Entre juillet et octobre, un grand débat public a lancé la concertation sur le projet de deux fermes commerciales d’éoliennes flottantes en Méditerranée. D’une puissance de 750 MW chacun, ces parcs pourraient s’installer en 2030 sur une large zone maritime entre Perpignan et Fos-sur-Mer. Le projet s’inscrit dans la programmation pluri-annuelle de l’énergie de l’Etat qui s’est fixé l’objectif d’atteindre 40% de sources renouvelables dans son mix énergétique. « Cette option des éoliennes flottantes suscite encore beaucoup d’interrogations mais pas d’opposition brutale. Beaucoup de participants sont même prêts à aller encore plus loin à condition d’avoir tous les éléments sur les éventuels impacts », explique Etienne Ballan, le président de la commission particulière du débat public du projet EOS. Le compte-rendu de plus de trois mois de discussions a été présenté jeudi 6 janvier à Montpellier avec un enseignement principal : « Le sujet récurrent, c’est le calendrier. Beaucoup de citoyens demandent à l’Etat d’attendre le retour d’expérience des éoliennes flottantes pilotes qui ne sont toujours pas en service », constate Etienne Ballan.
L’Etat doit s’expliquer sur l’accélération du calendrier
Ce nouveau projet de fermes commerciales est la suite des sites pilotes comme Provence Grand Large à Port-Saint-Louis-du-Rhône lancés en 2015 par Ségolène Royal alors ministre de l’écologie de François Hollande. « A l’origine, ils devaient être opérationnels en 2019 mais il y a eu un décalage important à cause de divers problèmes techniques et administratifs », raconte Matthieu Laurent, le chef de projet sur les parcs éoliens flottants en Méditerranée à la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC).
Au final, la mise en service n’est pas attendue avant 2023. Dans un document de planification de 2015, le préfet de la région Provence Alpes Côte d’Azur écrit noir sur blanc : « Le suivi des fermes pilotes et de leurs impacts, à la fois sur le milieu et les écosystèmes marins ainsi que sur les activités socio-économiques préexistantes à ces fermes, demeure la condition préalable au déploiement commercial. En effet, un suivi négatif de ces fermes pilotes pré-commerciales d’éoliennes flottantes ne pourrait permettre un agrandissement des parcs à une échelle industrielle ».
Pourtant, sous l’impulsion des acteurs économiques et d’une volonté politique d’accélérer la transition énergétique, l’Etat passe outre cet engagement et lance la phase commerciale sans attendre les fermes pilotes. « C’est l’un des gros points bloquant. Pourquoi maintenant ? Il faut que l’État apporte une réponse sur le choix du calendrier », prévient Chantal Jouanno, la présidente de la commission nationale du débat public (CNDP). Nicolas Clausset, le sous-directeur du système électrique et des énergies renouvelables au ministère de la Transition écologique, apporte un début de réponse : « Il y a une urgence climatique mais aussi industrielle économique », avance-t-il. L’Etat réserve cependant sa décision finale à la réponse écrite qu’il doit envoyer à la CNDP avant le 31 mars prochain.
Deux sites à déterminer parmi sept zones candidates
A trois mois des élections présidentielles, l’Etat doit décider de lancer ou non ce projet loin de faire l’unanimité. A l’issue du débat public, la CNDP a listé trente interrogations et propositions du publics auxquelles les pouvoirs publics doivent répondre. Outre la demande d’un report du projet après la mise en service des fermes pilotes, les citoyens demandent plus de précisions sur les impacts sur la faune, la flore, la pêche… « C’est un moment crucial car vous donnerez un signal fort sur la manière dont vous avez entendu les questionnements du public », lance Etienne Ballan à l’attention des représentants de l’Etat.
L’autre élément crucial attendu est également le choix des sites retenus pour accueillir les éoliennes. Pour l’instant, sept zones ont été identifiées (voir carte ci-dessous) dont une au large de Fos-sur-Mer. A priori, deux emplacements doivent être désignés mais Nicolas Clausset est soucieux de faire durer le suspense : « Cela pourrait être trois ou un seul. Rien n’est totalement arrêté », ajoute-t-il.
Il faudra donc attendre encore quelques semaines avant de connaître la décision finale de l’Etat. « Elle devrait même arriver rapidement bien avant le 31 mars », promet Nicolas Clausset. Une fois ces éléments reçus, la CNDP doit émettre un avis sur la complétude de la réponse et nommera ensuite deux garants du suivi du projet pour s’assurer de la bonne information du public par la suite. Si l’Etat confirme son calendrier, un premier appel à manifestation d’intérêt sera publié dès cette année pour pré-sélectionner les groupements d’entreprises qui construiront et exploiteront les fermes. Les lauréats seront désignés fin 2023 et une enquête publique sera lancée dans quatre à cinq ans avant une mise en service espérée en 2030.
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