Niché dans le quartier de Sainte-Marguerite, à Marseille, l’Institut Paoli-Calmettes est l’un des principaux centres de lutte contre le cancer en France. Il reste pourtant discret … Désireux d’accroître sa notoriété et de communiquer davantage sur les avancées dans le domaine, le professeur Norbert Vey, directeur de l’IPC, détaille le bilan de ces dernières années et esquisse l’avenir, alors que le nombre de cancers pourraient bien doubler dans les prochaines années.
Gomet’ : L’Institut Paoli-Calmettes (IPC) a été créé en 1925. Comment a-t-il évolué ces dix dernières années ?
Norbert Vey : Tout d’abord, Paoli-Calmettes est un Espic, un établissement de santé privé d’intérêt collectif. Il relève du secteur privé non lucratif. Actuellement, nous comptons 2000 salariés et 450 chercheurs sur le Centre de Recherche en Cancérologie de Marseille (CRCM ), avec un budget d’exploitation de 350 millions d’euros. En 2010, nous étions à 1200 salariés pour un budget de 150 millions d’euros, il y a donc eu une forte croissance.
Comment s’explique-t-elle ?
N.V. : Cette croissance s’explique par l’importance grandissante de l’épidémiologie du cancer. Le nombre de cancers s’est accru ces dernières années. Cela s’explique par deux facteurs principaux: l’accroissement de la population et son vieillissement. L’établissement a fait ses preuves en termes de qualité de soins, ce qui a contribué à sa renommée.
L’IPC fait partie du réseau Unicancer, qui fédère les dix-huit centres de lutte contre le cancer en France. Il est dominé par l’institut Gustave Roussy et l’institut Curie. L’IPC se trouve entre la 3e et 4e position, en ballotage avec Léon Bérard à Lyon.
« Fight cancer » un bâtiment dédié à la recherche pour la lutte contre le cancer du pancréas
Dans quels domaines êtes vous en pointe aujourd’hui ?
En terme d’excellence mondiale, de la recherche au soin, nos domaines de prédilection sont le cancer du sein ou encore le traitement de la leucémie. Nous sommes d’ailleurs le premier centre de greffe de moelle adulte en France.
Enfin, nous accélérons sur le traitement du cancer du pancréas. Dans le courant de l’année prochaine, nous inaugurerons en face de l’IPC un bâtiment dédié à la recherche contre le cancer du pancréas, nommé Fight cancer (« Combattre le cancer », ndlr) qui accueillera une centaine de chercheurs consacrés à cette tache. Il s’agit d’un projet avoisinant les dix millions d’euros, co-financés notamment avec la Ligue contre le cancer et les collectivités.
Quels sont les enjeux auxquels l’IPC fait face aujourd’hui ?
N.V. : Après cette phase de croissance, nous devons mettre l’hôpital à niveau, pour aborder les années 2030 avec sérénité, et garantir des conditions de travail et d’accueil des patients de qualité. D’autant que le nombre de cancers est appelé à s’accroître : selon l’Organisation mondiale de la santé, le taux de cancers en Europe pourrait augmenter de 22% d’ici 2045. Il y a donc urgence.
Cette remise à niveau passe notamment par une transformation numérique, afin de mieux traiter les données de nos patients et assurer une continuité dans le parcours de soin. En effet, avec le virage ambulatoire, de plus en plus de patients sont hospitalisés à domicile ou dans un établissement partenaire de l’IPC. Cela permet d’éviter la saturation de nos locaux, dont les capacités sont aujourd’hui occupées à 80%. Nous accueillons 45 000 patients sur site en continu, dont 10 000 nouveaux chaque année, avec une aire qui couvre toute la région, de Hyères aux Alpes.
L’hôpital du futur, c’est donc permettre au patient d’être hospitalisé au plus près de chez lui. Nous n’avons pas besoin que tous les patients viennent à l’IPC, mais il nous faut des outils numériques au point pour assurer le suivi du parcours de soin.
Ensuite, nous rencontrons des enjeux communs aux autres établissements hospitaliers, comme la problématique du recrutement : si cela tend à s’améliorer sur le médical, nous rencontrons toujours des difficultés à recruter dans le paramédical. La situation est très tendue. C’est pourquoi il nous faut être attractifs en proposant des facilités d’accès, une crèche, des parkings …
« Un étage dédié à l’accueil des start-up dans l’Institut Paoli-Calmettes »
De nombreuses entreprises biotech locales sont positionnées sur les traitements du cancer, comme Imcheck Therapeutics. Quel lien entretenez-vous avec le monde de l’entreprise ?
N.V. : L’IPC a beaucoup à apprendre du monde de l’entreprise. Nous disposons d’ailleurs d’un réseau entreprises pour financer l’innovation médicale. Cela permet aux entreprises adhérentes de s’inscrire dans une démarche RSE (responsabilité sociétale des entreprises). En outre, l’IPC lui-même fonctionne comme une entreprise, bien qu’il n’ait pas de but lucratif. Nous nous inspirons de modèles du monde de l’entreprise : nous sommes par exemple en train de mettre en place une direction de l’expérience patient, afin d’avoir leurs retours, sur le modèle de l’expérience client. Même si nos patients ne sont évidemment pas des clients comme les autres …
Par ailleurs, concernant l’innovation, l’IPC encourage ses chercheurs à valoriser leurs recherches auprès des entreprises et à les breveter. Nous envisageons de créer sur le site un espace sur le site, dédié à l’accueil des start-up désireuses de progresser dans la lutte contre le cancer. Il faut expliquer que l’IPC est un vecteur d’attractivité pour le territoire.
L’IPC est par ailleurs partie prenante du projet de biocluster dédié à l’immunologie, mené de front avec Aix-Marseille Université, l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille ou encore les collectivités, et qui bénéficie de 96 millions d’euros de l’Etat dans le cadre de France 2030. Pourquoi ce projet est-il important ?
N.V. : Je représente effectivement l’IPC au sein de l’association de préfiguration mise en place pour ce projet. Cela fait sens de mêler l’oncologie et l’immunologie. En effet, le traitement des cancers stimule une réponse immunitaire. Or, un des effets secondaires peut être de déclencher une maladie auto-immune ou infectieuses. Il faut donc traiter ces effets là. A contrario, les spécialistes qui traitent les inflammations utilisent par ailleurs des immuno-suppresseurs qui, à long terme, peuvent entraîner des cancers.
Avec ce projet, nous voulons davantage donner accès aux patients à l’innovation dans ces domaines. L’arrivée de ce biocluster est un levier pour lever les difficultés du territoires en termes de foncier, de transports, d’attractivité … Mais il se base néanmoins sur un tissu industriel et scientifique déjà existant. Ce biocluster n’est pas implanté ici par hasard. Ce qu’on espère, c’est que ce biocluster permettra d’acheminer jusqu’au territoire toutes les avancées qui se font au plan international dans le domaine de l’immuno-oncologie.
En savoir plus :
> Le site de l’IPC
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