solutions locales comme les capteurs zéro déchets ». Reconquête demeure sur son combat de « conserver la pêche » estimant que « l’homme a un rôle à jouer dans la régulation de la biodiversité ». Pour Place Publique, « il faut interdire la pêche au chalut qui détruit les fonds marins et créer des aires marines protégées ».
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