Le patron de l’Insee Jean-Luc Tavernier n’est pas sûr de ses prévisions. Il a bouleversé la parution de la traditionnelle Note de conjoncture de mars pour donner des tendances qui font hésiter le statisticien : « C’est peu de dire que ce que nous présentons aujourd’hui est fragile, susceptible d’être révisé. D’abord parce que nos méthodes dans une telle situation ne sont pas éprouvées : c’est inédit dans l’histoire de l’Insee. C’est fragile aussi parce que la situation elle-même est très évolutive… pour incertain et imprécis qu’il soit, il m’a semblé que donner ce premier ordre de grandeur était préférable à ne rien dire du tout. »
Avec cette prudence, le désormais « point de conjoncture » relève déjà que l’enquête de conjoncture de mars qui a débuté le 26 février 2020 et dont le dépouillement a été finalisé le 23 mars 2020 révélait que le climat des affaires avait perdu 10 points, la plus forte baisse mensuelle de l’indicateur depuis le début de la série en 1980. Les indicateurs de climat des affaires se dégradaient considérablement dans les services (-14 points) et dans le commerce de détail (-13 points). Ils se détérioraient également dans le commerce de gros (-5 points) et dans l’industrie (-3 points). Les perspectives générales d’activité dans chaque secteur étaient jugées en nette baisse : les soldes d’opinion correspondant perdent 15 points dans les services, 25 points dans le commerce de détail, 33 points dans l’industrie et dans le commerce de gros.
Conjoncture : la perte d’activité actuelle estimée à 35 %
Mais l’Insee se livre à un exercice plus urgent : estimer la perte d’activité économique liée à la crise sanitaire en cours. En agglomérant les données de sources plus larges, l’Institut constate que « la perte d’activité économique est actuellement estimée à 35 % par rapport à une situation normale » mais avec de grandes inégalités selon les secteurs :
Consommation de services marchands – 33 %
Consommation de services non marchands – 34 %
Consommation des ménages en produits agricoles et agroalimentaires + 6 %
Consommation de nombreux biens de l’industrie manufacturière -60 %
L’Insee projette deux scénarios :
Un confinement d’un mois qui ferait baisser le PIB trimestriel de 12 points et le PIB annuel de 3 points.
Un confinement de deux mois, le plus probable à ce jour, qui induirait une évolution négative du PIB de 6 points.
Le gouvernement et les banques ont intégré cette donnée, fut-elle empirique : les entreprises vont perdre entre deux et trois mois de recettes. Pour freiner cette chute et éviter qu’elle entraîne la disparition du tissu entrepreneurial français, les banques de la Fédération bancaire française, en collaboration avec BPIFrance (lire par ailleurs), ont lancé mercredi un dispositif permettant à l’État de garantir à 90%, 300 milliards d’euros de prêts soit près de 15 % du produit intérieur brut français.