Marseille est-elle vouée à devenir une capitale de l’immunologie, la spécialité médicale consacrée au système immunitaire ? C’est en tout cas l’espoir qui anime les acteurs locaux, les collectivités comme les entreprises et les institutions. En mai dernier, le gouvernement a doté la cité phocéenne d’un biocluster dédié à cette thématique, accompagné d’une enveloppe de près de 97 millions d’euros pour le réaliser.
Depuis ces annonces, l’écosystème marseillais s’organise pour donner vie au projet qui serait aujourd’hui « en instance d’être lancé », selon le directeur de l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille (APHM), François Crémieux, contacté par Gomet’. Il ajoute qu’il devrait commencer à fonctionner « courant 2024 », les bases du projet étant déjà existantes avant l’annonce du biocluster. Car ce n’est pas un hasard si la deuxième ville de France s’est vu attribuer la thématique de l’immunologie : « On ne part pas de rien lorsqu’on crée un biocluster. Il y a déjà un travail de recherche effectué depuis vingt ans au sein de l’APHM et de l’Institut Paoli Calmettes (IPC). De nombreuses start-up innovantes sont également présentes sur le territoire. L’objectif est de passer à la vitesse supérieure » poursuit François Crémieux.
Côté gouvernance, la conseil d’administration du biocluster repose sur une collaboration public – privé à parts égales avec Aix-Marseille Université (principal porteur du biocluster), l’AP-HM, l’IPC, le pôle de compétitivité Eurobiomed, les entreprises mais aussi la Métropole Aix-Marseille Provence et la Région Sud, qui ont tenu à s’investir dans le projet. Lors d’une récente réunion du bureau métropolitain, la Métropole a acté la création d’une association de préfiguration, pour lancer les premiers chantiers : « Dans ce type de projet, l’implication des collectivités territoriales est indispensable », affirme de son côté Emmanuelle Charafe, vice-présidente métropolitaine en charge de la santé, qui souligne « l’investissement de toutes les collectivités dans la concrétisation du projet, avec une lettre co-signée par la Région, la Métropole et la Ville de Marseille.»
Lien utile : [Santé] L’Etat dote Marseille d’un biocluster dédié à l’immunologie
50 millions d’euros pour un centre de recherche clinique exploratoire sur l’emprise de l’hôpital Sainte-Marguerite
L’hôpital Sainte-Marguerite devrait être au cœur du projet puisqu’il accueillera l’un des bâtiments du futur biocluster, et pas des moindres : le centre de recherche clinique exploratoire, appelé C2IT, qui prendra place dans un bâtiment neuf sur le site. Un projet qui représente à lui seul « entre 50 et 60 millions d’euros » sur la totalité du budget alloué par l’Etat, précise de son côté Hervé Brailly, président du conseil de surveillance d’Innate Pharma également co-porteur du projet.
Plus précisément, l’argent alloué par l’Etat doit permettre la mise en place et le fonctionnement du futur centre. En revanche, la construction devra se faire aux frais des collectivités. La ventilation des financements n’est pas encore précisée. Concrètement, le C2IT doit permettre la recherche clinique et translationnelle, pour mettre en convergence les champs disciplinaires et médicaux. Par exemple, en mettant à profit l’immunologie dans le traitement des effets secondaires liés aux traitements de cancers. Le futur centre d’essais a d’ailleurs vocation à être un outil de travail commun à l’AP-HM et à l’institut Paoli Calmettes spécialisé dans la cancérologie, situé à côté de l’hôpital Sainte Marguerite. « Le C2IT va être un moteur pour renforcer la recherche clinique marseillaise » se réjouit Hervé Brailly.
L’hôpital Sainte-Marguerite entame sa mue
Si le C2IT prendra ses quartiers dans un bâtiment neuf, les bâtiments « anciens » de Sainte-Marguerite cherchent aussi leur nouvelle vocation. Un appel à projets doit encore être lancé pour déterminer ce qu’elle sera. Si le projet d’une pépinière d’entreprises est toujours évoqué par François Crémieux, ce n’est pas la seule activité qui comblera les quatorze hectares du site. Ainsi, dans le cadre du plan de rénovation de l’AP-HM, l’unité de soins palliatifs actuellement localisée à la Timone doit être déplacée à Sainte-Marguerite, à la place un service d’oncologie. Par ailleurs, l’école d’infirmières actuellement installée dans Sainte-Marguerite sera aussi déplacée. Il est donc question d’implanter une autre activité de formation sur le site. « Le calendrier nous mène jusqu’en 2030 à la fois pour le projet de bâtiment du biocluster et l’ensemble du programme de rénovation sur Sainte-Marguerite » conclut François Crémieux.
Ce C2IT ne constitue cependant qu’une partie du projet global de biocluster. « Cela n’aurait pas eu de sens de tout regrouper à Sainte-Marguerite» explique François Crémieux. « L’idée initiale est de construire un campus sur le modèle de celui de Boston dans lequel des acteurs académiques et industriels, ou publics et privés viennent se coordonner. Les académiques sont plutôt concentrés à Luminy, où à l’Institut Paoli Calmettes et la Timone. »
Le projet comporte aussi le développement de plateformes technologiques consacrées à la découverte de nouveaux médicaments. Ce projet de plateforme est piloté directement par Aix-Marseille Université. Daniel Olive, co-fondateur d’Imchek Therapeutics, professeur des universités et praticien à l’IPC, est l’un des principaux co-porteurs du projet de biocluster, pour la partie académique. Il précise la nature de ses futurs outils : « Trois plateformes seront créées pour concentrer idéalement au même endroit tous les outils de dernière génération. Nous avons visité un site sur Luminy qui pourrait les accueillir – pour avoir des synergies entre elles. » La première plateforme, B-Screen, qui abritera une machine permettant d’isoler les lymphocytes B (une composante majeure du système immunitaire) des patients pour les tester – une première en France – doit démarrer en 2024.
Lien utile : Modernisation de l’APHM : « Nous sommes dans une impasse financière » (François Crémieux)
Les laboratoires Servier et Sanofi rejoignent le projet de biocluster
Concrètement, le MIB a vocation à attirer les entreprises et chercheurs du monde entier. Preuve de l’intérêt que suscite le projet : les laboratoires Servier et Sanofi ont déjà rejoint l’aventure et projettent d’utiliser les équipements du futur biocluster pour développer leurs médicaments et être au plus près des start-up et chercheurs. « Un quart du budget total de 97 millions est consacré au développement de ces plateformes » spécifie Hervé Brailly. Ces plateformes doivent permettre à Marseille de devenir une place forte dans le développement de « candidats médicaments » et d’anticorps monoclonaux et d’explorer aussi des domaines plus émergents comme les thérapies cellulaires. Trois domaines en lien avec l’immunologie seront approfondis : l’immuno-oncologie, pour le traitement des cancers, les maladies auto-immunes, et l’infectiologie.
Marseille Immunology Biocluster a donc vocation a devenir un hub mondial de référence dans ce domaine : « Même si on s’appelle Marseille Immunology biocluster, la plupart des projets qui nous permettent de démarrer proviennent d’autres villes de France. On a réussi à fédérer au niveau national, aussi bien à Paris, qu’à Toulouse, Montpellier ou le CHU de Brest, qui va travailler avec l’AP-HM. » A terme, le biocluster doit susciter deux milliards d’euros de retombées économiques.
Liens utiles :
> Le communiqué de presse concernant la création d’un biocluster à Marseille sur le site de l’APHM
> Le pôle Eurobiomed organise la 2e édition des rencontres de l’immunologie à Marseille
> Hôpital Sainte-Marguerite : le projet d’une pépinière d’entreprises relancé
> Notre rubrique santé