Ainsi en a décidé notre prince républicain. Un calendrier précis de déconfinement qui laisse entrevoir, après une année et des mois crépusculaires, le commencement d’une aube et, après la fête de la musique, une ouverture en fanfare d’un été délivré et libéré. Nous ne pouvons que nous en réjouir, tant cette inédite période fut, selon que vous soyez puissant ou misérable, d’une injustice crasse.
Du coup on se prend à rêver d’une nouvelle ère pour la métropole marseillaise et tout ce qui fait sa puissante vitalité. On pourrait ainsi…
Imaginer des terrasses à nouveau bondées où les serveurs auraient profité de cette longue hibernation, pour améliorer leur sens de l’hospitalité et chasser définitivement de leurs tics verbaux, lorsqu’on leur passe commande, les trop fameux « pas de problème » ou encore « ça va ».
Concevoir, dans nos plus folles aspirations, des commerces où on ne vous fasse plus le coup de la carte bleue en panne ou, pire, inexistante, avec la phrase qui, immanquablement, accompagnait naguère l’information : « vous avez de la chance, il y a un distributeur à trois cents mètres ! »
Une ville où les deux roues, non motorisés, seraient rois ou petites reines…
Oser penser, comme commence à le faire timidement la municipalité, une ville où les deux roues, non motorisés, seraient rois ou petites reines. Ce serait ainsi des mécaniques rugissantes apaisées, respectant les passages pour piétons, ayant quelques égards pour les priorités, ne confondant pas le rouge des feux tricolores avec « l’orange sanguine ». Bref un monde civilisé, où on donnerait du temps au temps.
Appeler à ce que certains rengainent leur haine de l’autre, et le vocabulaire qui l’accompagne. Le monde associatif doit définitivement chasser du langage de quelques-uns les mots « bicots », « bougnouls » et autres « ratonades ». Le président du club nautique qui vient d’accepter de mettre les voiles à Pointe Rouge, en démissionnant de sa présidence, après des propos ignobles, a indiqué le seul cap à suivre.
Prier, pour que les sachants sachent exposer leurs certitudes sans humilier les autres. Que les chercheurs trouvent, sans chercher des poux dans la tête de leurs concurrents. Que les médecins soignent d’abord leurs égaux, les patients, avant de nourrir, leur ego de balivernes empressées, sur les chaînes de télévision trop pressées.
La Covid a désormais ses vaccins. La pauvreté attend toujours ses remèdes.
Rejeter, définitivement, ces politiques qui placent leurs rentes de situation en tête de leurs préoccupations, quand on attend d’eux une vision, un chemin, une espérance. Il n’y a pas que Billancourt qu’il faut cesser de désespérer, mais toute une ville, un département, une région. La Covid a désormais ses vaccins. La pauvreté attend toujours ses remèdes.
Rendre justice à ceux qui en première, deuxième ou troisième ligne, sont allés au combat pendant que d’autres s’installaient dans le confort des commentaires gratuits ou des fake news assassines. Dans nos rues, nos hôpitaux, nos écoles, nos commissariats, … il y a eu ainsi des centaines d’anonymes pour relever les manches et livrer un match d’une violence rare, pendant qu’une poignée se contentait d’attendre le score, pour aller dans le sens du vent.
« Il s’agit donc de faire une société, après quoi nous ferons peut-être du bon théâtre ! »
Jean Vilar
Dans quelques semaines nous allons retourner aux urnes pour les élections départementales et régionales. Beaucoup y voient une répétition générale avant la présidentielle de 2022. Il y a donc de fortes chances que la pandémie servira de prétexte aux uns pour stigmatiser ceux, qui, au pouvoir, ont tergiversé, hésité, fauté. Ces derniers se défendront en désignant ceux qui les ont précédés, n’ont pas anticipé, se sont trompés. On en oubliera les enjeux et on continuera à ignorer les compétences et prérogatives des territoires. On parlera international, quand il s’agit d’abord de proximité. On évoquera, pour faire grossir la grande peur des bien-pensants, un grand remplacement à venir où une civilisation aurait décidé d’en chasser une autre. On s’en prendra à la justice, l’éducation, l’armée, la police… On fera surtout comme si on n’avait pas été bousculés, acculés, meurtris, affaiblis, par un virus et ses variants à répétition.
Jean Vilar à qui on doit le festival d’Avignon, dont nous attendons tous ici les superbes rendez-vous, affirmait : « Il s’agit donc de faire une société, après quoi nous ferons peut-être du bon théâtre ! » Et si cette sage clairvoyance servait d’exemple à ceux qui nous gouvernent, comme à ceux qui sont gouvernés.