Benoît Payan, l’homme qui a parlé à l’oreille du pape. Feu Jean-Claude Gaudin doit se retourner dans sa tombe, lui qui a multiplié sa vie durant les allers-retours entre Marseille et Rome et s’est courbatu en génuflexions pour obtenir du souverain pontifical une visite au pied de Notre-Dame. Les voies du Seigneur étant impénétrables, on se contentera de constater que c’est un socialiste laïc qui aura finalement reçu, comme un pope star, François 1er au Vélodrome et, à défaut d’eau bénite, se sera laissé éclabousser avec jubilation par la ferveur populaire qui aura en partie eut quelque influence sur les récents sondages.
Le maire de la ville française la plus grecque de l’Hexagone a du coup révisé à la hâte son latin, pour aller saluer à Ajaccio ce jésuite plus enclin à se frotter au peuple plutôt que d’aller saluer les ronds de fesse convoqués par Emmanuel Macron pour célébrer la résurrection de Notre-Dame de Paris. Benoît et François, si l’on en croit les images insulaires, ont eu plaisir à se revoir, le second glissant au premier nous rapporte-t-on, « tu te souviens de Marseille ? ». Cette question valait toutes les onctions pour le Premier magistrat de la cité phocéenne, ravi de n’avoir pas à faire quelque chemin de Damas pour obtenir ce satisfecit du chef d’Etat pontifical. Le roman local est cruel si l’on se souvient qu’une certaine Valérie Boyer, sénatrice LR, se préoccupant du sort des Chrétiens d’Orient, avait emprunté ce chemin derrière Thierry Mariani (RN) pour aller tendre la main à un certain Bachar El Assad. Passons et constatons que l’histoire repasse parfois des plats amers pour ceux qui s’égarent.
Revenons donc à Benoît Payan et puisqu’il bénéficie de la mansuétude du suzerain romain, alors que se manifestent de plus en plus bruyamment des volontés de le faire choir de son piédestal, posons-nous comme Joseph Staline en 1934 à propos du Vatican, la question qui taraude certains, à moins de deux ans des municipales : « Payan c’est combien de divisions ? ».
Benoît Payan, un « bon client » qui sait faire court
Sa communication plutôt efficace en a fait, comme on le dit chez les professionnels de l’information, un « bon client ». Il sait faire court, montre une propension certaine à éviter les questions de fond, se multiplie, suivi des micros et caméras, partout où on attend le maire d’une ville pauvre et cosmopolite. Il a ainsi eu les mots justes qui ont touché les sinistrés de la rue d’Aubagne. N’a pas surenchéri aux propos va-t-en-guerre d’une Samia Galli en appelant pour les « quartiers shit » (Ndlr : expression consacrée par Philippe Pujol Prix Albert Londres) à l’armée, ou Gérald Darmanin singeant le ton d’un Charles Pasqua qui promettait en son temps de « terroriser les terroristes », avec l’insuccès que l’on sait. Il évite enfin de s’en prendre frontalement aux snipers de Renaud Muselier, dont le directeur de cabinet, Romain Simarrano, qui estime que la ville est « embourbée dans l’immobilisme ».
Pour autant, même s’il peut paraître habile de « donner du temps au temps », formule empruntée à Cervantes, alors qu’on l’attribue souvent à François Mitterrand, le maire de Marseille sait qu’il convient d’ores et déjà et sans tintamarre, de mettre ses divisions en ordre de marche. Il croit pouvoir compter sur un PS convalescent que dirige un de ses proches, le fidèle Yannick Ohanessian. Il ne craint pas outre mesure le PCF, un ancien grand corps toujours malade, qui, derrière son adjoint à la culture Jean-Marc Coppola, ne se hasarde pas à faire trop de cinéma.
Il devra par contre resserrer les rangs qui se sont distendus avec d’autres forces de gauche. Une mobilisation est en train de naître autour du programme du Nouveau Front Populaire. De Nice à Sète, elle rassemble ceux qui estiment, notamment après la faillite du macronisme, que le danger d’un rassemblement national raflant de nouvelles villes dans le grand Sud est probable. On y trouve des militants communistes, socialistes, et bien sûr insoumis.
Un cocktail qui, on s’en doute, doit être observé avec perplexité par un Benoît Payan que Le Monde qualifiait un temps de « pur produit de l’ancien système ». « L’élu local le plus influent de France sur Facebook », selon une étude, est cependant convaincu que les réseaux sociaux sont aujourd’hui plus efficients que les militants encartés qui, regroupés en collectifs ou non, aspirent à une nouvelle union des gauches.
Payan a été également, rappelons-le, porté indirectement au pouvoir – après l’éphémère gouvernance de Michèle Rubirola – par ce que l’on appelle « la société civile ». Des associations peu représentées au final parmi les élus, qui rêvent à la manière de quelque hirondelle de refaire un Printemps marseillais. Mais les miracles se reproduisent-ils ? Seul François est qualifié pour répondre à Benoît.
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Questions de politique : Benoît Payan (PS) prône le “rassemblement” pour gagner Marseille