Gomet’ apporte sa contribution en prélude au Congrès mondial de la nature avec la publication de dix avis d’experts de notre région qui éclairent à partir de leur expérience et de leurs analyses les problématiques territoriales. Ces textes ont été publiés dans notre Guide de l’élu éco-responsable qui a été adressé cet été à 752 décideurs de notre territoire. Pour ce troisième épisode, Dominique Robin, directeur général d’Atmosud Paca, expert, dresse les grandes lignes des leviers d’actions des municipalités pour améliorer la qualité de l’air.
Dominique Robin
De formation universitaire scientifique, en chimie, puis en sciences de l’environnement, il entre au sein de l’organisme de surveillance de la qualité de l’air de la Région Sud Airmaraix en 1995. Ses missions portent, dans un premier temps sur l’extension de la surveillance de la qualité de l’air aux départements du Var et du Vaucluse, suite à la promulgation de la Loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie. Il prend ensuite la responsabilité des études, puis une direction adjointe. Il coordonne localement le projet Escompte portant sur la pollution photochimique. Il se consacre ensuite aux polluants émergents. Depuis 2006, il prend la direction d’AtmoSud. Il dirige une équipe de soixante personnes sur trois établissements (Marseille, Martigues et Nice).
L’air concerne l’ensemble des communes, ce n’est pas parce que l’on est une petite ville que l’on n’est pas touché par la pollution aérienne. Les maires doivent donc se mobiliser au maximum pour le bien-être de leurs concitoyens même si pour être honnête, les institutions qui disposent de plus de pouvoirs en la matière, ce sont les métropoles et l’Union européenne. En attendant, les maires peuvent agir et disposent de plusieurs leviers d’actions.
Les vieilles cheminées sont de gros pollueurs
Le premier levier est technologique. Il faut promouvoir les outils les plus propres aussi bien auprès des industriels, que des moyens de locomotion ou encore sur le chauffage. J’insiste sur ce dernier point car les cheminées sont responsables d’une très grosse partie de la pollution aérienne. À Marseille, elles représentent 40 % des émissions de particules fines en hiver et ce chiffre monte à 50 % dans le pays d’Aix. C’est un problème qui ne concerne pas que les grands centres urbains. Les chauffages à bois non-équipés sont encore trop nombreux dans les campagnes et le risque est important pour la santé des habitants. Le bois est une énergie renouvelable intéressante, mais s’il est brûlé par une technologie précaire, comme une cheminée classique, les dégâts sont importants. Le maire doit communiquer auprès de ses administrés sur les solutions existantes pour changer de système de chauffage. Par exemple, le département des Bouches-du-Rhône et l’Ademe proposent la prime « Air bois », pouvant aller jusqu’à 1 000 euros, pour l’acquisition de matériels de chauffage au bois à haute performance environnementale. Cette aide s’adresse aux propriétaires occupants de leur logement achevé depuis plus de deux ans résidant dans les Bouches-du-Rhône et se chauffant exclusivement ou partiellement au bois. Elle permet ainsi de s’équiper d’un appareil labellisé « Flamme verte », le seul désormais répondant aux normes environnementales souhaitées.
Pour les transports, il existe évidemment la prime à la reconversion de 7 000 euros pour l’achat de véhicules électriques, mais celle-ci commence à être connue par le grand public. Les maires peuvent pousser les autres collectivités (métropole, département, région…) au renouvellement du parc de véhicules des services de transports en commun. Eux-mêmes sont en responsabilité directe pour leur parc de véhicules de fonction. Ils doivent montrer l’exemple.
L’un des leviers importants concerne aussi l’aménagement du territoire. Dans leurs documents d’urbanisme, les élus doivent penser à la circulation de l’air pour limiter la concentration de particules notamment. Pour limiter l’étalement urbain, la densification des constructions est désormais préconisée et je le comprends bien. Mais il faut faire attention, car l’augmentation de zones denses peut être un facteur aggravant pour la pollution aérienne, avec des ruelles trop étroites. Les maires doivent le prendre en compte.
Les maires à la manœuvre pour la création des ZFE, zones à faibles émissions
Avec son pouvoir de police, le maire peut aussi choisir quels types de véhicules, il accepte de voir circuler dans certaines zones. Un arrêté ministériel vient de confier la responsabilité de la mise en place des fameuses zones à faibles émissions (ZFE) aux communes. C’est une solution très répandue en Europe et la France est très en retard dans ce domaine. En Italie, par exemple, il existe des zones à trafic limité (ZTL) depuis très longtemps dans la plupart des grandes villes et cela marche très bien. Il suffit de regarder ce qui s’y passe, pour s’en inspirer. Plusieurs communes du département travaillent sur une ZFE, mais Marseille est la première concernée. Attention, la création d’une ZFE n’est pas juste une question d’interdiction. Il faut accompagner les usagers. Le véritable chantier, c’est de rendre les habitants acteurs de ce changement.
Commencer par les écoles
Pour ce faire, je propose souvent de partir de l’exemple des écoles. Si on commence autour de ces établissements, au final, on quadrille l’ensemble de la ville et cela sera assez facilement accepté car tout le monde veut protéger la santé des enfants. Le principe est de commencer à installer des zones à faibles émissions autour des écoles. On peut arrêter la circulation assez facilement pendant les horaires d’entrée et de sortie des classes avec des barrières, des panneaux de signalisation et évidemment réduire la vitesse autorisée le reste du temps. Cela permettra d’améliorer de manière notable la qualité de l’air autour des écoles et en plus, cela aura un effet bénéfique pour les enfants à l’intérieur des salles de cours. Aujourd’hui, près de 80 % des écoles marseillaises ne disposent pas de systèmes de ventilation mécanique. Pour avoir un bon air dans les salles, il faudrait en réalité ouvrir les fenêtres toutes les dix minutes. C’est pourquoi il faut s’assurer d’avoir une bonne qualité de l’air dans la cour et dans les rues alentour. À AtmoSud, nous sommes déjà en train de travailler sur ses sujets de ZFE et de Plan écoles avec les élus de la Ville de Marseille et ça avance bien. J’invite d’ailleurs les autres communes intéressées à nous contacter.
Des entreprises locales innovantes pour des outils simples
Les communes doivent multiplier les outils pour avoir des données objectives de leur qualité de l’air. Aujourd’hui, il existe de plus en plus de solutions peu onéreuses à mettre en place. Atmosud peut les mettre en relation avec des sociétés innovantes dans le domaine comme Tera qui travaille avec la Métropole Aix Marseille Provence sur le projet Diam’s. Ils ont développé des mini-capteurs de particules fines très efficaces. Ils ont prévu d’en déployer 2 000 d’ici la fin de l’année. Il y a aussi Siradel, qui vient d’être rachetée par Engie. Ils proposent des outils de modélisation 3D de l’aménagement du territoire qui permettent d’estimer et de visualiser l’évolution de certains critères urbains pour aider à la prise de décision. Par exemple : comment évolue la qualité de l’air en centre-ville si l’on remplace une ligne de bus classique par une ligne de bus électrique. C’est très utile pour les collectivités. Enfin, plus proche de nous, à La Ciotat, la société Eurevia a développé des épurateurs d’air très efficaces. Atmosud travaille en partenariat avec toutes ses sociétés car elles proposent des solutions simples et très performantes.
Liens utiles :
> [Expertise] François Fouchier : « Les espaces naturels sont notre patrimoine commun » (1/10)
> Audrey Michel (Arbe) : Comment préserver et réintroduire la biodiversité en ville ? (2)
> Drones, microcapteurs… les nouvelles armes d’AtmoSud pour traquer les particules