La chambre régionale des comptes (CRC) a dévoilé jeudi 15 avril le rapport sur l’activité de la Société locale d’équipement et d’aménagement de l’aire métropolitaine (Soleam) de 2010 à 2018. Pendant cette période, elle a été présidée successivement par Yves Moraine, l’ancien maire des 6ème et 8ème arrondissements puis par Gérard Chenoz, adjoint aux grands projets du maire de Marseille, à partir de 2014. Ce document de plus de 200 pages édifiant n’a pas manqué de faire réagir les élus de la Ville de Marseille : « Ce rapport nous décrit des résultats alarmants en terme de gestion et de pilotage erratique », s’inquiète l’adjointe à l’urbanisme Mathilde Chaboche en conseil métropolitain. Les conclusions de la chambre sont particulièrement dures. Les magistrats pointent notamment les retards à répétition de grands projets menés par la société comme l’opération « Grand Centre-ville à Marseille ». Sur 1 500 logements neufs programmées en 2010, la Soleam n’en avait réalisées que 31 huit ans plus tard.
Opération « Grand Centre Ville » : le constat d’échec de la chambre
Dès sa création en 2010, la Soleam s’est vu confiée l’une des plus grands chantiers d’aménagement lancé sur Marseille par la mairie alors son principal actionnaire. L’opération « Grand Centre Ville » ambitionne alors de construire 1 500 nouveaux logements, d’accompagner la rénovation de 2 000 habitations, de créer 20 000 mètres carrés de locaux d’activité et de requalifier 15 000 mètres carrés d’espaces publics. Le tout pour un budget prévisionnel de 235 millions d’euros à finaliser avant 2021.
Seulement, la Soleam et la Ville de Marseille semblent avoir eu les yeux plus gros que le ventre : « Le calendrier était intenable dès le départ », constate la chambre régionale des comptes. « Un tel calendrier paraissait particulièrement ambitieux au regard de la multiplication des interventions à prévoir dans l’ensemble du centre-ville, du nombre d’études et de définitions de programmes nécessaires mais également du nombre élevé des acquisitions foncières à réaliser, amiables ou par voie de préemption, sachant que ces procédures sont habituellement longues et susceptibles de recours », précise le rapport. Pourtant, les retards semblaient prévus dès la convention initiale de 2010. Dans ses prévisions de dépenses annuelles, la Soleam prévoyait encore pour 10 millions d’euros d’acquisitions foncières en 2020 : « difficile d’imaginer dans ses conditions que la totalité des travaux puisse être réalisée », s’étonne la CRC.
Très rapidement, le projet accumule les retards. Dès la première année, la Soleam ne parvient à dépenser que 1,2 million d’euros sur 8,2 millions d’euros prévus initialement. Et le temps avançant, l’écart empire pour arriver en 2018 à seulement 49 millions d’euros engagés contre 189 millions visés. En termes de logements, les réalisations sont très inférieures aux objectifs fixés. Sur un objectif de 2 000 logements rénovés, seuls 14 avaient été réalisés fin 2018 et seulement 132 programmés.
Pour équilibrer ses dépenses, la Soleam comptait notamment sur une bonne partie de cessions des biens immobiliers créés ou rénovés. Mais le rapport de la chambre démontre que l’objectif est loin d’avoir été atteint : « Compte tenu de ces retards de réalisation, les recettes de cessions étaient logiquement très faibles à la fin de l’année 2018 (3,9 millions d’euros) et bien moindres qu’escomptées dans le plan prévisionnel (près de 75 millions d’euros de ventes cumulées attendues fin 2018) », calculent les magistrats. Et de se pencher un peu plus près sur certaines opérations symboliques de l’opération comme l’hôtel quatre étoiles des Feuillants sur la Canebière. Alors que la Ville de Marseille a acquis les cinq immeubles du lot pour un montant de 2,66 millions d’euros en 2011, la Soleam les a finalement revendu au groupe Fondeville pour 2,68 millions d’euros après réhabilitation. Dans le quartier du Panier, la CRC fait état de l’achat d’un immeuble pour 300 000 euros en 2012 revendu deux ans plus tard 26 400 euros au bailleur social Nouveau logis provençal. L’acte de vente engageait le nouveau propriétaire à démarrer les travaux avant décembre 2016 et à les achever au 31 décembre 2020. Hors, « la Chambre a pu constater lors d’un déplacement sur place en novembre 2019, soit plus de trois ans et demi après la vente, que cette opération, « terminée » du point de vue de la ville et de la Soleam, n’avait encore donné lieu à aucun début de réalisation », indique le rapport.