Les matériaux biosourcés peuvent-ils représenter un avantage pour atteindre cette neutralité carbone ? Comment évaluer leur usage ? À quel stade du projet est-il nécessaire de prendre en compte les solutions biosourcées ?
De plus en plus d’élus de notre territoire privilégient la commande de bâtiments durables dont les études de conception et les choix de matériaux participent au respect des critères de ces objectifs. Avec des matériaux locaux, l’empreinte carbone du bâtiment est réduite et participe à l’émergence de filières locales et à la création d’emplois sur son territoire. Si les matériaux sont biosourcés, on « stocke » du carbone pendant toute la vie du bâtiment.
Les autorisations techniques, le savoir-faire de mise en œuvre et la disponibilité de ces matériaux biosourcés ont considérablement augmenté en dix ans : les professionnels du bâtiment sont à disposition des collectivités pour les accompagner vers ces choix d’avenir. Ces choix doivent intervenir dès la rédaction de l’appel d’offres à maîtrise d’œuvre et mieux encore dès la programmation, pour promouvoir les filières locales de matériaux biosourcés et encourager, par exemple, la construction d’une scierie à côté d’un projet de salle des fêtes qui pourra être réalisée en bois local avec des essences présélectionnées.
L’offre de matériaux biosourcés locaux est en plein essor, notamment pour les isolants, avec la paille de riz, la balle de riz, le chanvre, le bois, etc. Le réseau Fibraterra animé par Envirobat BDM suit ces sujets de près. S’il paraît parfois complexe d’encourager ces matériaux par le biais de la commande publique, les solutions techniques et juridiques existent et Envirobat BDM y travaille depuis plusieurs années avec les acteurs publics.
Quel rôle pour les économistes de la construction ?
Seul on va plus vite, mais ensemble on va plus loin ! D’où l’importance du retour d’expériences sur les bâtiments et les nouvelles technologies mises en œuvre : investir dans les études de conception de son bâtiment, c’est mettre plus d’intelligence collective au service des usagers. Pour faire aboutir un projet cohérent sur le plan environnemental et économique, c’est toute la chaîne interprofessionnelle que l’on met autour de la table : les élus, les agents des collectivités, les services de maintenance, les usagers, les services juridiques, l’architecte, l’économiste, le bureau d’études, le paysagiste et, c’est fondamental, les futurs usagers. Dès que possible, il faut aussi associer les entreprises, la cheville ouvrière d’un projet réalisé dans les règles de l’art, en chantier propre. Bien sûr, pour animer un tel dialogue, il est préférable d’avoir une feuille de route commune. C’est pourquoi nous proposons régulièrement la démarche Bâtiments durables méditerranéens aux maîtres d’ouvrage.
Les économistes de la construction ont un rôle moteur dans cette approche car ils positionnent chaque opération dans un budget global d’investissement. Leur expertise est essentielle dans les étapes de programmation pour bien estimer la part incontournable d’une démarche de qualité, tant dans les coûts d’études et de travaux que dans les opportunités réelles d’économies par des stratégies immobilières progressives (plan pluriannuel d’investissement), des phasages habiles et sereins pour les réhabilitations en site occupé ou encore la prise en compte de la complexité de toute opération où l’habitude de morceler les interventions et les budgets concourt le plus souvent à défaire des ouvrages dans la dizaine d’années suivant la première intervention pour pouvoir faire face aux évolutions réglementaires. La force d’une approche globale est de pouvoir agir sur le long terme en ajustant les programmes de travaux aux besoins et aux capacités financières des communes. D’ailleurs les financeurs le savent aujourd’hui et soutiennent les projets réplicables et compatibles avec les capacités à financer du porteur de projet.
Qu’apportent une labellisation et une démarche BDM à une collectivité locale ?
La démarche BDM offre un cadre participatif et souple qui permet d’accompagner les collectivités territoriales dans leurs projets de bâtiments et d’aménagements depuis plus de dix ans. Celle-ci a évalué près de deux millions de mètres carrés pour identifier des systèmes constructifs bas carbone, des technologies performantes et des espaces agencés dans le but de s’adapter dans la durée, à la fois aux besoins des habitants et au changement climatique. Elle permet aux décideurs locaux de s’appuyer sur un réseau de professionnels du développement durable qui se nourrissent en continu des retours d’expériences des projets BDM. Elle s’adapte à la taille des projets et à chaque territoire (littoral, arrière-pays, montagnard) avec des critères adaptés à chaque contexte et définis par des experts de la construction durable représentant l’ensemble des acteurs de la filière.
De plus, cette démarche valorise le travail des équipes et des élus qui viennent présenter leur projet devant leurs pairs par des échanges et retours d’expérience qui nourrissent les propositions de chacun. Elle vient poser un cadre qui mobilise l’ensemble des acteurs et permet d’optimiser le projet grâce aux apports bienveillants et constructifs d’une commission interprofessionnelle. Enfin, cette démarche exige d’intégrer une approche en coût global des opérations pour intégrer dans le budget du maître d’ouvrage et du preneur, les coûts de maintenance, d’entretien, de rénovation ou de remplacement des systèmes techniques.
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