C’est peut être un précédent juridique que s’apprête à créer le tribunal maritime de Marseille : la reconnaissance du préjudice écologique dans une affaire concernant des mouillages illégaux et l’arrachage de posidonie par des navires. Cette reconnaissance est en tout cas réclamée par France Nature Environnement (FNE) Provence-Alpes-Côte d’azur et la Ligue de protection des oiseaux (LPO) Provence-Alpes-Côte d’azur. Si la décision de justice reconnaissait le préjudice écologique, ce serait une première concernant la posidonie, mais FNE Paca a déjà obtenu la reconnaissance de cette qualification juridique pour la destruction de tortues Hermann en 2021, dans le Var. Les deux associations ne lâchent pas le combat et ont tenu un point presse, vendredi 26 janvier, à quelques minutes de l’ouverture d’une audience au tribunal maritime de Marseille. Les réclamations de préjudice écologique concernent deux yachts accusés d’avoir arrachés de la posidonie. A l’origine, deux audiences étaient prévues mais l’une d’elles, portant sur le navire “Résilience”, a été reportée.
L’audience marseillaise concernait plus spécifiquement le navire “Take-Off”, accusé d’avoir à plusieurs reprises labouré 984 mètres carré de champ de cette précieuse plante aquatique en mouillant illégalement l’ancre entre Cannes et St-Tropez, de 2021 à 2022. Le capitaine du navire a déjà été reconnu pénalement coupable en octobre 2023 par le tribunal maritime de Marseille et condamné à une amende de 20 000 euros ainsi qu’une interdiction de naviguer d’un an. La défense a interjeté appel de ce jugement.
FNE Paca et la LPO demandent le versement de fonds à l’Agence de l’eau pour la réparation écologique des posidonies
Ce 26 janvier, l’audience portait sur les intérêts civils, le préjudice moral mais également cette reconnaissance d’un préjudice écologique. « L’intérêt du préjudice écologique, c’est qu’il permet d’obtenir des financements qui seront directement fléchés vers la réparation du préjudice », explique Nathalie Chaudon, présidente de FNE Paca. En l’occurrence, les associations demandent à ce que cet argent soit versé en grande partie à l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, qui dispose de l’expertise pour mettre en œuvre des solutions de réparation écologique.
FNE et la LPO ont fait les comptes : selon leurs calculs, le préjudice écologique se chiffrerait entre 213 000 et 246 000 euros. Ces montants sont estimés selon deux méthodes (voir les explications en document source) : l’une d’elles s’appuie sur la valeur écosystémique de la posidonie, en fonction des nombreux services qu’elle rend naturellement – préservation de la biodiversité et du trait de côte, absorption du CO2 – mais aussi le temps, très lent, de repousse, au moins 25 ans. Avec cette approche, le total du préjudice écologique est estimé à 213 323 euros. L’autre méthode s’appuie davantage sur le coût d’une réparation écologique grâce à la transplantation d’herbiers de posidonie. Une technique très coûteuse – FNE Paca estime le coût global à plus de 246 000 euros – et qui ne fait pas systématiquement ses preuves, dans le cas où les boutures de posidonie ne prennent pas. « Dans tous les cas, on n’arrivera pas à revenir au même niveau de posidonie qu’avant destruction, mais ça permettra au moins d’éviter d’éroder encore davantage. Mais c’est surtout l’action en amont des destructions qui est importante », précise Anne-Lise Muller, chargée de mission Eau, mer, biodiversité au sein de FNE Paca.
Lire notre hors-série sur l’économie bleue
Interrogé au début de l’audience, l’avocat du capitaine, Maître Arthur Gibon – qui représentait ce jour-là son confrère Me Rosato – ne se prononce pas sur le préjudice écologique et plaide la bonne foi de son client : « Nous allons d’abord statuer sur le pénal et demander le renvoi au civil. […] La réglementation en matière de mouillage est très touffue et les arrêtés préfectoraux varient énormément. Il n’y a aucune cartographie claire mise à jour pour connaître les zones de mouillage autorisées. Il [le capitaine, ndlr] est en outre en limite de zone. » L’avocat assure également que les dégâts précis n’ont pas été constatés sur place et que la position de l’ancre n’a pas été relevée. L’affaire a finalement été renvoyée, ce vendredi 26 janvier. Le délibéré, quant à lui, sera rendu le 23 février prochain.
Document source : Le dossier de presse de FNE Provence Alpes Côte d’Azur
Liens utiles :
> Ce soir sur France 2, FNE défend la « protection des petits fonds côtiers de Méditerranée »
> Saint-Mandrier (Var) : des associations dénoncent le réensablement des plages
> L’interview de Nathalie Chaudon (FNE Paca) sur “Planète locale” en replay
> Notre rubrique environnement