Gomet s’est entretenu avec Julien Nazarian, président de l’entreprise familiale SMI Paulet et créateur du tournoi de golf Hopps Open de Provence. Il nous raconte son parcours, l’histoire de l’entreprise qu’il a reprise et du tournoi qu’il a créé, et son avis sur l’apport du golf à notre territoire.
Julien Nazarian, quel est votre parcours ?
Julien Nazarian : Je suis Marseillais, chef d’entreprise, âgé de 44 ans. J’ai passé mon enfance à Marseille, ai été scolarisé aux Lycées Saint-Joseph de la Madeleine puis Saint-Charles, d’où j’ai intégré l’Ecole Supérieure de Commerce de Paris. Jeune diplômé, j’ai passé deux ans en République Dominicaine, et le goût du voyage ne m’a pas quitté, puisque de retour en France, même à un poste financier dans le groupe BNP Paribas, j’ai contrôlé les filiales internationales en Roumanie, Russie, Ukraine, Maroc, Brésil… Après cinq ans de formation dans ce grand groupe, je me suis senti prêt pour rejoindre l’entreprise familiale SMI Paulet.
Parlez nous de SMI Paulet, de son histoire industrielle à son métier immobilier actuel
Julien Nazarian : La Société Méridionale d’Industrie Paulet a été fondée en 1913 par mon arrière-grand-père Léon Paulet, ingénieur, inventeur et entrepreneur qui a développé plusieurs métiers industriels à Marseille au début du XXIe siècle : d’abord la mécanique, moteurs, machines-outils et armement, sa cartoucherie pour l’armée française ayant employé plus de 1000 ouvriers, puis la construction automobile naissante, avec les automobiles Léon Paulet, présentées pour la première fois au salon automobile en 1921 (l’année où la SMC achetait le constructeur automobile marseillais Turcat Méry).
SMI Paulet fait partie du patrimoine historique économique de notre ville. Ses emplacements successifs, au gré de l’expansion de la société comme de la ville, se trouvaient en centre-ville, avec la construction d’un immeuble résidentiel sur le square Stalingrad, puis Boulevard Michelet, proche de la rue à ce jour nommée justement Léon Paulet. Sur son site actuel, qui se trouve Boulevard Gueidon dans le XIIIe arrondissement, après avoir stocké la poudre explosive jusqu’à la fin des années 60, elle a fermé ses activités industrielles et s’est aujourd’hui recentrée sur une mission foncière et immobilière.
SMI Paulet reflète l’histoire de Marseille et l’histoire de ma famille, dont je représente la 4e génération à partir du fondateur. La transmission a été notamment maternelle : ma grand-mère et mon arrière-grand-mère travaillaient activement avec leur mari, et c’est ma mère Marie-Hélène Paulet-Nazarian qui m’a transmis les rênes. Mon patronyme d’origine arménienne me vient de mon père, Jacques Nazarian, autre facette de l’histoire marseillaise. Pour ma part, j’ai œuvré à restructurer et rénover notre site, qui était excentré jusqu’à l’arrivée récente de la L2 attendue pendant 30 ans, et à diversifier ses locataires, attirés par les surfaces et les services, allant jusqu’au terrain de padel dans la verdure. Je crois à l’importance sociale du bureau, même à l’ère du télétravail, et depuis 2021 je m’intéresse à la promotion immobilière. Auparavant en 2017, j’avais fondé la société Pro Sport Events, pour créer le tournoi de golf Hopps Open de Provence.
Vous êtes le co-créateur du tournoi de golf Hopps Open de Provence. Pourquoi avoir lancé cet événement ?
Julien Nazarian : En tant que joueur de golf passionné depuis l’enfance, je me suis toujours intéressé non seulement à ce sport, mais aussi aux multiples actions menées par la Ligue Régionale de Golf. Adolescent, en 1993, j’étais allé à l’Open Jézéquel à la Frégate à Bandol, superbe tournoi qui n’existe plus. En 2017, j’ai eu l’idée de le ressusciter 25 ans après.
C’est donc en 2018 qu’a eu lieu la première édition de l’Hopps Open de Provence, sur le beau parcours de Pont Royal, tournoi figurant sur le Challenge Tour européen, créé avec Eric Paumier du groupe Hopps et son épouse Sandra Paumier. Cette première édition a été remportée par le français Romain Langasque. En parallèle du tournoi sportif de haut niveau attirant des champions titrés, et de son ouverture gratuite aux spectateurs du grand public, nous avons développé le Pro Am. Cette formule de jeu inventée il y a 50 ans aux USA par Arnold Palmer se pratique partout dans le monde et permet de faire jouer ensemble des professionnels et des amateurs, ce qui est possible au golf. Ainsi, pendant la semaine du tournoi officiel à Pont Royal, se déroulent aussi trois compétitions par équipes composées d’un pro et de trois chanceux amateurs, souvent invités par les entreprises sponsors du tournoi.
Aujourd’hui, sept ans après, ce n’est plus moi qui organise le tournoi, j’ai passé la main en 2023 à mes associés Eric et Sandra Paumier, en partie car j’estimais que ce tournoi n’était pas assez soutenu par la Fédération Française de Golf, avec le président de laquelle j’ai eu un différend. Cette fédération compte plus de 430 000 licenciés en France et gère un budget de l’ordre de 35 M€. Le golf est la 4e fédération olympique de sport individuel, et le 1er sport individuel au monde avec 66 millions de pratiquants, dont en France plus de 2 millions de pratiquants. Pourtant ce sport me paraît insuffisamment connu, promu et partagé en France, où il a une image élitiste qui le dessert. Je constate que dans d’autres pays du monde, l’image du golf est meilleure, ce sport est plus diffusé, suivi, demandé. Savez-vous que notre championne nationale, Céline Boutier, est la 3ème golfeuse mondiale (selon Rolex ranking) ?
Selon moi, il n’y a pas suffisamment de tournois en France, hormis bien sûr le célèbre Evian Championship féminin, fondé par Antoine Riboud il y a 30 ans, et depuis 2021 nommé Amundi Evian Championship, et l’Open de France masculin sur le golf national de Paris dans les Yvelines, parcours de la Ryder Cup, reçue par la France en 2018, l’an dernier à Rome et cette année à New York, conformément à la tradition d’alterner entre Europe et USA. Puis viennent les trois tournois du challenge tour, en Normandie, en Bretagne et en Provence avec le Hopps Challenge Tour, qui devrait se tenir cette année en juillet (et non plus en octobre). Ces tournois représentent une vitrine du golf et le font découvrir.
Quel apport le golf peut-il selon vous offrir à notre territoire provençal ?
Julien Nazarian : Même si le golf est un sport britannique à l’origine -merci à eux de l’avoir inventé et développé !-, nous avons en France une belle tradition de golf : le premier golf créé en France était à Pau au XIXe siècle, le second à Dinard, et il y a à ce jour plus de 700 parcours dans l’Hexagone. Ceci fait de notre pays le 7e mieux équipé au monde après les USA, le Japon, le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie et l’Allemagne, et avant la Corée, la Suède, la Chine, l’Espagne et l’Afrique du Sud, selon les données publiées en 2022 par Golf Star.
Le golf constitue un atout touristique et économique incontournable, mais sous-exploité à mon avis. Economiquement, la petite balle blanche pèse lourd : une étude du cabinet EY, relatée par Le Monde Economie il y a cinq ans, chiffrait le marché français du golf à 1,5 milliard d’euros et 15 000 emplois, en croissance de 4 % l’an sur 10 ans, selon Marc Lhermitte, associé d’EY coauteur de l’étude en 2018. L’emploi me semble un thème majeur sur notre territoire.
En Provence, nous avons la chance d’avoir 60 parcours dont 10 autour de la métropole Aix Marseille. Le plus beau à mes yeux est celui de Pont Royal, dessiné par Ballesteros et élu meilleur parcours de France 2021 et 2022 par les World Golf Awards. Le plus ancien est celui d’Aix les Milles, fondé en 1935 par des hommes d’affaires marseillais (Zarifi, Daher, Demandolx, Terrin…) et redéveloppé depuis. Puis la Bastide de la Salette a été créée en 1989 à Marseille (11e) dans les collines de Pagnol. Je regrette la fermeture du parcours de Borély, décidée récemment par la mairie de Marseille, car outre le poumon vert qu’il garantissait à notre ville qui en a grand besoin, il était fréquenté par de nombreux golfeurs marseillais, notamment des débutants et des seniors pour qui le parcours était particulièrement adapté.
Ces parcours permettent un développement économique et touristique. Le Comité Régional du Tourisme de Provence Alpes Côte d’Azur en a justement fait un axe. Les croisiéristes en escale à Marseille peuvent par exemple se rendre au golf de la Salette. Le golf reste praticable à tout âge, même pour les seniors, et répond donc au vieillissement de la population. Ce sport attire une clientèle aisée à pouvoir d’achat, mais pas seulement. Je crois à l’ouverture du golf à des publics divers. J’ai ainsi organisé des initiations à l’Epopée dans le XIVe pour une soixantaine d’enfants des quartiers, pour la découverte, l’ouverture, la confiance en soi, la sortie du quotidien, la nature. Sur le modèle de « Fête le mur, le tennis contre l’exclusion », lancée par Yannick Noah d’abord à Aix en 1996, j’envisage de créer une association en ce sens, avis aux bonnes volontés !