L’abstentionnisme des élections des régionales et des départementales en 2021 atteint l’un des plus gros records de la Vème République. En effet, 68% de l’électorat français s’est abstenu, dont 87% des jeunes de 18 à 25 ans. Alexis Massart, directeur d’Espol à l’Université catholique de Lille, spécialiste de l’étude des partis politiques, de la droite et du centre, donne des pistes de réponses.
Que pensez-vous du fort taux d’abstention au niveau national ? Que cela révèle-t-il de l’électorat français ?
Alexis Massart : Le taux d’abstention peut révéler plusieurs choses : tout d’abord, une crise sociale avec les gilets jaunes mais aussi une crise sanitaire qui font face à une crise démocratique. De plus, ce cas est un record absolu. Les deux tiers des électeurs ne se sont pas déplacés. Mais nous ne pouvons pas le justifier par une explication conjoncturelle comme la fête des pères, le premier jour de déconfinement, la fin du couvre-feu… L’abstention est un phénomène ancien qui s’accentue. Elle démarre en 1980 avec un décrochage entre le politique et le citoyen. Le phénomène débute sans arriver à ce stade. Pour moi, la classe politique est responsable mais pas forcément le pouvoir et le gouvernement en place, mais aussi les gouvernements qui se sont succédés depuis les années 80. De plus, l’électorat Rassemblement National (RN) se banalise avec son côté protestataire et sa stratégie de dédiabolisation. Mais, l’abstention touche tous les candidats et leurs résultats. De plus, l’absence de réelle campagne électorale et les élections présidentielles dix mois après les régionales et les départementales ne facilitent pas la chose. Cela n’a pas aidé la communication avec les électeurs surtout sur les pouvoirs de la région et des départements (par exemple la sécurité n’est pas une compétence de la région, il y a ici une dimension nationale de présidentialisation).
Que cela peut-il révéler du vote en général ? L’élection démocratique est-elle démodée ?
Si nous avons des pépites numériques pourquoi ne pas les utiliser pour la sécurité du vote ?
Alexis Massart
A.M : Je ne dirai pas démodée mais il doit y avoir une réflexion sur le fonctionnement de la démocratie et de ses outils. Une piste à explorer, par exemple, est la démocratie numérique, mais qui ne touche pas au mouvement électoral, qui touche seulement à la création d’outils. Il faudrait qu’il y ait la création d’un propre réseau pour rétablir un lien. Il faudrait envisager une modalité d’élection autre que celle que l’on connaît comme le vote par correspondance. Il faut multiplier les moyens de vote et ne pas résumer le vote au jour de l’élection. Macron, en 2017 avait parlé de la “French Tech”. Si nous avons des pépites numériques pourquoi ne pas les utiliser pour la sécurité du vote ?
Comment les institutions peuvent-elle se relever de l’abstention?
A.M : Récemment, il y a eu une réforme institutionnelle, c’est-à-dire une clarification des institutions mais il existe encore une multiplication d’institutions. Il y a donc un millefeuille institutionnel qui n’est pas suffisamment lisible. De plus, la vie politique est en train de se scinder en France comme on peut le voir avec les élections présidentielles. Mais, le duel Macron-Le Pen ne tient plus car ce sont leurs parties qui ne sont pas réélus pour le deuxième tour des régionales.