Depuis plus de vingt ans, Euroméditerranée l’Établissement Public d’Aménagement Euroméditerranée (EPAEM) conçoit, développe et construit la ville méditerranéenne durable de demain au cœur de la métropole Aix-Marseille-Provence. Après sa première phase, le 3e quartier d’affaires de France est un lieu unique d‘observation et de prospective sur les besoins en locaux d’activité du territoire. Hugues Parant, directeur général d’Euroméditerranée apporte son regard sur le devenir des locaux après la pandémie.
Extrait de notre hors-série Les nouvelles adresses des entreprises paru en mars 2022. Cette publication trimestrielle, consacrée à l’immobilier de bureau, interroge ce qui se dessine sur le territoire régional, pour penser ce qui se construit et se construira demain.
Quelles sont les évolutions que vous percevez dans la demande de locaux ?
Hugues Parant : Toute la chaîne de production des logements comme des bureaux travaille sur des objets de très long terme, mais avec les connaissances d’aujourd’hui et un objectif le plus court possible. Les promoteurs, les investisseurs intègrent des impératifs qui sont dans le sens commun, dans l’air du temps, pas forcément avec une vision de long terme. Ils doivent par exemple aujourd’hui intégrer une hyper- connectivité des bureaux. En effet, les bureaux seront de plus en plus labellisés en fonction de leur capacité de connexion. Et ce d’autant plus que nous sommes entrés dans une ère nouvelle en matière d’organisation du travail. Mais ceci reste du court terme : en management immobilier « plus vous portez, plus vous perdez » dit-on. La chaîne immobilière travaille par essence sur le terme court, qui correspond au modèle économique des promoteurs. L’aménageur public que nous sommes a une perspective de long terme, celle qui permettra de livrer des quartiers vivants à une échéance parfois décennale. Par nos travaux d’aménagement, nous apportons la valeur au foncier, mais nous pensons à ce qui devra être désirable dans 10, 20 ou 30 ans.
Le métier d’aménageur exige une vision prospective. Nous demandons aux promoteurs de respecter notre Charte qui porte des objectifs qualitatifs transversaux : la qualité des matériaux, le recyclage des terres, l’utilisation du BIM, l’orientation des appartements pour les rafraîchir naturellement, etc. Nous savons ce que nous voulons, parce que nous pressentons ce que les futurs habitants exigeront dans les années à venir : par exemple, les toits d’immeuble, après la pandémie, doivent devenir des lieux de convivialité, des espaces sportifs, bref des toits aménagés.
« L’EPA Euroméditerranée imagine la forme et le contenu des quartiers à vivre »
Hugues Parant
Derrière cette orientation prospective, nous devons également penser à la cohérence du quartier qui s’érige et pas seulement nous arrêter à la modernité de tel ou tel immeuble. L’EPAEM imagine la forme et le contenu de quartiers à vivre, alors que le modèle économique des promoteurs les conduit à construire pour des clients. Ce n’est pas du tout la même approche, mais les deux visions se complètent. De même, nous avons la responsabilité de la réalisation des espaces publics et nous y incluons beaucoup d’innovations : la renaturation, l’adaptation des éclairages, la désimperméabilisation des sols, la porosité entre espace privé et espace public… Ces espaces publics doivent être en cohérence avec les bâtiments qu’ils bordent et nous avons, là encore, à nous interroger sur les aspirations des futurs habitants et salariés qui seront accueillis dans ces nouveaux ensembles urbains.
Les salariés, les managers ont- ils les mêmes besoins qu’avant la pandémie ?
H. P. : À vrai dire, ce sont les promoteurs qui sont confrontés directement à la demande. Mais nous voyons bien qu’il y a une réorganisation profonde du travail qui va changer la relation au bureau. Il y a un épuisement des gens à rester chez eux. L’entreprise a vocation à réunir les compétences, à développer la créativité ! Le bureau prend une vocation propre : la rencontre, la créativité, la capacité d’échanges. Mais ce que les salariés peuvent faire chez eux n’a plus de raison de se réaliser dans un bureau dédié.
« Il y a un épuisement des gens à rester chez eux »
Hugues Parant, Euroméditerranée
Les bureaux vont-ils donc diminuer ?
H. P. : On ne diminuera pas les espaces consacrés aux bureaux. Dans un immeuble, il y a aujourd’hui 40 % d’espaces communs, 60 % d’espaces individualisés. La proportion va s’inverser : 60 % seront consacrés à la vocation fondamentale de l’entreprise : l’esprit d’entreprise, les réunions stratégiques, le travail collaboratif. Mais il faut plus d’espaces pour ces besoins de convivialité, plus de mètres carrés. Je crois simplement à une distribution différente. Il y aura encore des plateaux de flex-office, mais à une échelle plus petite.
Le périmètre d’Euroméditerranée sur la Métropole en chiffres
3e quartier d’affaires de France
37 000 emplois privés
6 500 empois publics
700 000 m2 de bureaux
Plus de 5 300 entreprises implantées
Le rapprochement domicile-travail et la mixité sont-ils une nécessité ?
H. P. : Depuis 40 ans les gens se rapprochent de leur lieu de travail. Tendance forte, la mixité des fonctionnalités est programmée. Le fonctionnement hybride s’applique aussi dans un même immeuble avec des logements à vocation différente : locatif, achat, social… La notion « d’escales de travail » va changer le coworking. Aujourd’hui, il se localise dans des lieux tertiaires, des lieux de connexion avec les grandes entreprises. Le coworking est un produit du développement des autoentrepreneurs et de l’externalisation de fonctions de l’entreprise vers ces derniers. Le mouvement du coworking vient de la croissance des autoentrepreneurs qui se rapprochent de leurs clients, de leurs donneurs d’ordres. Mais nous atteignons le sommet de ce marché.
Les coeurs de ville voient partir vers les périphéries pavillonnaires les jeunes couples. Comment les séduire ?
H. P. : Nous sommes en train de bâtir des « quartiers village ». À Marseille ça parle ! Nous avons un référentiel de services de base : le café, les cigarettes, le médicament, le médecin, la « supérette » et la nature. Les habitants des métropoles ont redécouvert les vertus des relations de proximité. Si nous offrons un équilibre satisfaisant au salarié avec un accès au théâtre, au cinéma, à l’hôpital, aux commerces, au Parc des Aygalades restauré, avec un système de transport en commun pour aller vers un centre attractif, nous pourrons faire pencher les choix des familles vers ces « quartiers village ».
Comment va évoluer le marché de l’immobilier de bureau ?
H. P. : Nous sommes sur un marché en tension avec 2,5 % de taux de vacance : c’est le bailleur qui est maître. On peut craindre une augmentation sévère des tarifs de location si rien n’est fait pour accroître notre capacité d’offre. On sait qu’il faut 40 000 m2 de bureaux par an pendant 10 ans pour contrer cette évolution. Tout est fait pour que nous puissions développer ce programme. Il est ambitieux, certes. Mais, en sup- posant que nous arrivions à le réaliser, nous resterions loin derrière l’offre de certaines métropoles françaises, dont Lyon et Lille. Ce pour quoi nous plaidons, c’est que l’on entame enfin le rattrapage de 20 ans de frilosité concernant le tertiaire. Si Marseille a confiance dans son avenir euroméditerranéen, alors il faut qu’elle s’en donne les moyens.
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